Depuis leurs débuts dans les caves rennaises, les frères de BOPS n’ont cessé de faire évoluer leur son, passant d’un garage rock brut et fougueux à une pop plus lumineuse et ciselée. Après l’excellent « Sounds of Parade » (2022), le quatuor breton revient avec un troisième album, « Panic », enregistrée au Studio La Frette avec Samy Osta, est riche en nuances et en idées. Entre urgence créative et précision pop, Louis, chanteur du groupe, revient sur la genèse du disque, la vie de groupe, les textes engagés et cette force fraternelle qui unit BOPS.
Une rencontre autour d’un café, pour discuter d’un des groupes les plus prometteurs de la scène rennaise.
Revenons un peu à l’origine du projet. BOPS, c’est surtout une histoire de famille, non ?
Oui, complètement. BOPS, c’est d’abord une affaire de frangins. Moi, je suis l’aîné, Oscar est le second, il est à la batterie et Germain, le cadet, est à la guitare.
Au début, c’était surtout Oscar et Germain qui jouaient ensemble. Moi, je faisais déjà de la basse dans d’autres groupes. Et puis très vite, on a commencé à échanger des idées, à composer un petit répertoire d’environ 50 minutes. Le but, c’était juste de jouer à Rennes le plus vite possible.
On a vraiment lancé le projet entre 2015 et 2016. Le premier album est sorti en 2017, très garage, très brut, un peu dans l’esprit des White Stripes.
Et ensuite, tout s’est enchaîné ?
Oui. En 2017-2018, on a énormément tourné : Italie, Espagne, Suisse, Angleterre… C’était un peu notre “Pizzeria Tour” : on jouait là où on voulait bien de nous. C’était hyper formateur, parce qu’on n’était pas des instrumentistes très chevronnés. Jouer tout le temps, ça nous a fait progresser.
Puis il y a eu la parenthèse du Covid…
Exactement. On avait déjà commencé à travailler sur de nouveaux morceaux, mais tout a été ralenti. C’est à ce moment-là qu’on a commencé à bosser avec Tom, clavier et guitare, qui était d’abord un pote, avant de rejoindre officiellement le groupe.
Avec lui, on a pris une direction plus pop. On avait un peu fait le tour du garage. L’envie d’arrangements, de synthés, de claviers, de boîtes à rythmes… C’est ce qui a donné “Sounds of Parade” en 2022.
Et aujourd’hui, avec “Panic”, vous poussez encore plus loin cette orientation pop.
Oui, clairement. On voulait sortir de l’étiquette sixties qu’on nous colle à la peau, même si ça reste dans notre ADN. On a grandi avec ces sons-là. Mais aujourd’hui, on cherche à aller vers des choses plus contemporaines, avec des structures plus singulières, plus électroniques parfois.
La pop, c’est aussi plus exigeant que le garage, non ?
Carrément. Le garage, c’est immédiat, brut, instinctif. La pop, ça demande plus de précision, d’arrangements, de travail sur les voix.
Du coup, on perd un peu l’énergie du garage, même si on essaie de la garder sur scène. Parfois, on joue encore des sets plus rock selon les contextes, mais “Panic” est plus écrit, plus ciselé.
L’album a été enregistré très rapidement, en cinq jours, c’est bien ça ?
Oui. On a fait les prises live avec Samy Osta au studio de La Frette, dans le 95. Un lieu incroyable, une sorte de petit manoir au bord de la Seine.
C’était très cher, donc on a tout enregistré en cinq jours ! (rires) Mais ça nous allait : on voulait garder une base live, brute, basse-batterie-clavier-guitare qui tienne debout toute seule.
Ensuite, on a passé une quinzaine de jours dans un autre studio pour peaufiner, surtout les voix. Donc il y a à la fois ce côté urgent et ce souci du détail.
Si vous aviez eu plus de temps ou d’argent, le résultat aurait été différent ?
Peut-être plus lisse, oui. Mais on voulait justement garder la spontanéité.
Quand tu passes trop de temps sur une chanson, tu la perds. Certaines qu’on a travaillées pendant huit mois ne sont même pas sur l’album.
Là, on voulait quelque chose de fidèle à ce que nous sommes, fixer un truc vivant.
Parlons des textes maintenant. Vous abordez des thèmes plutôt forts.
Oui, on a voulu écrire des paroles qui ont du sens. Sur le premier album, beaucoup de textes étaient un peu “blabla”, parce qu’on écrivait en anglais sans trop réfléchir.
Là, on voulait dire des choses. On parle de Bretagne, de la montée du fascisme, d’écologie, du monde du travail…
Il y a un morceau sur Anjela Duval (“I Am A Slope”), un autre sur l’écologie libérale (“Sustainable Life”), et puis des chansons plus romantiques comme “Crack of Dawn”.
Chanter en anglais, c’est un choix pour s’ouvrir à un public plus large ?
Pas forcément. C’est juste qu’on n’arrive pas à chanter en français. En français, tout paraît plus lourd, plus frontal. En anglais, c’est plus fluide, plus musical pour nous.
Et puis oui, ça permet aussi que les chansons voyagent plus facilement.
Vos tournées à l’étranger vous ont-elles fait voir le monde différemment ?
Oui, un peu. Quand on va en Angleterre, par exemple, on est frappés par la pauvreté qu’il y a là-bas.
Ça nous fait réfléchir à notre situation en France, avec le statut d’intermittent, nos fonctionnements aussi. C’est une vraie chance, et ça nous pousse à nous interroger sur le système.
Jouer en famille, c’est plus simple ou plus compliqué ?
Les deux ! (rires) C’est plus efficace, parce qu’on se dit tout sans filtre. Mais c’est aussi plus intense.
On passe dix heures par jour ensemble, donc forcément il y a des désaccords.
Mais c’est génial. Et puis avec Tom, qui est là depuis trois ans, ça s’équilibre. Il apporte beaucoup, musicalement et humainement. Parfois, il joue même l’arbitre. (rires)
Comment vivez-vous le rapport au public sur scène ?
Avant, avec le garage, tout reposait sur l’énergie. Maintenant, il faut être plus concentré, mais on essaie de garder le lien avec les gens.
On veut que ça reste vivant. On ne fait pas du shoegaze, on n’est pas là pour regarder nos pompes (rires). Nos textes parlent du monde, donc on veut que ça circule.
Avec cet album “Panic”, tu sembles particulièrement fier.
Oui, c’est clair. C’est le meilleur des trois albums, à mon sens. Il a du goût, il dit ce qu’on voulait dire, avec ses défauts, mais avec sincérité.
Pourquoi ce titre, justement, “Panic” ?
On voulait un mot simple, percutant. Et puis “Panic”, ça résume bien notre époque : une société en panique, un monde qui s’effondre un peu plus jour après jour.
C’est grave, mais on voulait le traiter avec une énergie joyeuse, presque dansante. Et puis l’artwork, avec ses petits bonhommes façon kraftwerk, signalisation, collait parfaitement à cette idée.
Et la suite ? Vous repartez sur la route ?
Oui ! On joue à La Cité, à Rennes, le 29 novembre, avec GWENDOLINE, DON DIAS et DENTDELION.
On a aussi une release à Paris le 20 novembre, puis une tournée en Espagne et au Portugal pendant dix jours.
En tout, une vingtaine de dates à venir d’ici six mois. Donc non, pas de panique ! (rires)



