Non, pas de séance de psy pour Eugénie mais des confidences sur le divan de Binic du nouveau bijou de Parlor Snakes, « Disaster Serenades » ! Incontournable opus qui fait scintiller vos petits yeux et remuer votre corps dans votre perfecto pailleté ! Et oui, on peut être Rock et avoir la distinction de l’élégance !
C’est l’heure où jamais de perdre le contrôle ! « Don’t worry child, Don’t worry girl, It’s just going out of control in there, It’s just going out of control again… »
Comment décrirais-tu cet album ?
Et bien je trouve que le titre de cet album, « Disaster Serenades », résume très bien le fond et la forme. Ce sont un peu des sérénades désastreuses (rires)… C’est l’album du désastre mais aussi du renouvellement; donc ça parle beaucoup de la fin des choses, de la fin des cycles… Mais après une fin de cycle, il y a forcément un renouveau, donc il y a de l’espoir.
Ça colle complètement à l’actualité, à cette mouvance actuelle où on a tendance à vouloir du renouveau, renouveler les choses ?
Je ne sais pas. Moi je ne me suis pas trop posée cette question sur la tendance actuelle puisqu’à vrai dire, je ne sais pas vraiment ce qu’est la tendance actuelle ? Moi j’aime le rock’n’roll donc ça n’est pas très tendance en fait.
Pour un public averti, si !
Pour un public averti oui, mais pour un public « mainstream », on reste malheureusement encore dans une niche. Mais je pense que, en tout cas je n’ai pas réfléchi à ça, j’ai juste eu besoin d’écrire ces chansons-là, à ce moment-là de ma vie, ça coulait de sens, il y avait quelque chose d’extrêmement spontané quand on les a écrites, et ça n’était pas réfléchi. Ensuite, lorsqu’on est partis sur le mix, on a voulu effectivement faire ce qui nous paraissait le plus vrai, le plus juste, ce qu’on avait envie de faire au plus profond de nous-mêmes. Mais coller à la tendance, c’est très loin de nous, c’était juste là comme ça, très spontané. Et cet album est, je trouve, extrêmement cohérent tant dans son titre que dans les textes des chansons, dans la pochette, la musique en elle-même : plutôt dense et lourde, au sens positif du terme; et tout ça s’est fait de manière très spontanée et un peu vitale en fait.
Tu n’as pas eu de réflexions forcément symboliques ?
Non,. Parfois, il y avait des titres de chansons qui étaient là avant les textes, qui permettaient d’orienter un peu certaines choses, certains textes. Mais c’est arrivé à un moment de ma vie – de nos vies aussi avec Peter – où tout faisait sens. On a écrit les chansons assez rapidement, on les a bien sûr retravaillées en mix, mais tout a été enregistré en live. Après, on a fait les overdub et on a posé les voix. Il y avait une espèce de « rage », une envie que ça sorte.
Sortir ses tripes un peu à un moment donné.
Ouais ! Cet album est assez différent des autres dans le sens où il est peut-être plus dense, plus noir aussi, beaucoup moins garage que ce qu’on avait pu faire auparavant; je pense même que nous ne sommes plus dans le garage en fait; et j’en suis contente car ça nous ressemble actuellement.
Avez-vous conscience de votre évolution depuis votre 1er album « Let’s Get Gone » en 2012 ?
On en a conscience surtout quand le travail est fait, quand on a produit et qu’on discute avec des gens qu’ils l’ont écouté – notamment les médias qui posent des questions – par rapport au passé aussi, parce qu’on n’écoute jamais nos propres chansons des albums précédents ou alors rarement, pour se remettre parfois un peu dedans pour réfléchir à des setlists, tout ça… Donc oui, c’est différent du reste mais c’est normal parce que chaque groupe est dans une évolution. Ce serait un peu négatif qu’on soit restés dans ce qu’on faisait il y a 4 ans. Forcément, on a beaucoup joué, on a vieilli aussi un peu, on a vécu des choses, des expériences, des événements qui sont forts, positifs comme négatifs; et du coup, l’évolution se fait de manière très naturelle, aussi en fonction – j’imagine – de ce que l’on écoute, même si finalement on écoute des choses assez différentes. Je travaille beaucoup avec des tendances rock’n’roll et garage, ma musique n’est pas forcément le reflet de ce que j’aime et de ce que j’écoute.
