DOUBLE CHEESE, GARAGE PUNK 90’S TRASH TENDANCE ROCKY HORROR

‘’Un pays qui produit 365 variétés de fromage ne peut perdre la guerre’’ disait de Gaulle. Quand en plus il compte 30.000 musiciens, il devient forcément invincible. Oui mais voilà, tout n’est pas si simple : dans l’industrie fromagère, il faut distinguer l’artisanal de l’industriel, et dans l’industrie musicale, le DIY de la soupe mainstream, l’analogique du numérique.
Vous me pardonnerez cet emprunt à l’imagerie fromagère et cette analogie alambiquée.
Qui n’a qu’un but : celui de vous présenter Double Cheese, un groupe de La Rochelle, à classer dans la première catégorie (DIY et analogique). Le combo produit un son comme on l’aime : garage, punk, rock. Fort. Tendance rocky horror, avec abondance de fuzz et de reverb. C’est trash et énergique. Ici, pas de patte molle mais plutôt pressée, à l’image des titres de leur premier album ‘’Summerizz’’paru en avril 2017, en co-production Adrenalin Fix/Beast Records/Stryckhnine Recordz.
Le trio rochelais – Ugo Martinez (guitare, voix), Willy Barre (basse) et Anthony Vignaud (batterie) – nous a fait le plaisir d’accepter de répondre à notre interview, dont le principe est le suivant : ils ont devant eux des papiers pliés en quatre posés sur une table, sur lesquels un simple mot est écrit, qu’ils choisiront (ou pas) de nous commenter…

Rencontre
Ugo :
 Willy et moi nous connaissons depuis douze ans, mais nous n’avions jamais joué ensemble. Au moment du changement de line-up de Double Cheese début 2017, je lui ai proposé de jouer et c’est parti comme ça. Même chose avec Anthony, on cherchait un batteur, on a auditionné et ça s’est bien passé. Tu as donc le line-up actuel, qui ne bougera pas !
Anthony : Je viens du métal et du hard rock. Je ne maîtrisais pas le punk rock garage, ni techniquement ni musicalement ; Ugo m’a remis à flots sur ce plan-là et maintenant on joue ensemble, c’est cool !
Ugo : J’ai fait un peu le dictateur avec Anthony en lui imposant d’écouter du punk 77, des classiques… et après, il s’est mis à nous parler de doubles-pédales, de mettre de la clave… j’ai dit ‘’non, non, non, ça n’est pas vraiment l’idée !’’ (rires). C’est bien d’avoir diverses influences ; on a une ligne directrice par rapport à ce qu’on veut faire mais on reste libres et ouverts.
Willy : Nos influences sont différentes. On s’enrichit mutuellement.
Ugo : J’ai toujours écouté du punk depuis que je suis adolescent… quand j’étais ado ; enfin, je le suis peut-être encore un peu (rires). J’ai beaucoup joué dans les groupes des autres pendant six ou sept ans avant de décider de passer le cap et de commencer à chanter.
Anthony : Il y a ce morceau, ‘’Voices’’que j’aime beaucoup dans notre set-list. C’est un morceau assez heavy/trash qui résume bien nos trois styles de musique ; on est moins dans le punkisant, il faut l’écouter d’une oreille un peu plus hard rock période Black Sabbath, avec un côté rocky horror, et là, on est bien dedans.

Summerizz
Anthony : C’est le titre de notre LP, composé en deux jours et enregistré en trois jours à Toulouse chez Lo’Spider. On est spontanés dans notre manière de faire, on ne se pose pas de questions, on envoie. On va faire une rythmique et une structure de compo très binaire, très violente dans l’esprit de musique. La spontanéité, c’est ce qu’il y a de mieux, t’y vas ! Le travail de compo le plus authentique, c’est ‘’on y va d’une traite’’, un peu comme Lennon qui s’est réveillé en pleine nuit pour écrire ‘’Imagine’’ (l’exemple fait beaucoup rire Ugo et Willy). Et point barre. Voilà.
Ugo : Il y a aussi un jeu de mots à propos du titre de l’album, je vous laisserai chercher… Les paroles sont ‘’Summarize your summer eyes, pretty girl’’… C’est nul… Bon bref, c’est un jeu de mots. Je me suis dit ‘’Je vais faire un peu d’esprit pour une fois, je vais essayer de composer vraiment des textes’’ (rires) !

