Val Kilmer. 1959-2025. Back Door Man

La nouvelle est tombée comme un couperet. Val Kilmer n’est plus et c’est toute une part de mon adolescence (et de l’histoire du cinéma hollywoodien) qui tire sa révérence. Acteur caméléon (à l’image du « Saint » qu’il interpréta en 1997), le natif de Californie laisse derrière lui une carrière en dents de scie peuplée de coups d’éclat et de long-métrages dispensables.
Débuts prometteurs.
Durant dix années, et plus précisément de 1984 à 1995, Val Kilmer est un acteur avide de projets pluriels et enchaine les « hits ». « Top Secret ! » par les inénarrables ZAZ met en exergue ses qualités comiques puis c’est le jackpot atomique avec « Top Gun », son casting en or massif et sa réalisation chic et choc. Ses relations avec ses partenaires de jeu s’avèrent compliquées, l’ami américain goûtant peu la concurrence dans ce concours de belles gueules. Qu’importe. L’heure de la reconnaissance carillonne et les premiers rôles pullulent.
Alors que les adaptations du « Seigneur des Anneaux » et de « Donjons et Dragons » n’en sont qu’à des stades larvaires dans les tiroirs des producteurs, Ron Howard déboule avec un « Willow » plein de « fantasy » et embarque étonnamment le public (plus de deux millions d’entrées en France).  Produit par George Lucas et doté d’effets spéciaux convaincants, ce conte de fées familial demeure toujours un must en matière de divertissement haut de gamme. L’une des causes de cet engouement inaltérable ? L’interprétation bouffonne de Madmartigan portée par un Val Kilmer inspiré et survolté. Doublé gagnant, ce dernier trouvera l’âme sœur sur le plateau en la personne de Joanne Whalley ainsi qu’une partenaire de jeu précieuse. Une collaboration amoureuse qui se reproduira l’année suivante dans le polar vénéneux « Kill me Again » de John Dahl dans un registre bien différent.
Puis vint 1991 et l’année du Sacre.
Dans un biopic centré sur l’un des plus grands groupes de Rock des 70’s, Oliver Stone offre à Val Kilmer l’opportunité de montrer l’étendue de son talent en matière de mimétisme mais aussi de chant. Pari (dé)culotté mais pari tenu. Jim Morrison, par la grâce d’une incarnation totale, renait de ses cendres vingt ans plus tard. Et son acteur principal d’accéder à une starification mondiale. Les films se suivent et ne se ressemblent pas : polar humaniste avec « Cœur de Tonnerre » de Michael Apted, ou polar foutraque et kaléidoscopique avec « True Romance » de Tony Scott, western crépusculaire avec « Tombstone » de George Pan Cosmatos…Notre sexy boy bouffe la pellicule à pleine dents et se délecte de ses choix. Si 1991 fut l’année de la révélation, 1995 sera celle de la consécration… avec « Heat » de Michael Mann ! Entouré par une distribution à faire pâlir Christopher Nolan -à savoir Al Pacino, Robert de Niro, Tom Sizemore, Ashley Judd, John Voight, Danny Trejo, Henry Rollins et Natalie Portman- Big K. tire son épingle du jeu et sur tout ce qui bouge.
Mad Dog & Glory ?
Oui. « Heat » cartonne.
A n’en pas douter, son braquage dantesque et la partition hallucinée de Chris Shiherlis sont, en 2025, encore étudiés en école du cinéma et gravés à tout jamais dans l’inconscient collectif de cinéphiles hardcore.
Mais le phénix ne brille qu’un temps et, dans un jeu d’équilibre malsain, gagne autant en dollars et en ego-trip qu’il perd de sa superbe.  
Pour preuve, les altercations régulières avec l’immense John Frankenheimer sur le set de « L’île du Docteur Moreau » et le jeu rigide de son Bruce Wayne sur « Batman Forever ». Ses films déçoivent, le box-office chute et Val ne sait plus à quel « saint » se vouer. On l’aperçoit dans « L’ombre et la proie » avec Michael Douglas, dans l’excellent biopic sur Pollock d’Ed Harris ou dans le paresseux « Salton Sea » de D.J. Caruso. Certes, son charisme animal sur grand écran persiste… mais sa présence cyclique dans des seconds rôles anecdotiques désappointe sa fan-base.
Tel sera le prix à payer à l’aube des années 2000.
Ce statut d’éternel second couteau-de « Back Door Man »-  perdurera dans une filmographie hasardeuse, alternant trésors ( « Kiss Kiss Bang Bang » de Shane Black, « Bad Lieutenant: escale à la Nouvelle Orléans » de Werner Herzog ou « Song to Song » de Terence Malik), chef-d’œuvre (avec l’insaisissable « Twixt » de Francis Ford Coppola -déclaration d’amour à Edgar Allan Poe lui offrant une reconnaissance critique indéniable mais aussi l’opportunité de retrouver son ex-femme sur le tournage-et qu’importe si le public ne suit pas, Mr Kilmer, en ersatz de Stephen King, impose, à présent, un jeu nuancé contrebalancé par une carrure massive) et déceptions ( » Alexandre » d’Oliver Stone », « Déjà vu » de Tony Scott ou…le doublage vocal de K2000 dans une nouvelle adaptation de la célèbre série !). Sa voix justement. Affecté par un cancer du larynx depuis 2015, l’acteur se bat contre la maladie, prend du poids, en perd, compose avec un physique tout en transformations, s’accroche à de nombreux projets (qu’ils soient promis à des Direct To DVD ou dans le documentaire/confession « Val » ) pour finalement retrouver, en 2022, le chemin du succès avec « Top Gun : Maverick « .
Hélas, dans une scène déchirante d’une véracité troublante, ses retrouvailles (sincères) avec Tom Cruise sonnèrent, malheureusement, comme un chant du cygne.
Ce matin, très tôt, avant de partir au travail et d’apprendre la triste nouvelle, j’ai étrangement enfilé mon t-shirt des « Doors ». Comme un pressentiment.
65 ans. 1er Avril. Mauvaise blague.
Val Kilmer, l’anti-héros au charme ravageur et au sourire carnassier, n’est plus.
Et je perds comme un Ami.
« This is the End, my only friend, the End. »
 
John Book.