Strange. Super Strange. Titans. Spidey. Nova.
Nous sommes à l’aube des années 80. Mon frangin et moi-même dévorons ces comics américains peuplés de super-héros aux pouvoirs accidentels mais démentiels. Notre adolescence est, ainsi, bercée par des figures héroïques au destin brisé et des groupes de jeunes étudiants, marginalisés, érudits et masqués. Et nous nous fantasmons Captain America ou Iron Man. Tant de souvenirs liés à ces magazines galvanisants et ces mecs en collants…
Les Avengers, les Inhumains, les 4 Fantastiques… et les plus cool d’entre eux: les X-Men!
La narration complexe, les enjeux de taille, les thèmes fédérateurs , le soin apporté à la psychologie des personnages, des scénaristes de génie, de dessinateurs originaux, tout participait à un engouement immédiat pour cette grande famille éditoriale nommée MARVEL. Et tout prêtait à une transposition cinématographique… qui verra, effectivement, le jour deux décennies plus tard.
Rétrospectivement, bon nombre de réalisateurs talentueux ont su intégrer-à merveille- les codes de la « Boite à Idées » à leurs univers tordus sans tomber dans le travail appliqué. Sam Raimi et ses écarts cartoonesques, Kenneth Branagh et sa passion pour Shakespeare, Ang Lee et sa grande sensibilité, tous œuvrèrent pour une adaptation personnelle sans renier les caractéristiques propres du protagoniste convoqué.
Tous sauf Bryan Singer.
Je ne rentrerai pas dans une description détaillée des frasques dégueulasses dudit réalisateur, me consacrant uniquement à son rapport particulier qu’il entretint avec les élèves du Professeur Xavier. Et ses tics de réalisation proche d’une attitude « camp ».
Son goût pour le fétichisme (déification des corps, culte de la jeunesse, rapports de domination,) s’accorde sans mal avec « Un élève doué« , « Walkyrie » ou « Bohemian Rapshody » mais beaucoup moins avec le Monde développé par Stan Lee, Jack Kirby, John Byrne et Chris Claremont.
Ne nous voilons pas la face.
Cette insistance pour la culture « Queer » (cuir) inoculée subrepticement dans les deux premiers opus de la Franchise « X » est digne de l’excellent documentaire « The Celluloid Closet« ! Il faut voir, avec quelle malice, le réalisateur new-yorkais s’est employé à érotiser les mutants, les rendre sulfureux au détour d’une pose ou d’un costume.
Faire fi des costumes lycra, c’est une bonne idée, s’attarder sur le cul (bien foutu) de Hugh Jackman, pourquoi? Entendons-nous bien. Je ne remets pas en cause l’orientation sexuelle du pèr(vèr)e Singer (qu’il soit hétéro ou comme Malabar, bi-goût,je m’en fous) et ne verse aucunement dans l’homophobie crasse. Loin de moi ces pensées réactionnaires.
« Le secret de BrokeBack Moutain » est l’une des plus belles histoires d’Amour vues à l’écran et je défendrai toujours George Michael comme étant l’un des plus grands auteurs-compositeurs-interprètes du 20ème siècle! Mais être gay-friendly n’empêche en rien une critique.
C’est triste à dire mais je l’assume: j’ai toujours l’impression de voir dans les deux premiers X-Men un rappel au désastreux « Batman & Robin » de Joel Schumasher. Bryan Singer est un movie-maker clinique. Il apprécie les ambiances glacées et les rapports humains froids. Soit.Alors pourquoi lui avoir donner les rênes d’une saga où tout n’est que fureur et passion?
Ajoutez à cela une photographie glaciale, des cadres un peu trop marqués et des chorégraphies made in « Tigre et Dragon » qui nuisent fortement au développement de scènes d’action dites trépidantes et vous obtiendrez un hit au box-office. Mais une haute trahison auprès des fans.
Bref, il faudra attendre la venue de Matthew Vaughn et son extraordinaire « First Class » (titre tout choisi!) pour redorer le blason d’une franchise en voie de perdition. Et redynamiser l’intérêt de Bryan Singer pour sa série à succès via « Days of Future Past« .
Quelques années plus tard et cerise sur le pan-cake, le nihiliste « Logan« , enterrera tous les épisodes précédents par la grâce d’un réalisateur de talent et une violence totalement raccord avec le principal intéressé. Alors?
Quid de la dernière production en date?
Avec, « X-Men, Dark Phoenix« , la franchise culte tourne une dernière page et annonce le début d’une nouvelle ère à base de reboot et de lifting total.Exit les vieux de la vieille. Cet ultime épisode enterrera donc les figures emblématiques de la série tout en faisant un clin d’œil appuyé aux 11 films précédents (spin-off inclus).Disons-le tout net: ce chant du cygne possède quelques couacs mais aussi de belles envolées lyriques.Couacs.
Tout d’abord le choix du casting. Sophie Turner ne possède toujours pas le charme vénéneux et la profondeur de jeu de Famke Janssen et, en dépit d’une volonté apparente de sauver les meubles, s’ébroue difficilement dans la psychologie torturée de Jean Grey.Une incarnation tiédasse alors que l’on attendait une prestation « tout feu, tout flammes », il y a de quoi voir rouge!
Il en est de même pour le reste du casting, passif et peu concerné, dont le charisme s’apparente plus à celui du « Club des Cinq » qu’à une confrérie de Mutants bad-ass.Exceptés les deux acteurs-phare de la Saga, à savoir James Mac Avoy et Michael Fassbender (toujours parfaits), cette distribution semble corsetée dans un projet sans âme teintée de fond bleu. Et peine à retrouver la flamboyance des « Avengers« .
Autre point noir, le scénario.
Pompant allègrement sur le préambule des « 4 Fantastiques« , « Dark Phoenix » semble oublier la folie de son postulat de base, enchaînant mollement scènes d’exposition explicatives et actes de bravoure. Pour terminer sur des retrouvailles convenues et déjà vues. On ne s’ennuie pas, certes, mais on ne hurle pas « Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois! ».
Dernier agacement, la réalisation peu inventive. Simon Kinberg, scénariste et producteur de l’écurie MARVEL, connait son sujet mais pas l’ombre d’un plan. Il délègue le soin de mettre en forme proprement cet épilogue à un assistant-réalisateur de choc et patiente dans le studio adjacent, un cappuccino à la main.
C’est beaucoup, me direz-vous.
Y’a t’il un seul point positif pour sauver ce Titanic du naufrage annoncé? Oui.
Et il se nomme « cruauté ».Car l’on sent que le gore décomplexé de « Deadpool » et la furie bestiale de « Logan » sont passés par là. « Dark Phoenix » n’atteint jamais la folie dévastatrice de la BD originale (sa lecture est vivement conseillée!) mais s’en rapproche par le biais de deux scènes hallucinantes.L’une fera du Professeur Xavier un pantin désarticulé aux mains d’une paria surpuissante. L’autre, véritable boucherie confinée, vous fera passer l’envie de prendre le TGV pour les vacances d’été.
Au final? Un sentiment mitigé m’étreint à la sortie de ce blockbuster sans âme, sans cœur mais non dénué de noirceur. Aucune larme versée à la fin. Aucune émotion. Juste l’excitation.
Des personnages adorés, malaxés dans un produit mal dégrossi. Digne d’un immense gâchis.Et les paroles de Jacques Brel me reviennent à l’esprit: »Ce n’fut pas Waterloo mais ce n’fut pas Arcole Ce fut l’heure où l’on regrette d’avoir manqué l’école
Au suivant, au suivant »…
John Book.