Beast Records / Stryckhnine Recordz / Adrenalin Fix
Ugo :
 Quand on a changé de line-up, on avait rapidement dans l’idée de faire un LP, d’écrire un album, pour marquer le coup et passer à autre chose assez rapidement.
On a écrit cet album en deux jours et commencé à envoyer des mails un peu partout. Il se trouve que Eloa Mionzé, qui s’occupe de toute la communication à Adrenalin Fix, a contacté Willy : ‘’J’ai entendu dire que vous allez enregistrer, on serait peut-être intéressés pour faire un truc avec vous, essayer de vous suivre et de faire grandir le projet’’.
Après des discussions avec le ‘’chef papa’’ Ludo, qui s’occupe très bien de nous, il nous appelle régulièrement, en général une fois par semaine, pour savoir comment ça se passe… il nous a dit : ‘’Banco, on y va, on sort le disque !’’. On n’aurait pas eu les moyens de sortir l’album seuls. Par manque d’expérience, on ne l’aurait pas bien fait.
On est très reconnaissants vis-à-vis de nos labels qui nous ont fait confiance et laissé carte blanche.
Les trois labels font un travail bien différent : Adrenalin Fix s’occupe du booking, du management et de la communication ; Beast Records s’occupe de la promotion et de la distribution en France et en Europe, et Stryckhnine Recordz fait plutôt un travail de terrain, Fred se déplace sur les festivals…
Ces trois approches ont permis que cet album fonctionne plutôt bien. On est reconnaissants, merci à eux, c’est rassurant d’avoir des gens bienveillants à nos côtés.
Anthony : Ces labels prennent des risques. Tu as des labels indépendants qui soi-disant ont plus de notoriété, mais qui d’ores et déjà, parce qu’il leur faut de la rentabilité, arrêtent de prendre des risques. C’est bien triste.
Ugo : Pour info, Double Cheese, c’est pas du tout rentable ! (rires)

Studio d’enregistrement Lo’Spider (Toulouse)
Anthony : Je suis super content de cette question. Je n’ai que de bonnes questions ! Je suis rentré dans ce milieu semi-professionnel, c’est allé très vite. Aller chez Lo’Spiderfaire un enregistrement professionnel, tout en analogique, avec Laurent Bruzy, un mec qui a une expérience folle, qui nous a guidé pour quelques morceaux, il a mis sa petite touche.
Le mec avance très rapidement, il sait direct où ça va au niveau du style de musique, c’est impressionnant. Ce mec est une crème et une véritable référence pour moi dans notre style de musique. S’il faut enregistrer quelque chose de bon sur vinyle, parce qu’il faut avoir de la cohérence, on ne va pas faire de l’analogique pour faire un CD ou de la merde, on est obligés de passer chez Lo’Spider, un studio connu du garage d’hier et d’aujourd’hui, qui jouit d’une notoriété à travers les générations.
Ugo : Quand tu enregistres dans l’urgence comme on l’a fait pour notre premier album, il a une grande expérience, c’est quelqu’un d’ultra-efficace. George Martin était le cinquième Beatles, Laurent Bruzy c’est le quatrième Double Cheese ! (rires). Il nous a tout de suite compris, qu’on voulait un son plus lourd/heavy. Il a rajouté de l’orgue sur deux morceaux, du piano…
Willy : Il est génial car spontané. Il y a un truc qui passe !
Ugo : Le travail de studio, c’est épuisant, super long et chiant, je déteste ça. Lui, il a une attention et une écoute de tous les instants, qui nous ont permis de surmonter la fatigue de trois jours de studio, à raison de douze heures par jour. Encore une fois, c’est important de dire merci.

