[Interview] Tramhaus – « The First Exit » 

Il y a dans le crâne de Tramhaus une force singulière, un équilibre surprenant entre l’agressivité brute du post-punk et la délicatesse hypnotique d’une pop en pleine rébellion, à l’image d’un graffiti fluorescent sur les murs industriels décrépis de Rotterdam, leur ville d’origine. La musique de ces cinq jeunes gens post-modernes s’inscrit dans le paysage sonore urbain avec l’assurance d’un manifeste, révélant tour à tour l’âpreté d’un monde en déliquescence et la promesse d’une éclaircie salvatrice.

Dans ce premier album, « The Fist Exit », Lukas Jansen (chant), Julia Vroegh (basse), Nadya van Osnabrugge (guitare), Micha Zaat (guitare) et Jim Luijten (batterie) nous déroulent, sous un ciel bleu azur (rappelant Magritte), un univers aussi incisif qu’envoûtant, où riffs agressifs et accords mélodieux, reflètent l’urgence des battements d’ailes sporadiques d’une jeunesse épousant les refrains caressant d’une mélancolie punk assumée. On y découvre un groupe qui, à l’instar des routes cendrées de McCarthy, sans carte ni boussole, est bien déterminé à avancer et prêt à courir à la première vague d’adrénaline. Once again. Once again. Il y puise son inspiration dans l’effervescence d’une vie quotidienne en perpétuel mouvement, au jour le jour, qui vacille entre chaos et poésie.
Ici, sur ce disque, ce n’est pas seulement une histoire de sonorité, c’est bien plus en réalité : peut-être la confession d’une génération en quête d’authenticité, surement une invitation à écouter un peu plus l’essentiel avec ces mélodies qui transpercent la réalité, désenchantée, désabusée, enivrante mais sublime. La musique de Tramhaus se fait l’écho de ces moments électriques où enfin les vibrations trouvent un refuge parfait.
Interview… 

 


Votre son est brut, urgent et plein d’énergie, mêlant la rugosité du post-punk à l’introspection plutôt pop. Comment décririez-vous l’essence de Tramhaus en vos propres mots ?
Cinq amis qui font de la musique bruyante dans un monde qui semble s’effondrer. Nous essayons de rester positifs grâce à toutes les nouvelles personnes que nous rencontrons et aux endroits que nous découvrons grâce aux tournées. Nous avons la chance de pouvoir profiter de ces montagnes russes étranges qu’est Tramhaus.


Quelles émotions ou idées souhaitez-vous transmettre à travers votre musique ?
D’un point de vue lyrique, nos chansons parlent beaucoup de ce qui nous entoure et des expériences que nous vivons. Nous espérons que les gens pourront s’y retrouver ou s’y sentir réconfortés, car ils ne sont pas seuls à ressentir cela. Musicalement, nous essayons de mêler des sons mélodieux à des contrastes plus rugueux. Dans notre univers, tout est possible.


Rotterdam est une ville avec une scène underground dynamique, une histoire de résilience et un mélange d’influences industrielles et modernes. En quoi la ville a-t-elle façonné votre son et votre identité en tant que groupe ? Pensez-vous que l’énergie et l’atmosphère de Rotterdam se reflètent dans votre musique ?
Au début, nous avons été fortement influencés par notre ville. Il y a une scène musicale florissante avec des sons très variés, ce qui est une grande source d’inspiration. Ces derniers temps, avec notre emploi du temps chargé en tournée, nous avons moins de temps pour apprécier notre ville et nous nous inspirons davantage des nouveaux endroits que nous visitons. Mais au fond, Rotterdam ne quittera jamais nos cœurs, et notre musique continuera de refléter son énergie en mouvement.


Votre premier album, The First Exit, marque une étape importante pour Tramhaus. Pouvez-vous nous parler du processus créatif derrière cet album ?
Avec du recul, c’est assez fou de voir à quel point cet album s’est concrétisé rapidement. Nous avions prévu deux semaines pour commencer à l’écrire, et en l’espace de ce temps, nous avons composé neuf chansons – toutes présentes sur l’album. Il n’y avait ni le temps ni l’espace pour l’échec. C’était une période assez stressante, mais cela nous a aussi poussés à donner le meilleur de nous-mêmes avec les moyens que nous avions.


