ANIMA, 4ème album solo du leader de Radiohead, disponible sur les plateformes de Streaming audio, est accompagné du court-métrage éponyme, entre rêve et réalité.
La sortie de l’album ANIMA s’accompagne d’un court-métrage de 15mn signé Paul Thomas Anderson, diffusé par l’intermédiaire de la chaîne Netflix. Il nous montre une société formatée où l’individu évolue entre rêve et cauchemar, l’empêchant d’atteindre le bonheur. L’univers est poétique, angoissant et énigmatique mais est-il vraiment une fiction ?
La vidéo présente trois chansons de l’album, “Not the News“, “Traffic” et “Dawn Chorus“. Après la belle B.O. du terrifiant “SUSPIRA“, Yorke se transcende sur son nouvel opus solo, avec des compositions envoûtantes.
A l’instar de sa collaboration avec le groupe Atoms for Peace en 2013, l’électron libre de la scène électro nous prouve qu’il est capable du meilleur, même sans ses compagnons de jeu habituel. Il nous livre sans doute ici son meilleur album solo. Avec des compositions aux envolées proches du lyrisme, il enrichit et élargit ses palettes sonores, parfois lentes et mélodieuses (“I Am a Very Rude Person“), fascinantes (“Not The News“) ou dansantes (“Impossible Knots“). Le tout dans une combinaison subtile d’esthétisme romantique,
Mention spéciale pour “Twist“, longue (7mn) et envoûtante mélodie au tempo brûlant.
“To you who brought me back to life
To twisted thorns that grow inside
The shingle washing my old bones
Of woe betides and woe begones
With just enough love to go ’round …”
Et puis, il y a “Dawn Chorus“, magnificence absolue qui vous captive et vous transporte au plus profond d’un rêve éveillé, Notons qu’il s’agit du titre d’une chanson que Thom et son groupe Radiohead ont dans les tiroirs depuis 2009, et qu’il désigne comme étant, de toutes celles qu’il a écrites, SA chanson préférée; celle dont il ne parvenait pas à achever la piste à l’époque. C’est chose faite désormais et pas d’erreur, c’est une réussite déjà incontournable !
If you could do it all again
Yeah, without a second thought
I don’t like leaving
The door shut
I think I missed something
But I’m not sure what
Nigel Godrich, son producteur et ami de longue date, n’est sans doute pas étranger à cet aboutissement.
ANIMA sera disponible à partir du 19 juillet 2019.
L’édition vinyle comporte un dixième titre bonus (LADIES & GENTLEMEN, THANK YOU FOR COMING).
Yorke incarne un homme dans un train avec d’autres voyageurs, qui somnole, revêtu d’un vêtement uniformément gris. Lui-même a du mal à garder les yeux ouverts lorsqu’il aperçoit une jolie femme (jouée par sa compagne Dajana Roncione) dans le wagon. Celle-ci oublie une petite mallette en descendant du train. Il entreprend de la lui restituer. Commence alors une course poursuite dans un dédale de décors tantôt archaïques, tantôt surréalistes. Fin de “Not the News“.
“Traffic” prend la suite. Rapidement, Yorke se heurte aux personnes qui se déplacent dans la direction opposée et forment une barrière à cette quête empreinte de romantisme. Les mouvements deviennent épileptiques, anarchiques comme mus par une entité. Le tout est orchestré par une chorégraphie subtile et inventive, proche de celle de David Byrne.
Dans une lente transition, “Dawn Chorus” prend la suite. Après une chute, le chanteur semble s’être évanoui; à son réveil, la femme à la mallette est à ses cotés, comme par enchantement. A cet instant, l’ambiance musicale s’apaise et les personnages reviennent dans un environnement plus contemporain. Entre réalité et rêve…
Certains voient une analogie cinématographique entre “1984” et Anima. Pour ma part, j’opterai davantage pour le romantique et troublant “Brazil“ de l’ex-Monty Python Terry Gilliam, où les sujets de l’inconscient, du conscient, du désir, de l’individu et de l’aliénation sociétale, restent une référence majeure.
ANIMA fait bien sûr référence à la représentation d’un idéal féminin, porté par l’inconscience du rêve en dualité avec la conscience rationnelle (C.G. Jung). Figures symboliques où la réalisation des désirs s’articule dans des mécanismes de projections et d’évasions. Se heurtant à la “vision rassurante d’un avenir planifié”, la recherche du fantasme utopique peut constituer une voie d’accès à l’inconscient, révélant nos limitations, exacerbées par nos éducations ou nos frustrations.
Le rêve et l’utopie sont marqués par la même ambiguïté; ils sont paradoxalement à la fois source de force pour forger des volontés et symptôme de faiblesse lorsqu’ils deviennent trop persistants, jusqu’à la perte même de repères entre les deux versants. La structure du fantasme utopique devient alors pour l’esprit une deuxième réalité fantasmée – ici la femme ou, du moins, le sexe opposé -, représentation de son fantasme, mais pas uniquement.
Le carcan dans lequel il évolue, représenté par cet état de somnolence de l’être dans un moyen de locomotion de masse autonome, le prive de son libre arbitre par le formatage d’un société à sens unique où la volonté d’affirmation de soi est synonyme de transgression, dont il cherche à se soustraire par le rêve. Qu’y-a-t-il de plus exutoire que le désir d’aimer et d’être aimé en retour ?
A n’en pas douter, toute ressemblance avec des faits réels est fortuite.
“l’utopie est un monde dans lequel les passions ont été rabotées et détruites par la mise au pas des individus” Thomas More
La réalisation de Paul Thomas Anderson, accompagnée de la chorégraphie audacieuse de Damien Jalet, réussit à subjuguer l’ambiance déjà captivante d’Anima. Yorke, musicien hors normes, s’intègre merveilleusement à l’écran, dans son univers entre rêve et réalité.
Le réel ne se démasque pas, il s’invente…
Stef’Arzak
Album dispo ici ->https://anima.technology/
Ecoute ici -> https://thomyorke.ffm.to/anima
Court-métrage Netflix -> http://nflx.it/29BcWb5