[Interview] Delia Meshlir « Bring Back The Light »

Après un remarquable premier opus en 2015, Stories From Vacuity, la prometteuse artiste suisse, Delia Meshlir, vient de sortir son nouvel album, Bring Back the Light. Beaux, épurés, elle nous livre des chants sincères et habités à l’écriture grave, belle à tomber à la renverse. Plein de tension, en l’écoutant, on pense à Cat Power pour la sensualité animale, à Sharon Van Etten pour le chant au bord de la fêlure, à Pj Harvey pour cette incarnation sans compromission des sentiments, on sent autant de références aux sommets qui atteignent comme elle cette altitude dingue et nous accroche, nous écorche un peu plus sur le vif à chaque chanson… Ces mélodies touchantes, originales, savoureuses qui savent nous bouleverser avec deux ou trois accords sans apparats, dans une musicalité intense, authentique, qui forment la belle sobriété d’un album personnel qui ouvre son intime identité et s’offre à nous librement, sincère et vulnérable. Bring Back the Light est un disque immense qui comme son titre l’indique retrouve la lumière, au centre du jeu, au milieu des émotions, pour mieux nous inciter à nous y perdre…
Afin d’en découvrir plus sur son univers, Dalia, a répondu à quelques-unes de nos questions. Interview.

– Après Calling The Unknown, votre premier album, vous revenez cette année avec Bring Back The Light. Pouvez-vous revenir sur l’origine de ce nouvel album ?
Après « Calling The Unknown », qui a été un album très marqué par plusieurs deuil auxquels j’ai fait face, j’ai ressenti le besoin d’amener plus de légèreté dans ma musique. Je me suis également remise à jouer du piano, qui est le premier instrument que j’ai appris, et cela m’a ouvert de nouvelles perspectives en termes de composition et de créativité. Le processus de création de cet album a amené de la joie dans ma vie artistique et intime. Grâce aux nouvelles rencontres qu’il m’a apportées et au message lumineux qui a été le fil rouge de cet opus.

– Avec qui avez-vous travaillé pour élaborer ce nouvel opus ?
Pour cet album, je me suis entourée de la bassiste Louise Meynard, du batteur et percussionniste Nicolas Wolf, du saxophoniste SHA, et j’ai continué à travailler avec le guitariste Steven Navid et Alex Muller qui a chanté et joué du synthé sur quelques morceaux et qui étaient déjà présent sur le précédent album. Ma rencontre avec ces trois nouvelles personnes m’a permise de m’éloigner de la dynamique du précédent album qui avait une vibe un peu plus rock. Pour « Bring Back The Light » j’avais envie d’explorer des sonorités plus chaudes, soul et groovy.

– Vous dégagez une belle énergie dans votre musique, dans vos chansons, baignées de folk mélodieux et de chanson rock, avec une savante harmonie entre force et douceur. Où puisez-vous cette énergie ?
Ce qui m’inspire avant tout c’est la relation que j’ai avec moi-même, j’ai appris à vivre avec moi et à m’écouter comme je le ferai avec un ou une ami·e. Je pense profondément que l’amour de soi permet de respecter tout ce qui nous entoure. Je suis consciente de la valeur de mon énergie créatrice et je tente de la préserver et de la soigner, car je sais que cette énergie peut s’abîmer facilement. Je suis également très sensible à la nature et je passe énormément de temps à contempler les éléments qui m’entourent. Passer du temps au calme, immergée dans la nature me nourrit intellectuellement et physiquement.

– Vous venez de dévoiler votre nouveau single « My Only Child » d’une beauté prégnante et libératrice. D’où vous vient ce vent de liberté que vous exprimez là ?
« My Only Child » est une explosion de joie due à la prise de conscience d’être vivant·e et d’en profiter ici et maintenant. J’ai eu trop souvent tendance à oublier que j’étais en vie sur cette terre et que j’avais une chance inouïe de pouvoir danser, chanter et aimer, que j’avais un corps qui me permettait de ressentir toutes sortent de choses et que pour être libre de faire tout cela, il me suffisait d’en prendre conscience… et de le faire ! Ce morceau est comme une ôde à soi, à son corps et au fait d’exister sur cette terre.

– Exercice difficile et exigeant de sortir un deuxième album. Vous a-t-il permis de prendre un peu plus de confiance et d’affirmer davantage vos goûts artistiques ?
Oui, je n’ai pas trouvé cela si difficile que ça. Faire de la musique est pour moi une pratique quotidienne et au fil du temps j’ai eu envie de mettre certaines de mes compositions ensemble car elles racontaient quelque chose qui me semblait logique de mettre sur un album, elles formaient un ensemble harmonieux. Mais, en effet, pour cet album j’ai par exemple eu envie d’enregistrer ces morceaux en studio en live afin d’avoir cette énergie de groupe organique qui joue ensemble, d’enregistrer, à nouveau, un instant vivant et partagé. C’est quelque chose que j’avais envie de réaliser depuis longtemps et cette façon d’enregistrer de la musique me parait très logique et correspond à ma sensibilité.

– Il y a quelques semaines, vous avez eu l’occasion de défendre vos chansons au Mama, comment avez-vous vécu votre venue à ce Festival tremplin ?
C’était une expérience très intéressante de jouer au MaMA. Je ne m’étais encore jamais produite à Paris et c’est une expérience très excitante de jouer devant un public qui ne vous connaît pas et que moi-même je ne connais pas. Les réactions étaient très chaleureuses et le partage que j’ai vécu sur scène avec le public du MaMA fût un très joli moment !

– Et maintenant, à quelques jours de sortir ce nouveau disque, comment vous sentez-vous ?
Heureuse d’enfin pouvoir partager tout ce travail et ces morceaux ! C’est drôle car pour moi cet album est déjà connu et je suis en train de composer déjà de nouvelles choses, et j’ai tendance à oublier que ces morceaux sont neufs pour la plupart des gens et qu’ils vont faire maintenant leur petites vies dans l’univers, sur les platines et dans les écouteurs de plein de belles personnes ! Et ça me remplit de joie !

 

 

Delia Meshlir « Bring Back The Light »
Irascible Records (CH) et Ba Da Bing Records (US)10/11/2023

Photo de couv. ©Steven Navid