Quelles ont été les plus grandes inspirations derrière l’album, et a-t-il évolué différemment de ce que vous aviez initialement imaginé ?
Avant, nos paroles parlaient surtout de ce qui se passait autour de nous. Mais avec cet album, elles sont devenues beaucoup plus personnelles, inspirées des expériences passées de Lukas. Ce n’était pas prévu au départ, mais cela s’est imposé naturellement en écrivant. Le son des morceaux s’est aussi construit au fil du processus, sans idée préconçue, à part celle de terminer l’album d’ici fin 2023 pour pouvoir enfin le sortir.
Nos inspirations ont beaucoup changé durant cette période : il y a du shoegaze, mais aussi du rock indie et même du hardcore punk. Nous voulions explorer plusieurs directions, donc nos influences évoluaient presque toutes les heures.


De nombreux groupes punk-rock sont souvent comparés à des légendes comme Joy Division, The Birthday Party ou les Pixies. Bien que ces influences soient inévitables, comment Tramhaus parvient-il à forger sa propre identité ?
Cela s’est fait naturellement. Dès le début, nous avons écrit des morceaux très variés, et chacun nous ressemblait. Nous ne ressentons donc pas le besoin de nous cantonner à un seul style. Nous n’avons pas envie de refaire le même tour de magie à chaque fois. C’est un défi, mais aussi une grande source de plaisir, car nous pouvons faire tout ce qui nous inspire, et cela restera toujours du Tramhaus.


Y a-t-il des influences non musicales – films, littérature, art – qui jouent un rôle dans votre processus créatif ?
Nous lisons beaucoup. Lors de notre dernière tournée, chacun a fini plusieurs livres en trois semaines. Donc, il y a sans doute beaucoup d’œuvres qui nous inspirent sans même que nous nous en rendions compte. Mais ce qui nous influence le plus, ce sont les concerts live. On peut « voler » des astuces à d’autres groupes et les réinterpréter à notre manière.

Vos concerts sont intenses, joyeux, chaotiques et créent une véritable connexion avec le public. Quel est votre état d’esprit quand vous montez sur scène ? Voyez-vous les concerts comme une extension de votre personnalité ou comme un pur exutoire ?
L’état d’esprit est toujours de donner 100 % de ce que nous avons. Nous adorons jouer en live et partager ces moments ensemble. Je pense que la joie que nous ressentons sur scène se transmet au public. Même si la foule reste immobile et ne danse pas, nous continuerons à jouer avec la même énergie, parce que c’est ce que nous aimons. Sinon, nous n’accepterions pas ces tournées interminables. (rires).


La chimie entre vous sur scène est indéniable, et Tramhaus semble construit sur une forte amitié. En quoi votre relation influence-t-elle votre façon de créer ensemble ?
Cela nous apporte beaucoup, car nous avons énormément de patience et de respect les uns pour les autres. Chacun a l’espace pour exprimer ses idées et proposer ce qu’il veut jouer. Parfois, c’est aussi un défi, car nous ne voulons pas blesser un ami en critiquant trop durement son idée créative.


Votre musique véhicule une certaine urgence, une rébellion, mais aussi une forme de mélancolie. Vos chansons sont-elles un reflet du monde qui vous entoure ou une échappatoire ?
C’est définitivement un reflet du monde. Nous sommes un groupe qui écrit en s’inspirant de ce qui se passe autour de nous et de ce que nous avons vécu. Pour l’instant, nous n’avons pas vraiment d’échappatoire dans notre musique, car elle est très ancrée dans la réalité que nous vivons.


De concerts dans des clubs underground à des scènes plus grandes et des festivals, comment votre expérience de groupe live a-t-elle évolué ? Ces changements ont-ils influencé votre approche du live ?
Nous nous adaptons à ce qui est possible. Sur une grande scène ou un festival, nous utilisons l’espace à notre avantage et apportons un grand backdrop. Dans un sous-sol DIY, nous faisons avec ce qu’il y a et essayons toujours de rendre le concert aussi puissant. Ce mélange nous garde les pieds sur terre, car nous devons constamment réfléchir à comment tirer le meilleur parti de chaque opportunité.


