Mina Sang- Des Vaisseaux pour une traversée helléniste.

Mina Sang, c’est la fiancé du pirate en version 2021. Les reflets d’une femme, qui par notes et impressions, nous livre avec son Ep  «Dans la nuit», un voyage intérieur, au grès de ses émotions et préoccupations humanistes.
Elle s’engage,à bord des trains du quotidien, dans ce couloir aux portes multiples, où nous tentons tous, de trouver notre place.
11 titres où chaque halte est un tableau posé, dont Mina nous décrit l’univers ; elle y installe une touche personnelle bercée de sa voix pour une Pop consciente, de nappes synthétiques ciselée.

Tout commence par « Mystère magnifique », en mars 2020, là où nous avons découvert Mina Sang. A ce moment là, avec des arpèges énigmatiques , nous posions nos premiers pas dans ceux d’une Juliette Greco moderne .
Une femme qui ne laisse rien passer et qui vous le fait savoir.

La poésie est son vaisseau amiral au service des ses rêves et espérances.
Son single « J’voudrais qu’on me lâche », le petit dernier de notre série exploratoire, il est juste là.

Interview de Mina Sang, autour de son album et ses inspirations…

01-« Mystère Magnifique » Dans ce titre on a comme la sensation d’écouter un récit de tes mille et une vies et de rêves. Quelle magie du verbe t’a guidée pour cette odyssée qui introduit ces 11 chapitres ?
« Mystère magnifique » nous replace en quelque sorte au cœur de l’univers. Vivre dans cet espace infini est magnifique mais vertigineux. Malgré tous nos efforts, nous ne pourrons jamais tout savoir, comprendre ou expliquer, ni tout maîtriser. Nous ne pouvons que l’accepter. Cette chanson ouvre un espace au-delà de soi et en même temps dit aussi : « nous somme l’univers ».

02-« Sabotage ». On ressent comme une douce rébellion aux accents de résistance existentielle … qu’en dis-tu ?
Dans cette chanson, la question est notamment celle de l’écologie. « Nous on leur laisse le naufrage » est une façon d’en finir avec l’idée que nous sommes tous dans le même bateau et que donc, il faut continuer coûte que coûte. Le bateau coule et « Sabotage » évoque la possibilité de prendre une autre route, de quitter le chemin de la course au profit qui mène au désastre. Il y a aussi, en effet, quelque chose de l’ordre d’une « résistance existentielle » qui rappelle que les choses peuvent avoir une fin – à l’échelle des relations comme du destin humain, que cela peut être bien, que de grandes civilisations se sont effondrées, qu’il n’y a pas une seule voie, et qu’il est parfois possible et souhaitable de « mettre les voiles » !

03-« A ceux qui viendront après nous » Le si bel hommage, à Bertolt Brecht , par ce « A ceux qui viendront après nous », pourquoi le choix de cet auteur et de cet extrait et de son œuvre ?
Un jour, on m’a récité ce poème. Cela a été comme une fulgurance : je me suis entendue réciter « À ceux qui viendront après nous » sur les chœurs que j’avais déjà composés et chantés. Ces chœurs n’attendaient que les mots de Brecht. Des mots qui raisonnaient parfaitement avec ce que nous étions en train de vivre, ou ce qui était en train de se configurer. Ce poème puissant et magnifique s’est présenté à moi ce soir-là, sans prévenir.

04-« J’voudrais qu’on me lâche » Un titre qui sort après notre vie de confinement de 18 mois …..tu as besoin de ce moment suspendu pour ta composition ?
Ce « moment suspendu » était mouvementé, et c’est loin d’être terminé. « J’voudrais qu’on me lâche », c’est un mélange de plein de choses, du trop plein domestique comme de la question du tout-information – où la com’ est devenu le moyen principal pour raconter la vie, arranger ou falsifier les récits, ou « gentiment » influencer les comportements -, mais aussi la mise en place d’un contrôle technologique de plus en plus serré, pour le « bien de tous » sans que ne soit jamais vraiment posée la question de savoir comment nous voulons vivre, mais seulement celle de comment continuer… Et puis, si les animaux parlaient, peut-être diraient-ils aussi « j’voudrais qu’on me lâche !» ?

La scène, quelle est sa place dans ta vie d’artiste et de femme au mille et une vie ?
Cet album va faire son chemin dans le monde virtuel comme sur scène. La scène redonne une nouvelle vie à chaque chanson, c’est le fruit de la magie avec le public. C’est toujours l’inconnu d’une nouvelle rencontre.

05-« Dans les bras du monde ». C’est un manifeste d’amour à Gaïa, la mère de toutes et tous ? Tes idéaux encore intacts qui sont-ils ? Sont-ils tes seules inspirations ? On sent dans la composition, comme une « Let’s Dance », en balade avec les êtres humains comme compagnons de voyage ? Qu’en dis-tu ?
Courir à travers êtres et monde à la recherche de soi-même, être guidé par la peur et s’égarer dans des discours et des leurres. Un éclair peut cependant nous surprendre, une porte s’ouvrir ; c’est le moment de saisir sa chance et de vivre – de se jeter « dans les bras du monde » !
Cette chanson donne, j’espère, un peu de force pour réaliser ses rêves. Mais loin de moi le « grandiose » : vivre ses rêves, fussent-ils simples et ordinaires.

06-« Capture » Une femme libre qui chante une si belle capture…. d’où te vient cette poésie d’amour si moderne ?

