Gil Riot croque la musique à pleines dents depuis de longues années. Il nous propose de le suivre jusqu’au comptoir du saloon pour nous servir un « Whisky On Your Wounds », la main sur le cœur. Pour mieux comprendre où il nous emmène, Gil a accepté de répondre à nos questions !
Tu as depuis toujours été, et encore aujourd’hui, dans plusieurs projets : « Casse Pipe La trace », « Rio Cinéma », « Wolfoni », « Dizzy Gil Riot », etc… Ton précédent album solo remonte à trois ans. Comment t’est revenue l’envie de faire un nouveau disque sous ton nom?
Simplement parce que j’avais assez de nouvelles chansons pour pouvoir enregistrer, l’opportunité de le faire, les musiciens et le studio qu’il fallait. Et malgré le temps qui passe, les difficultés actuelles à vivre de la musique, je crois qu’un musicien qui compose a besoin de finaliser ses créations ; et il n’y a pas mieux que le format d’un album.
Tu as intitulé ton album « Whisky On Your wounds ». Tu sais que d’un point de vu médical, l’alcool ne devraient jamais être utilisés pour désinfecter les plaies, même pour les plaies de l’âme (humour). Peux-tu nous expliquer ce que signifie ce titre?
Ahah ! Les trois années écoulées entre mes deux albums ont été difficiles pour pas mal de gens autour de moi et je suis moi-même sorti d’une période difficile. Il faut garder le sens de l’humour et j’ai pensé à cette image très « western », mais qui utilise le double sens, de sécher ses larmes et d’anesthésier ses plaies et vagues à l’âme avec un bon coup de gnôle !
Comment procèdes-tu pour l’élaboration de tes albums ? La thématique globale s’est-elle forgée autour des textes ou de la musique?
Pour l’album précédent « Felicity Road« , à part une ou deux chansons qui dataient déjà un peu, je me souviens avoir travaillé plusieurs semaines seul à écrire les chansons. J’avais une date d’entrée en studio prévue à l’avance, ça a ouvert les vannes et les idées sont venues facilement. Après avoir fini l’album, j’ai continué à écrire des chansons ; je les ai jouées sur scène en solo ou en groupe durant trois ans et les ai enregistrées sans trop prévoir les arrangements. Ça s’est fait au coup par coup, selon les disponibilités des musiciens. En général, les textes et les musiques viennent en même temps. J’écris presque toujours les textes avec la guitare sur les genoux. Et souvent, je les retravaille au dernier moment quand le micro est ouvert ! S’il y a une thématique, elle est involontaire. Les thèmes tournent autour des sentiments, des émotions, des images intemporelles véhiculées par le blues…
La seule » direction artistique » était de faire un album varié au niveau des ambiances, électrique et acoustique… Je voulais des guitares électriques, de l’orgue, du violon des mandolines… Et j’ai eu tout ça !
Dans l’album, il y a une chanson intitulée « Bad Moon », qui sonne comme une ode à la fatalité. Qu’est-ce que tu penses de cette idée qui dit que la musique a un rôle sur les émotions ?
Je l’adore celle là !
Je l’ai écrite fin 2015. Je vivais en partie à Paris, ça n’allait pas très fort, et la vie là-bas était polluée par la période des attentats (d’ailleurs, » Awful Night », le morceau qui clôt l’album, raconte la nuit du Bataclan sans jamais le citer et est basé sur l’histoire des portables qui sonnaient dans les poches des victimes… « Somebody calls you outside »..) et le titre « Whisky On Your Wounds » est extrait du 2ème couplet (‘’Gonna squeeze your heart in an iron glove and pour whisky on your wounds’’ / ‘’Je vais serrer ton cœur dans un gant de fer et verser du whisky sur tes plaies’’….tu vois l’ambiance ! ).
Le reste du texte, ce sont des métaphores sur le fait d’être un animal blessé et je termine par « Shoot me down if you want to, l spit on your evil eye and l’ll sing my bluesy tunes with a black hole in my heart’’ / ‘’Flingue-moi si tu veux, je crache sur ton mauvais œil et je chanterai mes chansons bluesy avec un trou noir dans le cœur ».
Mais tout ça sur une musique enjouée un peu façon irlandaise.
Donc, ode à la fatalité oui, bien vu !!! Et bien sûr, la musique a un rôle sur les émotions, et vice-versa.
« The Muddy Waters Show » que représente ce titre pour toi ?
C’est une chanson que j’ai composée en hommage à ce grand bluesman. Je n’ai jamais vraiment joué de Chicago Blues (mais je sais comment ça se danse) et, sur la foi de la critique d’un de ses disques dans le magazine Rock & Folk, alors que je devais avoir 16 ans, je me suis procuré ce magnifique album « Hard Again« , produit par Johnny Winter. Trois ou quatre ans plus tard, je suis allé le voir en concert au Palais des Congrès à Concarneau, c’était sa dernière tournée européenne. La chanson raconte ça. J’y suis allé en auto-stop et je suis rentré béni.
