Deleo revient plus incandescent que jamais. Le duo montpelliérain formé par Denis Navarro et Émilie Domergue dévoile un nouvel EP, If This World Were Mine, à paraître le 14 novembre, produit par Philippe Uminski. Un disque organique et radical, où le rock est traversé par des tensions électriques et une sincérité prégnante. Entre rage punk, lyrisme noir, Deleo signe une œuvre de pleine de contraste, à l’image de son duo. Porté par une production, « If This World Were Mine » nous offre un cri de vérité tel un disque qui transpire, tremble, et ne lâche rien. Avant sa sortie, Deleo nous a accordé un moment pour parler de ce nouvel EP, de sa genèse, de sa tension vitale, et de ce qui brûle encore derrière leurs chansons.
Votre nouvel EP If This World Were Mine marque un virage plus radical. Qu’est-ce qui vous a poussés vers cette approche plus punk ?
Denis : On avait besoin de revenir à quelque chose de plus instinctif, de plus organique. Le précédent album avait une dimension plus atmosphérique, plus produite. Là, on voulait sentir la sueur, le réel. Ces dernières années ont été intenses pour le groupe, et il y avait cette nécessité d’exprimer tout ça sans filtre, sans vernis.
Émilie : Je crois qu’on avait tous envie de lâcher prise. Sur scène, on se rendait compte que les morceaux les plus bruts étaient ceux qui créaient une vraie connexion avec le public. Cet EP, c’est un peu comme une mue : on garde l’émotion et la mélancolie, mais on les envoie frontalement.
Dans votre duo il y a une grande ambivalence, bien dark et pourtant flamboyant. Comment cette dualité se manifeste-t-elle concrètement dans l’écriture et l’interprétation des morceaux ?
Émilie : Cette dualité, elle fait partie de nous. Denis a souvent cette écriture sombre et très visuelle, presque cinématographique, et moi je viens mettre des mots sur ce que ça me fait ressentir. Il y a toujours un équilibre entre l’ombre et la lumière, entre la douceur et la tension. Même quand on parle de douleur, il y a une forme de beauté là-dedans.
Denis : Oui, et c’est aussi ce qui définit DELEO depuis le début. On ne cherche pas à choisir entre rage et poésie, entre noirceur et lumière. On vit les deux, souvent en même temps. C’est ce qui rend notre musique vivante et humaine.
Philippe Uminski a produit cet EP. Quelle a été sa contribution la plus marquante ? A-t-il davantage servi de catalyseur ou de détonateur pour aller plus loin dans vos intentions ?
Denis : Un peu des deux, je dirais. Philippe est arrivé avec un regard très juste, très musical, mais sans jamais imposer. Il a su capter notre énergie et la canaliser. Sur certains titres comme Asshole and Ashes ou Echoes, il a poussé le curseur beaucoup plus loin que ce qu’on aurait osé faire seuls. Il nous a appris à assumer totalement nos partis pris.
Émilie : Il a surtout su créer un climat de confiance. En studio, il y a eu beaucoup de discussions sur le sens des morceaux, sur la sincérité. Il a ce talent rare de comprendre à la fois la technique et l’émotion. Il a été un miroir bienveillant, mais aussi un détonateur quand il fallait faire exploser quelque chose.
Il y a une sorte d’expérience énergétique très scénique chez DELEO. Même en écoutant votre musique, on vous imagine sur scène. Quelles sont vos principales sources d’inspiration ou vos coups de cœur sur la scène rock contemporaine ?
Denis : On écoute beaucoup Fontaines D.C., Idles, Murder Capital. Ce sont des groupes qui réussissent à être à la fois intenses et profondément sincères. Ils ont cette manière d’incarner la musique avec leurs tripes. C’est ce qu’on essaie de faire aussi.
Émilie : J’aime beaucoup la scène anglaise actuelle pour son côté à la fois brut et poétique. Et puis il y a aussi des artistes plus introspectifs qui m’inspirent pour la voix ou l’interprétation. On veut que chaque concert soit un moment suspendu, où l’énergie brute rencontre la fragilité.
Dans Asshole and Ashes, on sent une ironie rageuse, révolutionnaire. Quelle place l’humour et la dérision tiennent-ils dans votre manière d’aborder la colère et la révolte ?
Émilie : C’est essentiel. L’humour, c’est une façon de tenir debout. Ce titre parle d’une colère réelle, mais avec une distance, presque du second degré. Parce qu’au fond, ce qu’on dénonce, c’est souvent l’absurdité du monde. Et quand tout est absurde, le sarcasme devient une arme.
Denis : On ne voulait pas faire un titre plombant. L’ironie, c’est une manière de désamorcer la violence sans la nier. Ce morceau, c’est un exutoire, mais aussi un clin d’œil. On y crie notre rage, mais on en rit aussi.
Something I Will Find et Calm and Quiet traduisent une tension intérieure très forte. Est-ce une façon pour vous de transformer la douleur en énergie créative ?
Émilie : Oui, totalement. Je crois que c’est même le moteur principal. Quand quelque chose brûle à l’intérieur, il faut le transformer, sinon ça te consume. L’écriture et la voix me permettent d’exorciser des émotions que je ne pourrais pas dire autrement.
Denis : C’est aussi une manière de donner du sens au chaos. Quand tu fais de la musique, tu ne cherches pas forcément à guérir, mais à comprendre. Ces morceaux, ce sont des instantanés de tension, de vertige, mais aussi d’apaisement.
Vous revendiquez une musique brûlante. Qu’est-ce qui brûle le plus aujourd’hui, DELEO, dans ce monde qui semble pencher de plus en plus vers le chaos ?
Denis : Ce qui brûle, c’est le besoin de vérité. On vit une époque saturée de mensonges et de faux-semblants. Faire de la musique sincère, sans se cacher derrière une façade, c’est presque un acte politique aujourd’hui.
Émilie : Oui, et il y a aussi cette brûlure de l’humain. Ce monde est fou, mais il y a encore de la beauté partout. La nôtre, elle est dans le fait de continuer à créer, à se battre, à aimer. La flamme, c’est ce qui nous relie.
Vous partez en tournée dans toute la France. Qu’est-ce que vous aimez le plus dans l’expérience du live ?
Émilie : Le contact. Ce moment où tout se mélange — la lumière, la sueur, les regards. C’est là que les morceaux prennent tout leur sens. J’adore cette tension entre le contrôle et le lâcher-prise.
Denis : Sur scène, on arrête de réfléchir. Tout devient instinct. Et chaque concert est différent. C’est vivant, imprévisible, un peu sauvage parfois, et c’est pour ça qu’on fait tout ça.
Que voudriez-vous que le public ressente en découvrant If This World Were Mine ?
Émilie : J’aimerais qu’il y trouve une résonance personnelle. Que chacun puisse se reconnaître dans une émotion, une colère, une fragilité. Cet EP, c’est un voyage intérieur.
Denis : La rage et l’honnêteté.
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