Cette poésie d’amour vient de mon enfance où j’ai pu voir le caractère ambivalent de l’amour maternel : doux et violent ; réconfortant et terrifiant ; protecteur ou dévorant… Enfant, on m’a aussi appris qu’aimer c’était s’occuper de quelqu’un, comme une mère. Cette chanson pose donc une ligne de risque, celle de ne jamais aimer vraiment. Le fait de poser ce risque conjure le sort jeté, et ouvre la possibilité, en tant que femme, de trouver au-delà du maternel, sa propre façon d’aimer.

07-« Annabel Lee ». La langue anglaise, prendra t-elle plus de plages musicales dans tes prochaines créations ? Une halte uniquement momentanée au Pays d’Edgar Alla Poe ? En quels aspects ce poète te séduit-il ?
« Annabel Lee » est une tragique et magnifique histoire d’amour entre deux enfants perdus, éperdus, et confrontés à la mort. Je ne pouvais la chanter qu’en anglais tellement le texte est musical.

Ce poème résonne avec mon enfance où j’aspirais déjà à un amour immense et passionné.

08-« La jeune Fille ». On se sent envahi par une ode aux accents médiévaux …. A propos de tes inspirations, quelles compositrices, auteures et écrivaines on tes faveurs de lecture et de musique, toutes époques confondues ?
Mises en vis-à-vis, la figure de la « jeune fille » et celle de la « mère » soulignent l’absence de « la femme », ou son refoulement. Sur le chant latin « Mariam matrem » du Livre Vermeil de Montserrat, recueil anonyme catalan du 14ème siècle, et quelques vers acerbes de « Mon cœur mis à nu » de Baudelaire, il est amusant de se demander ce que c’est, finalement, être une femme.

La musique du Moyen Âge est très inspirante, même si mon compositeur préféré est Mozart. Mes sources d’inspiration sont nombreuses et hétérogènes. J’ai écouté beaucoup de musique anglo-saxonne comme Pj Harvey, Cat Power, Gang of Four ou Joy Division, mais aussi Gainsbourg ou Barbara.

09-« Devant le grand Miroir glacé » Les reflets de tes images sont-ils l’occasion pour toi d’inspirer une grande partie de tes chansons ? Mina au pays des démons et merveilles ?
Tout ce que je peux observer autour de moi m’inspire et m’aide à créer les histoires et les personnages que l’on retrouve dans mes chansons. « Devant le grand miroir glacé », le besoin de reconnaissance et d’attention est tellement grand que rien ne peut l’apaiser, au point de se perdre dans les yeux des autres.  

C’est se chercher sans jamais se trouver, et tomber dans un terrible isolement. Dans cette chanson, c’est l’histoire de quelqu’un qui traverse ce « miroir glacé », enlève ses masques sociaux et fait même une expérience mystique !

Comment vois-tu le chemin que tu as parcouru à la sortie de ton album « Dans la nuit » ?
Le chemin pourrait se résumer à ces quelques mots : désir, endurance et courage. « Dans la nuit » est jeté à la mer depuis le fin fond d’Eymoutiers ; nous verrons jusqu’où il ira !

10-« Simple ». Ne serait-ce pas ton « Working Class Hero » ?
« Simple », c’est un poème qu’a écrit Robert Hurley, un ami américain. Les paroles sont mystérieuses et la musique les suit en quelque sorte. « So everything stems from a simple error… »

11-« Dans la nuit ». Tu nous emmènes à la lumières de ta soif de vivre les instants entre les rêves et la flamme d’une énergie débordante. Magie de la nuit ? Serait-ce un indice sur tes futures scénographies ?
La nuit est pour moi une métaphore de l’invisible – « tout ce qui ne peut se voir, dans la nuit, la nuit te fera voir », le passé ou le futur, le pouvoir ou l’amour, les peurs, les aspirations et les désirs. Mes chansons posent la question de l’intuition, de la métamorphose et, finalement, du dévoilement – quand tout s’éclaire, quand toutes les petites étoiles de la vie nous livrent des secrets sans âge, nous amènent de bonnes rencontres ou nous révèlent des chemins plus faciles et joyeux. « Tout ce qui est caché, la nuit nous l’a révélé ». La nuit contient le monde, elle est le lieu depuis lequel il est parfois possible de pénétrer le cours des choses, comprendre et (se) transformer. La nuit concentre aussi toute mon enfance, mes peurs, mes blessures, et ma force. Si la nuit m’a fait peur autrefois, elle est aujourd’hui mon alliée.

Cette chanson « Dans la nuit » vient clore l’album. Sur des basses techno, on enfourche un bolide, et on traverse cette « nuit » à toute vitesse, en emportant au passage ce qu’elle a à nous offrir !

Cet Ep   « Dans la nuit » l a été mixé par Martin Lascelles, un anglais installé dans le Périgord qui a bien voyagé. Il a travaillé dans la danse, le R’n’B mais aussi dans la country et avec des gens différents comme Carl Cox, Lisa Stransfield, Kym Mazelle,…

Mina Sang ose s’aventurer du plus dansant au plus lyrique, des poèmes de Brecht, à ceux de Baudelaire et Edgar Allan Poe. Et c’est cela qui retient notre oreille et nos sens multiples, dans la perception de la créativité des arts.

Ep   « Dans la nuit » -2021-(Shisme Records/Inouïe Distribution)

Suivre et écouter Mina Sang : https://www.youtube.com/channel/UCWHzrMgQDAlG0iTTkUHbsxA
https://www.facebook.com/minasangmusic/
https://minasang.bandcamp.com/album/dans-la-nuit

Guillaume d’Arsène