« Assis au bord du monde », premier EP de Mune, aka Maxime Lamotte, est une œuvre suspendue entre les brumes de la Manche et les clair-obscurs de l’âme. À la lisière du silence, ses chansons dessinent des paysages intérieurs, nourris de solitude douce et de nature vaste. De sa tiny house perdue dans les dunes, il tire cinq morceaux qui évoquent l’érosion et l’envol. Chaque titre semble écrit sur un fil de vent. On pense à Agnes Obel ou Tamino, pour cette façon d’habiter l’intime sans l’écraser, de faire vibrer le fragile sans jamais le briser. Sa voix, aérienne et tendue, flotte entre les arpèges acoustiques, les nappes feutrées et les silences éloquents. L’ensemble, sublimé par le mastering d’Alex Gopher, se déploie comme une confidence cosmique, entre rêve éveillé et lucidité douce-amère. Et quand Mune chante « Après l’orage » au milieu d’un paysage inondé, l’image devient manifeste : l’art peut être un refuge, mais aussi une façon de tenir debout quand tout chancelle. Assis au bord du monde est un premier pas plein de grâce dans le grand théâtre du sensible.
Pour en découvrir plus sur l’univers de Maxine, il a accepté de répondre à quelques questions.
Bonjour Maxime, pour commencer pourrais-tu nous expliquer ton parcours et ce qui t’a mené à la musique ?
Bonjour ! La musique a toujours été une forme de respiration pour moi. Enfant, je chantais tout le temps, presque comme un réflexe instinctif. Pourtant, ma timidité m’empêchait souvent de chanter quand on me le demandait. À 13 ans, j’ai commencé à rêver de scène avec mon meilleur ami : lui à la basse, moi à la guitare et au chant. On répétait du Nirvana, on imaginait déjà les concerts… Jusqu’au jour où, en l’attendant devant le collège, il n’est jamais venu. Il est mort percuté par un bus. Ce jour-là, je me suis promis de faire vivre ce rêve que nous avions construit ensemble.
Très vite, j’ai eu besoin d’écrire mes propres chansons, pour dire ce que je ne savais pas exprimer autrement. Pour moi, la musique est le moyen de parler directement aux émotions. Depuis, j’ai exploré plusieurs projets, réalisé deux mémoires de recherche en musicologie… et aujourd’hui, j’incarne MUNE, un projet personnel que je développe depuis ma tiny house perdue entre dunes et mer.
Pourquoi utiliser un pseudo ?
J’ai longtemps cherché… et puis MUNE s’est imposé à moi comme une évidence silencieuse. Il évoque à la fois la lune, les dunes où je vis, et cette part de nuit propice à l’inspiration. Étrangement, ce mot me parle plus que mon propre nom.
Il me permet de créer un espace à part, plus libre. Mon nom civil est assez commun, et comme je suis aussi acteur, je le réserve au cinéma. MUNE, c’est une identité musicale à part entière, jusqu’au logo que j’avais en tête dès le début. Il fait partie intégrante de l’univers que je construis.
Qu’est-ce que tu voulais transmettre à travers ce premier disque au nom pour le moins évocateur ?
J’avais envie d’exprimer un sentiment d’urgence face à notre époque — le dérèglement climatique, les catastrophes naturelles qui s’intensifient… J’habite un endroit que la mer pourrait engloutir un jour. C’est effrayant, mais ça invite aussi à l’humilité, à la contemplation.
La beauté du monde et sa fragilité sont au cœur de l’album. La pochette, ce bouquet en feu, incarne cette tension entre vie et destruction. Chaque chanson explore cette idée, parfois à travers une relation qui s’effondre : une métaphore de notre monde.
L’amour reste central en chanson, mais je crois qu’on a besoin de raconter autre chose, ou de le raconter autrement. Ce disque parle de beauté fragile et d’espérance.
– Comment est né ce premier EP et comment décrirais-tu ton univers musical ?
Tout est né dans ma tiny house : l’écriture, le mixage, l’enregistrement. L’endroit est essentiel pour moi, il fait partie intégrante de mon univers, presque comme un personnage du disque. J’aimais l’idée qu’on ressente ce lieu dans les chansons, que la tiny soit un peu l’ossature de l’EP.
Quand je joue dedans, j’ai l’impression d’être dans un petit observatoire posé en pleine nature. Je vois passer des chevreuils, des lapins, des oiseaux…, les tempêtes secouent la maison au point de nous empêcher de dormir, les dunes disparaissent sous les fortes pluies… C’est une expérience très immersive, et je crois que ça nourrit ma musique.