Artwork
Ugo : C’est notre très bon copain bruxellois Robin Renard qui a fait toutes les pochettes de nos sorties. J’aime beaucoup son travail. On lui donne une idée de base et il utilise toute son imagination ensuite. Il a bien cerné le projet et donné une identité visuelle au groupe. L’esthétique d’un groupe et d’un projet musical et artistique est tout aussi importante que son contenu propre et primaire. C’est pour ça qu’on continuera à collaborer avec Robin. Il est le quatrième membre du groupe. On est très fiers de travailler avec lui, c’est un artiste qui fait beaucoup de choses et on le remercie. Pour l’anecdote, on lui avait dit : ‘’il faut que tu imagines un truc à la Sergent Pepper des Beatles, un truc centré avec le burger au milieu et pleins de personnages autour’’. En fait, ça n’y ressemble pas du tout mais l’idée c’était un peu ça, une espèce de freak show un peu débile.
Willy : Tous les éléments qui y figurent, c’était des trucs dont on lui avait quand même parlé… Un vampire, une momie, une église en feu… Il a vraiment mis sa patte. Laisser de la liberté à chacun permet d’arriver à des trucs un peu uniques, en dehors des cases.

Que s’est-il passé depuis la sortie de Summerizz ?
Ugo : Plein de choses. Je me suis laissé pousser la moustache, je l’ai recoupée, j’ai eu des bacchantes… Ma femme m’a dit : ‘’Si tu ne rases pas tes bacchantes, je ne t’embrasse plus !’’. Je n’ai pas eu le choix, je l’aime et j’ai été bien obligé ! (rires)

Surf
Anthony : Au sens plage, je n’ai aucune expérience du surf vu mon origine angoumoisine (NDLR : d’Angoulême). J’ai horreur de la mer, j’ai même failli me noyer quand j’étais petit (rires). Pour la musique, oui, il y a du surf dans nos compositions et ça va continuer avec le deuxième album qu’on commencera à préparer après la tournée.
Alechinsky : Vous avez déjà des morceaux de prêts ?
Ugo : Surprise, surprise ! On a déjà commencé à travailler. On va s’enfermer tous les trois et ne penser qu’à la musique. On vient avec des idées, on met tout ensemble. On est très libres sur la compo. Tout le monde s’exprime, c’est ce qui crée toute l’amitié, la cohésion et la cohérence sur le plateau. Ce qui est intéressant, c’est l’influence de chacun.

Tu écoutes quoi en ce moment ?
Ugo : Avec mon fils, j’écoute beaucoup l’album ‘’Plantasia’’ de Mort Garson, un des tout premiers réalisé uniquement avec du moog, très avant-gardiste. C’est tous les soundtracks des jeux vidéo auxquels je jouais étant gamin. Mon fils adore, il appelle ça ‘’piano et trompettes’’, alors qu’il n’y a que du moog !
J’écoute aussi Vegas, dont le deuxième album (‘’An hour with…’’, sorti en 2011) est une tuerie, avec des hymnes incroyables.
Et puis les classiques, comme Harlem, un groupe de garage rock originaire de Tucson, Arizona (NDLR : le groupe a sorti deux albums : Free Drugs en 2008 et Hippies en 2010). C’est une des sources d’inspiration majeure de Double Cheese. Pas forcément sur le plan musical mais pour le côté festif que j’ai toujours aimé dans la musique, où le live est très semblable à l’album, avec un côté très vrai et naturel.

