[Chronique Ciné] « Flic ou Zombie » de Mark Goldblatt. Avoir un bon copain…

C’est le printemps du cinéma, en cette fin de juin 1988, et la salle est pleine à craquer. Cela se marre, les coupes « bananes » flirtent avec les mulets et les salopettes avec les perfectos. Cela s’empiffre de pop-corn, cela chahute gentiment et cela glousse un peu avant le film. Le film ? Une bonne vieille série B qui n’aurait pas trouvé preneur en dehors de cette période pré-estivale. Economiquement attrayante, cette « fête » propose tout et n’importe quoi et, cet après-midi, j’opte avec mes potes pour la seconde option. C’est le temps de l’acné dévorante, des pin’s improbables et du troisième album de Michael Jackson. Le bac A3 (to the future) est encore loin et les vacances imminentes. Silence. L’obscurité pointe le bout de son nez. Moteur. Horreur. Action. 
ZAP.
On avance un chouilla le magnétoscope et me voici, 36 balais plus tard, devant la très belle édition proposée en combo Blu-Ray DVD par les éditions ESCD.
Que reste-t-il de nos amours ? Un nanar du 7ème Art ou un film culte ? Miami Vice ou Scooby Doo ? Du gore ou du mou ?
On se cale dans le canapé et c’est parti pour un « Flic ou Zombie » d’anthologie, 80 minutes de WTF, où Tango & Cash croisent le fer avec Terminator et… La Nuit des Morts-Vivants ! 
Pour sa première réalisation, Mark Goldblatt, monteur émérite de films de genre ( « Piranhas », « Halloween 2 », « Hurlements », « Terminator », « Rambo 2 », « Commando », « Cabal », « Le dernier samaritain », « Starship Troopers », etc.…) s’octroie les services de Terry Black au scénario (Terry n’étant autre que le frère de Shane, auteur à 23 ans de « Leathal Weapon » et réalisateur béni de « Kiss Kiss Bang Bang » ou de « The Nice Guys ») et d’un duo d’acteurs rigolards. Oui, quitte à pomper sur « L’Arme Fatale », autant y aller à fond ! 
A ma gauche, Treat Williams, vu dans « Hair »,  » 1941″ ou « Ennemis rapprochés » (tapez sur un moteur de recherches le nom de l’intéressé + Star Wars et vous aurez une surprise), « prince sans rire » d’Hollywood aux épaules solides. A ma droite, Joe Piscopo, sorte de Tony Danza nappé de JCVD, à la démarche de cow-boy et aux réparties pourries.
Roger Mortis et Doug Bigelow. Le gros lot.
On mise, donc, sur du moelleux. Réalisation correcte, tempo calibré (of course) et du fun, du fun, du fun !
Pour cette histoire abracadabrantesque, notre ami Terry se dé-Shane et envoie promener toute logique. Braquage. Deux zigotos cagoulés se font canarder à la sortie de la banque par un comité d’accueil maousse. La police est sur les dents mais nos malfrats restent insensibles aux balles. Immortels ? Oui ! Zombies ! Attention ! Placid et Muzo mènent l’enquête. Un étrange produit est décelé lors d’une autopsie, produit menant droit à une énigmatique industrie du nom de Dante (haha !). Ni une, ni deux, nos trublions débarquent. Opération séduction. Mais l’investigation prend une tournure plus morbide lorsque Roger Mortis trépasse en salle de décompression. Je vous la fais courte. On le ressuscite via une machine digne du Professeur Frankenstein. Dès lors, empathie et réflexion sont remisées au placard. « T’es décédé mais c’est cool, mon pote. Poursuivons notre filature ». Le présumé coupable à la gueule de l’emploi ? « Ignorons-le ! Allons chercher des indices dans une bibliothèque ». La très jolie responsable des relations publiques, adoptée par un magnat aux allures de professeur fou (l’impérial Vincent Price en guest), est destinée à finir en décomposition ? Innocente victime des néfastes actions de son daron ! C’est horrible mais on s’en fout. Ici, les personnages féminins, bien plus intelligentes que nos lascars, ne servent absolument à rien. Bienvenue dans les années 80. Sigh ! De rebondissements en twists and shout, de scènes hallucinantes (la réserve d’une boucherie asiatique en proie à des canards revenants et à un porc laqué tendance Razorback!) en sketchs poussifs, notre long-métrage poursuit son petit bonhomme de chemin sur de sinueux sillons narratifs. Mais Mark Goldblatt assume et, une fois cette pochade acceptée, tout, je dis bien TOUT dans « Dead Heat » offre un plaisir démesuré. Le boss de nos Starsky & Hutch en goguette est un décalque du Capitaine Dobey ? Leur voiture est une Ford Gran Torino rouge zébrée d’une bande blanche ? Un biker énorme en mode Hulk Hogan fait du catch avec Doug Bigelow ? Je dis « Banco » ! Une réalisation qui, avec les moyens d’une production chiche- New World Pictures, en charge de « CHUD » mais surtout des « Jours et de nuits de China Blue »- ne cesse de nous surprendre ? Je dis « Bravo » ! Enfin, des cascades dans une piscine, des échanges de coups de feu généreux, un doublage français en roue libre et des hommages aux pairs/pères…comment lutter ?
Si vous êtes un amateur éclairé de prothèses dégueulasses, d’animatronique vintage et de maquillages repoussants. Si vous ne savez quoi piocher entre « 48 heures » et « Reanimator ». Si la nostalgie du « le brushing, c’était mieux avant » vous étreint et si les fins bazardées vous font gondoler… »Flic ou Zombie » est l’OVNI idéal.
Le plaisir coupable que l’on tait durant le repas familial. Le meilleur Buddy Movie du monde pour cinéphages d’un autre âge. La friandise acidulée.
Laissons les fans s’entre-déchirer entre le majeur et l’anecdotique.  » The Dead don’t Die » » et « Resident Evil ». Rohmer et Romero. Binoche et bidoche.
Laissons les chantres du bon goût Vent debout.
Moi, je prends tout et leur laisse murement ruminer cet adage : 
Quand les fans de « 28 jours plus tard » se moquent, les défenseurs de « Dead Heat » piaffent.
 
John Book.