Décrire son univers, c’est délicat. Je dirais que je navigue entre la folk, l’indie pop et la nouvelle chanson française. Même si je chante en français, j’ai été bercé par la musique anglophone. C’est peut-être pour ça que mes chansons évoquent parfois l’atmosphère d’artistes comme Agnes Obel ou Tamino.
Il y a une vraie douceur mélancolique dans les morceaux. Quelle importance donne tu a la solitude ou l’introspection dans ton écriture ?
Merci… Je suis un introverti et j’ai besoin de calme, de solitude pour me régénérer et pour écrire. C’est souvent dans ces moments-là que mes chansons naissent, comme un murmure qui remonte à la surface.
L’introspection m’aide à faire le tri, à creuser plus profond. C’est un peu comme puiser dans un puits : parfois on trouve une source, parfois on s’y perd. Mais c’est ce mouvement intérieur qui me permet d’écrire au-delà des apparences.
Tu as travaillé avec Alex Gopher pour le mastering. Comment s’est passée cette collaboration ?
C’était top ! Travailler avec lui a été un privilège. On avait déjà collaboré sur mon ancien projet ALPHABET. Il est excellent et humainement très agréable.
Quand je lui ai envoyé “Assis au bord du monde”, il m’a dit avoir vraiment adoré, ça m’a beaucoup touché ! Puis il m’a proposé une première version. On se comprend vite, il capte bien ce que je cherche. Et c’était précieux, car il a été la seule oreille extérieure (avec ma compagne Céline) à entendre les morceaux avant leur sortie !
Peux-tu nous parler de l’enregistrement ?
Tout a été fait dans ma tiny house. J’y ai même intégré des sons du quotidien : le grincement du poêle, la pluie sur les vitres, le grincement du parquet, les cloches du village… Je les ai enregistrés sur le vif, retravaillés, et intégrés aux morceaux. On peut s’amuser à les chercher !
C’était un processus exigeant mais exaltant. Faire des choix seul, affiner les interprétations… c’est un vrai défi, mais aussi une grande liberté. J’ai adopté une approche minimaliste, pour préserver une émotion brute et intime.
Quelles sont tes influences musicales principales ?
Je suis très influencé par la musique anglophone. Agnes Obel, Thom Yorke, Tamino… J’aime leur manière d’habiter le silence, de sublimer la voix avec des arrangements dépouillés. Ce sont des univers suspendus, à la fois fragiles et puissants.
En français, je dirais Pomme. Elle incarne aussi cette recherche de douceur et de justesse.
Est-ce qu’il y a des artistes ou des disques qui t’ont aidé à trouver ta voix, ton style ?
Oui, certains albums ont été des révélateurs pour moi. Philharmonics d’Agnes Obel m’a donné confiance dans l’idée qu’on pouvait créer quelque chose de beau et délicat chez soi, avec peu de moyens. When I Grow Up de Fever Ray m’a ouvert aux textures électroniques et aux effets sur la voix. Et le premier album de Bon Iver, enregistré dans une cabane, m’a boulervsé par sa sincérité.
J’ai grandi avec les disques des Beatles, de Nirvana, de Radiohead… Et aujourd’hui, des artistes comme Patrick Watson, Clara Ysé ou Tim Dup m’inspirent par leur poésie.
Tous ces artistes m’ont montré qu’il ne faut jamais cesser d’explorer.
Tu chantes en français, avec une écriture assez poétique mais directe. Est-ce que la langue est un outil ou une contrainte pour toi ?
Au départ, c’était presque une contrainte artistique. J’écrivais en anglais avant, c’était plus naturel pour moi, plus musical. Le français est plus exigeant, plus frontal.
Mais j’ai fini par trouver un chemin qui me ressemble. J’écris toujours à partir de la musique : la mélodie me souffle une intention puis guide les mots. Et quand le français épouse ma musique, le résultat est encore plus satisfaisant, plus incarné.
Je ne m’interdis pas de revenir à l’anglais de temps en temps, mais pour l’instant, j’aime ce que le français me pousse à chercher.
Quel regard portes-tu sur ce premier projet, maintenant qu’il est sorti ?
Je suis très touché par les retours du public comme des pros. Je reçois des messages très émouvants. Merci à celles et ceux qui prennent le temps de m’écrire d’ailleurs. J’ai gardé ces chansons pour moi seul longtemps, alors les offrir au monde, c’est un vrai saut dans le vide. Savoir qu’elles résonnent chez d’autres me rend extrêmement heureux !
Je prépare de beaux concerts car le live est essentiel pour moi. Ce sont des moments où je me sens pleinement vivant, en lien direct avec le public. Je me plonge toujours entièrement dans ce que je joue, dans une forme d’abandon intime.
Et je travaille aussi sur un court-métrage, dans lequel ma musique aura une place particulière. J’ai hâte de voir comment cette nouvelle forme prolongera mon univers.