En regardant le processus de création de The First Exit, quel a été le plus grand défi pour vous en tant que groupe ? Et quel aspect de cet album vous rend le plus fiers ?
Nous sommes très fiers de la réception de l’album. Nous avons obtenu plusieurs critiques 5 étoiles dans les plus grands journaux des Pays-Bas et reçu de nombreux messages de fans nous disant qu’ils l’adorent. Quand tu crées quelque chose, tu l’apprécies forcément parce que c’est ton propre travail, mais voir qu’il est aussi apprécié par d’autres est une immense fierté.
Le plus grand défi était la pression des attentes. Pendant des années, on nous a demandé : « Quand sortira enfin l’album ? ». Comme nous avons pris notre temps, nous ne savions pas à quoi s’attendre. Le budget était aussi un défi. Nous sommes un groupe DIY sur un label DIY, donc il n’y avait pas de gros financement derrière nous. Nous avons dû faire avec les moyens du bord.


Le monde d’aujourd’hui est plus chaotique que jamais – socialement, politiquement, écologiquement. Pensez-vous que Tramhaus commente ces changements ou préférez-vous laisser l’interprétation libre au public ? Quel avenir pour Tramhaus et la scène post-punk ?
Nous laissons le public interpréter notre musique comme il le veut. Chaque morceau a une signification, mais si quelqu’un en trouve une autre, c’est encore mieux. L’art est fait pour ça.
Quant à l’avenir, Tramhaus continue. Nous écrivons déjà un nouvel album. Pour la scène post-punk, c’est un mystère. J’ai hâte de voir quels nouveaux groupes émergeront et comment les sons évolueront. J’espère que le mouvement post-punk deviendra encore plus diversifié !

 

Photo de couv. Marc Elisabeth

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English Version


Your sound is raw, urgent, and full of energy, blending the rawness of post-punk with pop’s introspective edge. How would you describe the essence of Tramhaus in your own words?
5 friends making loud music in a world that seems to be falling apart. We try to stay positive and with all the new people we meet and places we visit thanks to touring. We are in a really fortunate position that we enjoy this weird rollercoaster called Tramhaus.


What emotions or ideas do you want to communicate through your music?
Lyric wise it’s a lot about what happens around us and experiences that we have. We hope people can find it relateable or feel comforted by it because they are not alone with this. Sound wise we try to combine beautiful sounds with harsh contrast. Everything is possible in our universe.


Rotterdam is a city with a strong underground scene, a history of resilience, and a mix of industrial and modern influences. How has the city shaped your sound and your identity as a band? Do you feel that Rotterdam’s energy and atmosphere are reflected in your music?
In the beginning especially we were really influenced by our city. We have a thriving music scene with lots of different sounds. It’s easy to get inspired by it. Lately because of our heavy touring schedule we have less time to appreciate our town and we get inspired more by all the new places we visit. But in the end Rotterdam will never leave our hearts and so our will still reflect the city’s moving energy.


Your debut album, « The First Exit, » marks an important milestone for Tramhaus. Can you take us through the creative process?
Looking back on it, it’s quite bizarre how fast we made this record happen. We planned two weeks to start writing the record. We managed to make 9 songs and all those songs are on the record. There was no time and space for failure. It was quite a stressful period in a sense but this also got us really going to make the best possible within the possibilities we had.

What were the biggest inspirations behind the record, and did the album evolve differently from what you initially envisioned?
Before a lot of the lyrics were about everything that was happening around us. With the record it became a much more personal piece with past experiences of Lukas. That wasn’t planned at the start but something that needed to be done when we started writing it. Also the sounds for the songs was also something that just happened. We started writing with not a real idea in mind, just that we wanted to finish a record by the end of 2023 so we could finally release it.
Also inspirations shifted a lot during this period. It has shoegaze a lot, but also more indie rock and even hardcore punk. We wanted to do a lot of different things so inspirations changed every few hours.

