Japon. 1993. Noriko , 20 ans, est une jeune femme un peu perdue. Au détour d’une conversation familiale, notre héroïne déboussolée avoue ne pas trop savoir quoi « faire » de sa vie. Réservée, timide et peu encline à prendre son avenir à bras le corps, Noriko tête baissée se carapace en bout de table. Sa cousine Michiko, beaucoup plus directe dans ses propos n’envisage son quotidien que sous un prisme épicurien. Afin que cet opaque horizon ne soit pas synonyme de dépression (au dessus du jardin?) les parents de Noriko inscrivent nos deux inséparables protagonistes dans une session d’apprentissage bien particulière: la cérémonie du thé auprès de Madame Takeda, maitresse en la matière. Cette incursion dans les rudiments de ce savoir ancestral bouleversera durablement notre étudiante, chahutera son rapport cartésien au Monde et posera, l’air de rien, les bases d’un futur incertain.
« Dans un jardin qu’on dirait éternel » est un ravissement absolu.
C’est avec une infinie délicatesse que Tatsushi OMORI filme sa distribution flamboyante en quête d’absolu. Haru Kuroki et Mikako Tabe incarnent avec talent une jeunesse écartelée entre émancipation et désir d’appartenance sociétale et l’inoubliable Kirin Kiki (actrice asiatique de renom vue dans bon nombre de chefs-d’œuvre de Kore-Eda et dont c’est l’ultime long-métrage) campe avec malice et conviction une mentor au caractère bien trempé. L’aspect figuratif de l’œuvre n’est pas en reste et le réalisateur du « Murmure des Dieux » sait saisir les troubles qui agitent ces figures romanesques. Ses mouvements de caméra- au plus près des visages, mains et infimes protocoles de préparation- sont fluides, élégants et se focalisent sur des soubresauts domestiques dignes d’OZU. Sa narration épouse le découpage d’une saison sur l’autre sans que l’ennui ne soit convoqué. Enfin, sa science de la composition (et du cadre!) nous dérobe notre cœur de spectateur.
Impossible de résumer en un seul tenant l’émotion qui nous étreint à la vue de cette touchante chronique.
Tatsushi Omori y sublime chaque détail. Le frémissement d’une bouche. Un rêve en lisière de plage. Des confidences dans un sanglot. Le silence et le souffle du vent.
Tous ces éléments nous enivrent les sens et concourent à transformer ce haïku cinématographique en une expérience unique et poétique…à la portée universelle.
Depuis le très beau » A la verticale de l’été » de Tran Han Hung, cela faisait une petite éternité que je n’avais pas connu une telle sensualité feutrée saisie au sein d’un salon!
« Chaque jour est un bon jour ».
Et il l’est d’autant plus lorsqu’un film de cette qualité vient vous chavirer en ces temps troublés.
John Book.