“Black Tie White Noise” de David Bowie. Il était une fois la Révolution.

En attendant la sortie de “Toy” (album de reprises revisitées par le Duke, datant de 2000 et ayant fuité sue la toile en 2011) prévue pour Janvier 2022, coup de projecteur sur un album mal aimé de David Bowie mais ô combien ensorcelant : “Black Tie White Noise”. En pleine déferlante grunge- dépeinte durant deux albums avec feu son groupe “Tin Machine”- la star britannique revenait aux affaires avec un opus aventureux et expérimental.18ème album pour la star britannique et aucun signe d’essoufflement : Bowie s’accoquine avec Nile Rodgers (heureux et chic producteur de “Let’s Dance”) et nous pousse dans nos retranchements.


Qu’est ce qui nous séduit autant dans ces compositions à tiroirs, ces saxophones malades et cette urgence de tous les instants ? Cette production alliant tubes à rebrousse-poil et classe divine ? Nul ne le saurait dire tant ce mélange des genres (soul, éléctro, dance, jazz, free-jazz, pop et secouez) va à l’encontre d’un produit formaté pour les clubs. Toujours un temps d’avance sur les actuelles tendances, “Black Tie White Noise” désarçonne mais sonne comme jamais. En route pour un voyage déroutant ! David Robert Jones presse le pas et qui l’aime le suive.1993.
C’est sur les cendres de ses deux galettes précédentes et de sa formation rock que Bowie conçoit un objet musical hybride. Là où “Tin Machine 1 & 2“-aux ventes honnêtes mais sans hystérie ostentatoire-fricotaient avec les guitares incandescentes et les compositions balisées (quand je pense que le groupe s’est produit en Bretagne, à l’arrache et au théâtre de Saint Servan, à la suite à de nombreuses répétitions in situ…je pleure ce rendez-vous manqué),”Black Tie White Noise” mise sur le déhanché mécanique et le dandysme froid.
Pas berlinois pour deux sous mais plus porté sur des déambulations nocturnes et fantasmées, cet inclassable produit (pop ou soul technoïde ? ), prouve que l’interprète de “Never Let Me Down again” dégaine again and again.
Ainsi, Jean Genie sort le grand jeu : c’est au son de cloches célébrant une union que “the Wedding” attaque avec un rythme chaloupé et une basse vrombissante. Les chœurs sont à la messe et le clavier à la masse. The Thin White Duke l’annonce dès le préambule : son mariage déraisonné sera tout sauf classique. “You’ve been around” met en exergue les talents vocaux de notre songwriter tandis que les cuivres insensés galopent en studio.  Puis “I Feel Free” passe la quatrième et Mick Ronsonplayed” guitare.
Sous pression.
Impressions.


Derrière son micro, Bowie hoquète en talk-over et se la joue lover new jack. Son Saxo Sexy se barre en sucette. Sirènes séduisantes en background. Veine érotique. “Black Tie White Noise” déroule sa moiteur sur fond d’émeute. Free party dans des hangars à Chicago. Couloirs humides, batterie adipeuse et gospel en débandade.”They say Jump“. Basé sur le suicide de son demi-frère, le Roi David délivre un single anti-single. Dance dense et grand huit dans les vocalises. “Night Flites“. Bowie se mue en maitre de cérémonie dans une boite échangiste. “Pallas Athena” ou la description sensitive et instrumentale d’une perte des sens. Hédonisme. Dans quel état j’erre ? “Miracle Goodnight“, petit miracle de musique ludique sur fond de Funky Punky. “Don’t let me Down & Down“. Barry White sirote sa téquila en slibard et Bowie tend son dard sur un slow standard. “Looking for Lester” ou le culte du sax désaxé par …  Lester Bowie himself. Cool Jazz sous coke. Loin des rails. “I know it’s gonna happen someday“. Ziggy se rêve prêtre de l’Amour ou Crooner crâneur en mode “Song of faith & Devotion“. “The Wedding Song“. A l’office, Iman sourit et les mariés s’échangent leurs vœux et leurs anneaux. Seigneur, suivez mon regard !  On rejoue la scène avec un “Jump they Say” comme un boomerang -via un alternate mix ultra sex machine- et l’on ferme la boutique avec une étonnante “Lucy can’t dance“. Ereinté, Major Tom clôt l’aventure…qu’elle soit d’un soir ou autre.2021.
Avec le recul, “Black Tie White Noise” est un album démesuré qui évoque les troubles de l’Amour sur un dancefloor miné. L’œuvre d’un “trouble amour” plus qu’un troubadour. Un LP qui vous cherche des noises en vous faisant bouger l’occiput.
Numéro 1 en Grande-Bretagne, un peu moins de par le Monde, cette petite révolution signa le retour d’un savant fou de 46 ans en très grande forme !
Ne loupez pas ce chef d’œuvre intrépide et incontournable.
Pas le plus culte des albums de Bowie, certes, mais le plus cul, assurément.

John Book.