Many punk-rock bands are often compared to legends like Joy Division, The Birthday Party, or Pixies. While these influences are inevitable, how does Tramhaus carve out its own identity?
I think it just came along the way. When we started we wrote a lot of different songs and everything felt like us. Therefore we don’t have the urge to make the same kind of style all the time. We also feel it is not expected to do the same trick again. Which is challenging but also really fun because we can do whatever we feel like and it will always be Tramhaus

Are there any non-musical influences—films, literature, art—that play a role in your creative process?
We read quite a lot. On the last tour everyone finished multiple books over the span of 3 weeks. So there are a lot of books that inspire us without even knowing I think. In the end it’s mostly seeing live shows that inspire us the most. You can ‘steal’ tricks from other bands and make it your own.


Your live performances are intense, joyful, chaotic, and create a real connection with the audience. What’s your mindset when you step on stage? Do you see concerts as an extension of your personality, or a moment of pure release?
The mindset is always to give 100% of what we have. We really enjoy playing live shows and playing music together. I think the joy we have together on stage is what shows to the crowd as well. Even the crowd will just watch us and not dance at all, we will keep going because it’s what we love. Otherwise we wouldn’t have these long tour schedules haha.

The chemistry between you on stage is undeniable, and it seems like Tramhaus is built on a strong friendship. How does your relationship influence the way you create music together?
I think it has a lot of benefits because we have a lot of patience and respect for eachother. Everybody gets the space to show what they have and what they want to play in a certain piece. On the other hand it’s also sometimes hard because you don’t want to hurt your friends so if someone comes up with something you never want to be too harsh on a person’s creative idea.

Your music carries a sense of urgency, rebellion, and sometimes melancholy. Do you see your songs as a reflection of the world around you or as an escape from it?
It’s definitely a reflection. We are a real band in a sense that writes and gets inspired by a lot that happens around us and what has happened to us. I wouldn’t say that (for now) we have a lot of escapism in it since it’s all quite close to the reality we live in.

From playing in small underground clubs to performing at bigger venues and festivals, how has your experience as a live band evolved? Have these changes influenced the way you approach performing?
We most of the time just adapt to what is possible. If it’s a big festival or stage we use the space that we have and bring a big backdrop. If we end up in a DIY basement we work with everything we can use and still try to make the shows just as good with less control. We really like this and it keeps us with our feet on the ground because we constantly have to think how to make the best of the opportunity we have for a gig.

Looking back on the making of « The First Exit », what was the biggest challenge you faced as a band? And what is the one aspect of this album that you are the most proud of?
We are really proud of how the record has been received. We got multiple 5 star reviews in the biggest newspapers of the Netherlands. Also a lot of direct messages from fans that told us that they really like it. We always thought the songs we make are nice but that’s because it’s your own creation. To get the praise you hoped just makes you extra proud of it.
Biggest challenge was dealing with the expectation there was for the record. Throughout the years we got a lot of comments saying ‘when is the record finally coming’. Because we took quite some time for it we didn’t know what people would expect from it. Also the money for making a record was a big challenge. We are still a DIY band on a DIY label. So there was no big money shot from a label that gave us the space to spend x amount of days in a studio to write and record. We had enough for this project and we had to make it happen with that.

The world today feels more chaotic than ever—socially, politically, and environmentally. Do you see Tramhaus as a band that comments on these changes, or do you prefer to let the audience interpret your music freely? How do you see the future of Tramhaus and the post-punk scene in general?
We let the audience interpret the music themselves. Of course there is a certain idea behind each track but if a person finds their own message in it, it’s even better. The great thing about art is that it lets you find a message in pieces on your own.
Tramhaus will keep going. We are planning to write a new record as we speak. So that will come somewhere in the future. How post-punk will develop in the future is quite a mystery to me. Bands come and go really quickly. So I’m excited to see what new bands will show up around the corner or what new sounds existing bands will bring! I hope the sound will keep changing and that label will become even more diverse than it is now. Post-punk has become the new indie label in a sense. Everything can become post-punk.