ONA, ASTRE LUMINEUX

Comparer la scène rock d’Akron, Ohio, à celle d’Ona, Virginie-Occidentale, équivaut à établir chez nous un parallèle entre la scène rennaise et celle de La Chapelle-aux-Choux dans la Sarthe ! D’un côté les Black Keys, Devo et David Allan Coe ; de l’autre, le néant musical intersidéral !

Plus tout à fait néanmoins depuis 2013, date à laquelle Bradley Jenkins (voix, guitare) et Zack Owens (guitare, voix), qui se sont rencontrés dans la « grande » ville voisine d’Huntington, à 15 miles de Ona par la route I-64 E, décident de fonder le groupe indie rock éponyme Ona.

Après des nuits entières à écrire des chansons dans l’appartement d’Owens et à jouer dans un cinéma après les heures d’ouverture, le duo sort un premier album en octobre 2015, American Fiction, accompagnés de Zach Johnston (basse) et Max Nolte (batterie, percussion), également originaire d’Ona.

Deux années de tournée dans les Etats limitrophes de la Virginie-Occidentale leur ont permis de se construire une solide notoriété grâce au bouche-à-oreille et le groupe (incluant désormais Brad Goodall aux claviers) s’apprête à défendre son deuxième album, Full Moon, Heavy Light, sorti le 10 mai 2019, lors d’une longue tournée à travers les Etats-Unis.

Un nouvel album – joyau et joyeux – qui recèle en son sein de fascinants morceaux. Ne vous attendez pas à découvrir ni bluegrass, ni country music, ni americana, ni une quelconque musique roots américaine.

Full Moon, Heavy Light, produit par Drew Vandenberg (Of Montreal, Deerhunter) et signé sur le label de Tyler Childers, Hickman Holler Records, reflète à merveille, bien mieux que ne le feraient les meilleurs guides touristiques, la quiétude des Potomac Highlands et la tranquillité des eaux de la rivière Ohio. Bien loin des périodes agitées qui précédèrent la guerre de Sécession, lorsque les habitants de l’ouest, se sentant isolés et abandonnés, décidèrent de se défaire de l’Union pour rejoindre la Confédération du Sud et devenir l’Etat indépendant de Virginie-Occidentale.

Un sentiment d’exclu de la campagne et de reclus dans les montagnes des Appalaches que Owens réfute toutefois pour eux-mêmes aujourd’hui : « Nous ne sommes pas des Virginiens stéréotypés et nous souhaitons porter une autre image de notre Etat ».

Full Moon, Heavy Light, se veut résolument optimiste, empreint de légèreté et de maîtrise ; et cela transpire à travers tous ses sillons. Un disque de la maturité, créé collégialement par « des gars qui ont grandi ensemble » et, comme le confesse Jenkins, « bien plus heureux dans nos vies désormais qu’à l’époque de American Fiction ».

Le titre de l’opus fait allusion à la possibilité de voir les choses de plus d’une façon. « La pleine lune est associée à toutes ces choses sombres et inquiétantes, mais c’est aussi la chose la plus brillante dans le ciel la nuit, et elle peut aussi vous mener dans la bonne direction » explique Jenkins.

Etre résolument heureux à l’endroit et au moment présent (un sentiment qui ne déplairait pas à Ekhart Tolle), voilà bien le fil conducteur partagé par tous les membres du groupe.

Full Moon, Heavy Light est un disque d’ambiance sur lequel Jenkins (im)pose sa voix assurée sur chaque morceau, au son chaleureux et groovy, à la manière du new-yorkais Sam Evian, dont Owens avoue avoir été ébloui par les tonalités de son dernier album You, forever, faisant référence également au sexagénaire multi-instrumentiste surdoué Shuggie Otis.

L’intemporelle « Forever Young » et la pépite « Summer Candy » sont des bonbons au caramel à la fleur de sucre, des morceaux à écouter en boucle sous la couette pendant les derniers frimas, avant de les exhaler sous le soleil estival, au bord d’un océan. « Golden Highway Deserter » et « True Emotion », véritables « feel good songs », sont des invitations à onduler les corps et amplifier la joie et les sourires.

« Nous voulons que notre public ressente chaque émotion dans notre musique » affirme Jenkins.

Il nous semble qu’ils ont formidablement bien réussi leur entreprise.

Alechinsky.

Crédits photos : Hickman Holler Records

ONA – Summer Candy (official video)
ONA – Young Forever (official video)
ONA – Allison in the Grass