« Within Myself » de Lisa Miller. Promenons-nous dans les Bois.

A l’approche de ce Noël 2020 qui s’annonce si particulier, certaines bonnes surprises résonnent en nous comme la découverte d’un cadeau inespéré posé au bord de la cheminée. Pour preuve, cet album de Lisa Miller datant de 1968 et emprunté sur la seule foi d’une pochette bucolique et mystérieuse. A l’écoute, nous sommes effectivement en terrain festif mais là où nous attendions le portrait d’une jeune fille en fleur (onze ans seulement au compteur !), Lisa Miller nous déconcerte par la grâce d’une voix surpuissante et d’un univers oscillant entre la soul racée d’une Shirley Bassey et le psychédélisme des Doors période « The Soft Parade ». Les violons cavalcadent, les trompettes pétaradent dans une démonstration de force digne de Georges Jouvin et Miss Miller nous ensorcelle dans une débauche de titres hallucinants et hallucinés.
Il faut avouer que l’ère est plus, à proprement parler, portée sur le Flower-power que le confinement mortifère. La consommation de champignons psychotropes que le régime Weight Watchers. Pour son premier album solo, cette très jeune choriste issue du label Motown et haute comme trois pommes signe chez Canterbury Records mais joue les candides. Car Mademoiselle sait ce qu’elle veut et s’adresse, certes, aux oiseaux dans une forêt imaginaire mais reprend à son compte Jefferson Airplaine (White Rabbit) Lulu (To Sir With Love) et les Beatles (The Fool on the Hill… aux arrangements abracadabrants !) sans l’once d’une intimidation.
La production est confiée à H.P. Barnum du label Capitol, Gene Page de l’écurie de Berry Gordy et Jack Eskew de Disney, tous trois habitués des hits et originaires de Los Angeles. Question composition, les bonnes fées Key et Helen Lewis (respectivement mère et tante de notre protégée) offrent 7 joyaux musicaux au-dessus du berceau et œuvrent pour leur poupée de « son ». In fine, l’ensemble de « Within Myself » tient, effectivement, sur les performances vocales d’une fée Clochette biberonnée à la pop luxuriante mais surtout à la précocité insensée-au feeling ? – d’une interprète de haut vol. A l’écoute de cet ovni, on songe souvent aux Carpenters mais aussi aux expérimentations sonores de Louis et Bebe Barron entendues dans le film  » Planète Interdite » de Fred McLeod Wilcox. Bande à Bonnot ? Non. Bande magnétique. Un mélange détonnant d’avant-garde et de ritournelles cousues main. De singles suaves et cybernétiques. Lisa Miller, papesse du déphasage et du R n’B? Mère de substitution de Britney Spears et Justin Timberlake ? Certainement. Le formatage en moins, la prise de risque en plus.


Lisa Miller, c’est un peu Pétula Clark Kent. Judy Garland qui se perdrait dans les coulisses du « Magicien d’Oz » et se retrouverait coincée sur le plateau du « Village dans les Nuages », entre Tirok et Patanok.  Björk partageant ses élucubrations jazzy sur l’album Gling Glo avec Thomas Pesquet. Une Diana Ross et ses Supremes (de porc) dans l’espace.
Le 20 décembre 1965, la petite Lisa faisait une apparition dans le show télévisé de Jerry Lewis  » The Hullaballo Show ».
Hula-Hup, Barbatruc!
Nous sommes à présent en décembre 2020 et le label indépendant « Sundazed Records » a eu la bonne idée de ressortir il y a dix ans cet album aux ambitions musicales stratosphériques. 
Vous étiez embarrassé(e) ? N’hésitez plus!
« Within Myself » est un présent idéal en cette fin d’Année un brin morose. De ceux que l’on se passe sous le manteau comme un trésor caché.
Chaleureux, audacieux, labyrinthique et organique.
Totalement original.
Une galette fantastique au pied du sapin?
Pour reprendre ma grand-mère:  « C’est pas commun!! »

John Book.