« We Need Angels », « As The Leaves Turn To Gold », « Theres Some Words »… Tu évoques souvent le spirituel dans tes chansons. Est-ce l’écho inévitable de ta seconde casquette professionnelle ?
Je ne sais plus qui a dit « Toutes les chansons et les meilleures histoires sont dans la Bible »… Bruce Springsteen peut-être…
C’est ça. Ces images, ces émotions sont là. J’ai écrit « We Need Angels« en pensant aux êtres disparus, aux copains enterrés, aux penseurs, aux choses essentielles qui nous manquent parfois mais que la musique ou les arts en général nous permettent de faire revenir. Dans ta question, tu fais référence au fait que je travaille aussi dans le funéraire, mais je pense que même sans ça, j’aurais écrit les mêmes choses.
Sans trop m’étendre là-dessus, je peux juste dire que les points communs entre le monde de la musique et des pompes funèbres sont, pour moi, un certain sens de la mise en scène, du rapport direct avec les gens, et l’émotion partagée. Et, très important : les gens qui te remercient après ta prestation pour le bien que tu leur as fait. C’est pas rien !
Je me réfère toujours au Blues, son langage et ses racines profondes. On enterre les gens après les avoir portés et mis en bière, on déterre des chansons et des thèmes essentiels… Oui, je vois et ressens une certaine spiritualité là-dedans. Mais sans se prendre la tête hein ! It’s only Rock’n’Roll ! Et on n’a pas trouvé mieux.
« A Horse To Ride« … Musicalement t’es-tu souvent aventuré sur des chemins où tu ne t’attendais pas forcément à aller ?
‘’A Horse To Ride’’, musicalement, c’est une sorte de rockabilly avec des harmonies un peu différentes, ce qui me ressemble pas mal je crois.
Ma culture de base, c’est le rock’n’roll et le folk. Mais je suis curieux, ouvert et aventureux (ça se dit ?) J’ai joué 11 ans avec le groupe de chanson française Casse Pipe ; j’y ai appris plein de choses, j’ai presque fait le tour du monde. Et en tant que français, c’était chouette d’explorer les racines de notre culture musicale.
Je n’avais pas prévu ça mais c’était cool de faire le trip. C’était cool de jouer aussi avec des Gitans, d’enregistrer des albums instrumentaux, de jouer de la country music en Australie ou d’accompagner des comédiens ou des conteuses.
Et aujourd’hui encore, de continuer ce genre de choses et de jouer du pur Rock’n’roll avec Wolfoni par exemple… ‘’A Horse to Ride’’, ça raconte ça finalement et aussi : tout le monde a un cheval pour se barrer si ça chauffe trop ???
Ton album est le 2eme depuis la disparition prématurée de Tonio Marinescu, compagnon et batteur de longue date à tes côtés. Comment as-tu vécu cette disparition et cette transition de création ?
Tonio était un compagnon de route, de cœur et d’esprit.
Il me manque beaucoup et, chaque fois que je fais quelque chose en musique, je me demande toujours ce qu’il en pense.
Il me disait toujours, « Ça fait des années qu’assis derrière toi à la batterie, je vois ton cul bouger et ta façon de tenir la guitare et j’anticipe sur ce qui va se passer’’. Ou encore : ‘’Hey mec, flippe pas si la soirée ne s’annonce pas terrible, on va jouer ta musique et on va être magnifiques ».
C’était mon Jiminy Cricket.
Il le sera pour toujours.
Un concert est programmé le mercredi 24 avril à l’Ubu, qui est un peu ta maison. Tu y as joué à de multiples reprises. Comment appréhendes-tu cette date?
J’ai joué à l’Ubu avec à peu près toutes les formations auxquelles j’ai participé. J’y ai vu et rencontré des héros, Townes Vant Zandt, Jonathan Richman, Screamin Jay Hawkins, Jeffrey Lee Pierce, Hot Tuna… A l’époque où c’était aussi un studio, nous y avons enregistré deux albums avec Casse Pipe. Oui c’est marrant, c’était un peu chez nous…
Ça fait maintenant quelques années que je ne suis pas remonté sur cette scène mais c’est un grand plaisir d’y retourner et d’y présenter cet album avec les musiciens qui y ont participé.
Qu’est-ce que lust4live.fr peut te souhaiter pour la suite?
Souhaitez moi le meilleur, je m’occupe du reste.
Gil Riot sera en concert à l’UBU (Rennes) le 24 avril 2019 aux cotés de Gemma & the travellers, The Bloyet Brothers et Vincent Bloyet …
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Stef’Arzak