Entrée sur scène
Willy : (en manque d’inspiration). Alors là, la question n’est pas facile ! Je n’ai pas de rituel particulier. Il me faut juste une bière et c’est tout. Ça n’est pas prétentieux.
Ugo : Moi je mets ma p’tite veste de cow-boy qui fait partie du personnage maintenant. J’aime bien me déplacer sur la scène, connaître l’espace, les recoins, savoir où je peux sauter. Prendre possession du plateau.
Et Anthony qui passe des plombes à installer sa batterie ! Anthony, il a choisi le bon truc d’être gaucher, alors si on a un plateau partagé, il doit déplacer la batterie de l’autre groupe, ça prend des heures !
Willy : En fait, on le laisse faire en premier et nous on se met de côté. C’est lui qui instaure la règle… (rires)

La Rochelle
Willy : …
Ugo : Passe, passe, passe !
Willy : Le problème c’est qu’à La Rochelle, il ne se passe pas grand-chose ; la ville est assez bourgeoise, pas très rock. C’est un peu dû à la soupe des Francofolies, c’est la radio quoi !
Ugo : Ils n’ont pas voulu de nous au ‘’in’’, on est au ‘’off’’ ! (rires).
Willy : A La Rochelle, on ne peut pas faire du punk rock, le public n’est pas éduqué pour ça, pas réceptif. On essaie de faire bouger les choses ; je fais jouer des groupes punk et garage à travers mon asso mais La Rochelle, musicalement, c’est bof ! C’est pour ça qu’on vient jouer en Bretagne !
Ugo : Tu as quand même Frantic City et Tornado Prod. Et Adrenalin Fix Music auparavant (NDLR : aujourd’hui basé à Bordeaux). Je tiens à m’excuser s’il y a d’autres labels, je ne savais pas que vous étiez là ! (rires)

Binic
Anthony : J’ai de la chance pour les questions ! Pour être sincère, je ne connaissais pas le festival. Ça s’est fait grâce à Seb (Blanchais, le boss de Beast Records). J’étais très excité à l’idée de jouer. J’ai commencé à me renseigner et j’ai fait ‘’waoww’’, la programmation est top ! C’est indéniablement notre plus belle date de l’année. C’est notre premier vrai festival, clairement professionnel, on le voit avec l’accueil. L’organisation est millimétrée, on n’a connu aucune perte de temps. Du fait de la gratuité, le public n’attend pas un retour sur investissement. Il vient, ça veut dire qu’il a envie d’écouter ce qu’il voit et il est content.
Pour revenir à ta précédente question sur l’entrée en scène, on n’a même pas à l’appréhender. Le public est super réceptif. On a juste envie de jouer et d’envoyer la grosse purée (sic et rires appuyés de Ugo et Willy). C’est l’énergie qui prime aujourd’hui sur scène et là ici, avec le Binic (sic), c’est impressionnant. On a tous les publics, tous les âges, toutes les mentalités. Si on n’y rejoue pas l’an prochain, j’y reviendrai en tant que festivalier. C’est vraiment cool.
Ugo : Bravo à La Nef D Fous, à l’organisation, toutes les petites mains qui travaillent dans l’ombre. C’est un festival assez unique en France, peut-être même en Europe. Binic, c’est fantastique !

Tournée fin 2017
Anthony : On a déjà quelques dates de programmées en France, Suisse, Allemagne, Pays-Bas et Belgique. On jouera à Tours, Nantes, Montpellier, Toulouse, Kreuzlingen, Munich, Halle… On l’attend vraiment cette première tournée ! Depuis la sortie de l’album, on doit beaucoup à Ludo d’Adrenalin pour la partie logistique et gestion de concert.
Ugo : Willy et Anthony ne peuvent tourner tout le temps à cause de leur boulot. On a quand même fait une vingtaine de dates depuis la sortie de l’album en avril. On est très reconnaissants pour ça envers nos labels, on est très contents de jouer, c’est une belle expérience pour le groupe.

Qu’est-ce que nous pouvons vous souhaiter pour la suite ? Un dernier mot pour conclure ?
(Eclats de rires et ambiance foutraque)
Ugo : Que ça continue. On a finalement réussi à l’avoir notre set ! On l’a eu ! Avec de l’acharnement, on est contents !
Willy : Merci Binic et merci les Bretons ! La Bretagne, ça vous gagne !

Alechinsky.

Crédit photo Anthony Vignaud : Titouan Massé