Parfois surprise de ce que les artistes écoutent et de ce qu’ils produisent, le décalage…
Oui bien sûr. C’est une histoire d’envie, de maturité. L’album de la maturité.
C’est aussi une prise de risque de vouloir évoluer, ne pas rester camper sur ce que l’on sait faire sans trop de difficultés ?
Sans doute, mais c’est aussi salvateur. Si on ne fait pas ça signifie qu’on n’est pas dans une forme d’ouverture d’esprit. C’est comme grandir en fait : ça fait partie de ce processus-là et cet album est le reflet de notre vie depuis 1 ou 2 ans.
Comment s’est déroulée la conception de cet album ? Quelles en ont été les étapes clés ?
On a écrit les chansons en amont de l’enregistrement; ensuite on est passés en studio pour une première session où l’on a enregistré tous les morceaux en live. On a fait une deuxième petite session et fait des overdubs. On a laissé décanter et maturer tout ça, avant de réfléchir, de réécouter… et là, on est repartis dans un autre studio pour poser toutes les parties de chant et on s’est permis de faire tous les overdubs et puis tout ça. On a pris du temps pour le chant, j’ai vraiment eu ce moment pour moi. On a fait environ 4 jours de pur chant, c’était vraiment bien.
Sinon, ça a été à la fois court et rapide parce qu’entre le moment où tu écris les chansons et le moment où elles sont sur l’album, il se passe un temps qui est relativement long quand même, qui est même frustrant. C’est comme ça et c’est bien de laisser un peu de temps entre les sessions pour pouvoir réécouter – et ça c’est quelque chose que nous n’avions pas encore fait sur l’album précédent… Pour l’album précédent, on était partis à New York chez Matt Verta Ray pour enregistrer et mixer en 13 jours; c’est ce qu’on voulait à cette époque-là : on voulait faire un truc très rapide, dans une forme d’urgence, sur l’instant présent; ça collait très bien avec l’état d’esprit de Matt à ce moment-là… Sur « Disaster Serenades », je pensais a contrario que les chansons avaient besoin d’un peu plus de recul; c’est vrai que nos vies ont été bousculées, puisque tout se mélange. Entre le début de l’enregistrement et la fin, il s’est passé plein de choses dans nos vies qui font qu’il y a aussi ça qui se met dedans et c’est bien parce que ça te nourrit pour chanter et pour jouer. Intérieurement, ça crée du lien et j’espère que ça se ressent parce que moi je l’ai beaucoup ressenti.
Comment tu procèdes pour l’écriture ? Tu agis de manière spontanée ou est-ce plutôt quelque chose que tu réfléchis ?
J’ai des carnets dans lesquels j’écris plein de choses tout le temps; en général, c’est quand même la musique qui inspire la direction que les textes vont prendre, mais parfois c’est un titre, comme pour le morceau « End of Love »; le titre a existé avant même que le texte ne soit là; il y avait un morceau qui devait s’appeler ainsi, du coup je m’y suis collée.
Il n’y a pas vraiment de règles si ce n’est que quand-même, on accorde beaucoup d’importance aux textes, mais il faut que le texte soit… On fait pas de la chanson française, si tu veux au niveau du mix et de la position de la voix, du placement de la voix, il faut que la musique reste très importante mais que le texte soit aussi bon, et tout ça c’est un tout. Il n’y a pas de règles quant à l’écriture. C’est un processus qui peut être laborieux, surtout pour moi parce que j’avais vraiment envie d’être contente à 100% de ces textes. Aussi, entre le moment où on a enregistré la première session et le moment où j’ai chanté, j’ai modifié plein de choses : et c’était bien d’avoir ce temps, même jusqu‘au dernier moment, des petites phrases, des mots juste avant de chanter, je me suis dit « ah bah non, on va changer on va faire ça… »… ça reste spontané mais l’écriture, c’est long et complexe. Il y a des gens qui réussissent à écrire comme ça : je crois qu’Iggy Pop, dès qu’il est en studio, parvient à écrire immédiatement; c’est génial mais moi, il faut que je réfléchisse.
