Plus d’une dizaine d’années à attendre son retour. Plus d’une dizaine d’années à vagabonder dans une suite d’albums impeccables sans nouvelles ni actualité brûlante. Plus d’une dizaine d’années à espérer entendre, à nouveau, les paroles envoutantes et la voix suave de l’une des plus grandes prêtresse folk-rock américaines. Est-ce l’avènement de Trump-et de la bêtise décomplexée- dans le paysage médiatique ? La digestion d’une période épidémique mondiale ? Une nouvelle vie intime portée vers l’avenir ?
Toujours est-il que le dixième album de l’immense Suzanne Vega fait son apparition dans les bacs et c’est comme une grande sœur bohème et fantasque qui frapperait à notre porte, sourire en diagonale et frange insolente.
Qu’attendre de cette livraison ? Le gage d’un savoir-faire évident en matière de songwriting ou une petite révolution dans les fondations de Vega ? Qu’on se rassure, la native de Californie ne bouleverse en rien son univers et puise toujours son inspiration chez ses semblables. La société (ses soubresauts, ses béances) reste son terrain de prédilection. L’Ukraine, la Russie, les migrations, la liberté d’expression, les réseaux sociaux, la Nature revêche, …dans ce « Flying with Angels » haute couture, les thématiques universelles se drapent d’un drap de « soi » sans jamais verser dans le paraitre. Témoignage. Activisme. Lutte. Ici, l’écriture de notre « Robin Hood » se substitue à une flèche ne manquant jamais sa cible. « The sound ascends to Heaven like the incense in a prayer », « Promising the miracles & pocketing the cash », « Like Marc Chagall in love », les images fortes et les symboles se télescopent avec lyrisme et sobriété. Dotée d’une plume affirmée, notre Belle déniche la Beauté au creux de détails microscopiques (une femme de ménage chez une star, un amour manqué en Irlande, etc.…), anecdotiques mais perpétuellement mélancoliques.
Enfin, musicalement, Madame Suzanne jongle avec les genres et s’affranchit du poids « paroles engagées/guitare boisée » pour mieux nous surprendre. Rock, Soul, Pop, l’album avance aux coups de cœur de son interprète et s’offre même une relecture gonflée d' »I Want You » de Bob Dylan, bénédiction de ce dernier incluse.
A l’instar du chef-d’œuvre de Wim Wenders, Suzanne Vega est un ange nous susurrant de meilleurs lendemains. Une séraphine sexy au coin d’un food-truck. Une sexagénaire à la « Kool » (au bec), partageant ses inquiétudes sur l’avenir de notre planète. Mi Aladdin, mi baladin. En ces temps affligés, ses chroniques contemporaines et hors du temps sont des baumes. Des réponses poétiques et politiques à nos doutes, nos interrogations. Des tours de magie maitrisés devant un public juvénile comblé. Ainsi, « Flying with Angels » se positionne, déjà, comme un futur classique dans une discographie impériale. Un opus salutaire et indispensable à ranger précieusement auprès de « Solitude Standing » et » Nine objects of desire ».
Plus de dix ans d’attente et de désir mais qu’importe.
Suzanne Vega ?
C’est une histoire d’amour dont on ne connait pas la fin…
John Book.
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Photo de couv. Ebru Yildiz