« End of Love » est le titre le plus sensuel. C’est aussi une de votre marque de fabrique ?
Ce n’est pas réfléchi du tout. Je suis une fille alors j’aime bien la sensualité. Forcément, ça doit se ressentir…
Vous développez plusieurs palettes avec des côtés plus sombres, parfois plus négatifs, plus rudes, plus sexuels…
Ce que je trouve intéressant sur cet album, c’est qu’il y a un équilibre intéressant entre les guitares de Peter, parfois très agressives et parfois très réverbérées et très sensuelles, et les claviers qui ont beaucoup plus d’importance sur cet album et qu’on a voulu mettre beaucoup plus en avant avec ma voix; ça peut créer le contraste un peu sensuel, entre les guitares acérées et agressives et la voix un peu plus suave et les claviers presque synthétiques qui apportent de la douceur et de l’atmosphère. Je pense que pour tout ça, au niveau de l’équilibre, c’est réussi.
Votre univers, entre rock/folk/pop, fait penser à PJ Harvey bien sûr mais aussi à Blondie , groupe iconique du rock. Il y a aussi un côté très masculin dans vos chansons. Est-ce que cela fait résonance pour toi ? ça crée un équilibre ?
Pas véritablement. On écrit avec Peter : un homme, une femme… Il y a une compréhension entre nous, un jeu de rôles parfois. J’aime bien écrire une chanson en me mettant du point de vue masculin et pas forcément écrire une chanson que de mon propre point de vue. On parle beaucoup aussi, on échange sur les aspects de la vie, sur tout un tas de choses, il n’y a pas que la musique. Il y a peut-être une dualité qui est intéressante. Cela se retrouve même dans le titre de l’album » Disaster Serenades » : on a envie de penser que c’est plus féminin mais le désastre, c’est la masculinité; les deux sont là en fait. C’est pour ça que sur la pochette, j’ai vu cette photo de live lors des Nuits de l’Alligator; j’ai trouvé qu’elle collait bien avec qui nous sommes, notre duo, notre amitié, et puis nos chansons.
« Serpent » est la seule chanson en français. C’est plutôt inhabituel. Pourquoi ce choix ?
C’est pas la première chanson qu’on a écrite en français mais c’est la première qui sort. Au départ, cette chanson était en anglais et la musique était déjà là; elle est arrivée assez vite, puis j’ai écrit en anglais et puis je ne sais pas, je n’étais pas satisfaite à 100% et un jour, je suis arrivée en studio et Peter m’a dit » sing in french, that’s the time « . C’est marrant, c’est une réflexion que j’avais eu quelques jours auparavant. Ce qu’on a bien aimé faire dans cette chanson, c’est garder cette musique très agressive, très rock, guitare et claviers en avant, puis mettre un texte en français dessus, tout en ayant trouvé une mélodie en anglais avant. Je trouve que c’était intéressant de faire ça comme ça et de ne pas sous-mixer la musique en mettant plus en avant la voix en français – de travailler ce morceau là de l’album comme les autres de l’album – sauf que c’est en français (rires). J’ai pris énormément de plaisir à chanter cette chanson en français, donc je pense qu’il y en aura d’autres, ça m’a donné l’envie en tout cas.
J’écris plein de choses en français, mais à chaque fois ce n’était pas le moment. Et là c’était le moment, on s’est lancé, j’ai écrit un texte, Peter l’a lu et m’a dit « okay it’s good« .
« Darkness Rises » a des sonorités sombres. Une chanson parfaite pour commencer la nuit ? Vous êtes plus nuit que jour ?
Je suis obligée d’être les deux. Disons qu’on a plus d’inspiration la nuit quand même. La nuit est plus propice aux rencontres, à la réflexion, à l’introspection mais aussi à la folie, à la fête et au désastre. Je travaille surtout la nuit, de par mon autre métier, et en même temps je suis obligée d’être là de jour.
C’est certainement un album assez nocturne, parce qu’il est plus noir, parce que c’est la nuit quand on se couche, qu’on a des pensées un peu secrètes, là où on cogite le plus. L’album est plus nocturne que solaire, mais il n’est pas que ça : sur la fin, il y a une ouverture vers autre chose, vers un nouveau début, vers un renouveau.
C’est aussi ça la nuit en réalité. La nuit t’emmène sur le jour…
Bien sûr. La nuit tout est tellement impromptu, tu flippes peut-être moins le jour parce que les gens sont moins fous le jour.
La nuit ça enlève une grande partie de filtres aussi ?
Moins de filtre, peut-être plus de danger, plus de spontanéité, c’est cette part d’équilibre entre le danger et puis les filtres quand-même qu’on a, parce que sinon ce serait le chaos. C’est intéressant. Après c’est une sorte d’équilibre, parce que ne vivre que la nuit c’est compliqué, je serais pas trop saine.
Dernière question, comment allez-vous appréhender la scène avec cet album ?
On a pas mal de dates à la rentrée, dès la sortie de l’album. On reste à quatre sur scène même si le recentrage sur Peter et moi se fait de manière très naturelle, sans avoir spécialement besoin de le travailler. Pour le reste, on va réfléchir à des petites surprises, c’est la recherche de la setlist parfaite, c’est en débat, ça change tout le temps en fonction des spots où on joue. Mais c’est quand même important, c’est un troisième album donc il faut trouver une forme de cohérence… En même temps, ce que j’aime bien, c’est parfois aussi ce mélange des genres : on aime autant les balades que les morceaux très agressifs, on essaie de faire les chansons qu’on a envie de faire et pas forcément coller à un son du début à la fin, à une ambiance identique sur tous les albums. On essaie de varier les plaisirs parce que c’est ce qu’on apprécie dans la musique donc ça va sans doute se retranscrire aussi sur scène. C’est un équilibre délicat entre l’énergie très rock et aussi ce que l’on aime faire… C’est aussi pour ça qu’on a choisi ce premier single, pour prendre un peu le contrepied. Quelque chose ambiant, plus émotionnel, plus tempéré… (Elle précise) Enfin pas tempéré, c’est loin d’être tempéré, mais plus émotionnel. Et puis le plaisir parce que c’est pour ça qu’on fait ça, pour tous ces moments sur scène. Il n’y a rien de mieux que ça. Rien ne surpassera jamais le pouvoir et la magie de la scène. Binic est le meilleur endroit pour ça ! J’ai un groupe de rock, même si tiens, il y a Sleaford Mods mais qui est rock aussi, ils sont tous rock. Et puis, il y a une proximité ici, c’est pour ça que les gens adorent ce festival. On y avait joué il y a trois ans, et c’était pareil, c’était top. C’était super de pouvoir jouer sur plusieurs spots sur 3 jours; ça n’est pas seulement jouer et faire ton show; c’est aussi aller voir le show des autres; il y a ce truc-là à Binic, rencontrer d’autres groupes, devenir potes avec d’autres groupes… Parler des concerts qu’on a vus, échanger, des anecdotes de route… C’est super convivial, très « friendly ». Je pense ne pas avoir vu ça sur d’autres festivals, de par cette configuration-là. Vraiment, Binic a trouvé une belle personnalité en étant comme ça.
Vidéo de l’interview ici
Écouter Parlor Snakes https://music.apple.com/fr/artist/parlor-snakes/476014521
Suivre Parlor Snakes https://www.facebook.com/parlorsnakes/
Stef’Arzak