TOLKIEN, TALKING HEAD

Enfin! Quelques années après  les trilogies du “Seigneur des anneaux” et du “Hobbit”, le rêve de tout joueur de J.R.T.M. (jeu de rôle en Terre du Milieu) ou de “Donjons et Dragons” prend forme sous l’aspect d’un biopic. “Tolkien” (prononcez “Tolkine”) de Dome Karuskoki a droit à sa biographie filmée… Et quelle biographie!

Une vie hors-norme marquée par la fatalité et la Guerre dont l’auteur-culte ressortira grandi et l’esprit encombré de personnages fabuleux. N’y allons pas par quatre chemins (ou sentiers, c’est selon la contrée), ce long-métrage  enchante par la grâce d’ une réalisation inspirée et d’une interprétation hors-pair. Dans “Tolkien”, tout concourt à l’excellence et va dans le sens d’une adaptation intelligente et soignée. Reconstitution historique de qualité, flashbacks pertinents montrant les blessures psychologiques du personnage mais aussi le lien indéfectible qui le lie à ses amis, musique habitée de Thomas Newman et une ambiance “so british” qui n’est pas sans rappeler la douce poésie ouatée de Peter Weir et de son inoubliable “Cercle des poètes disparus”.

Ce long-métrage élégant ne serait rien sans l’interprétation magistrale de Nicolas Hoult qui, bien loin des films de super-héros (tu sais, le Club des 5 en costume lycra) et de son interprétation corsetée de l’Ours Butagaz, prouve qu’il est un acteur d’envergure.Et quel plaisir de retrouver sur les écrans l’immense Derek Jacobi!

Of course, nous pourrions voir dans cette production un classicisme un rien pesant . Ou un cinéma “à la papa” où le décorum l’emporte sur les affres de la création. Mais, en dépit d’une facture certes proprette, l’on décèle sous le vernis reluisant une bête de noirceur qui se tapie, jappe et palpite. Tolkien a traversé l’Enfer. Perte des parents, orphelinat, milieu social défavorisé, amours contrariés, perte de sa “Confrérie”,etc… Son mental plus porté sur la linguistique que sur les tranchées s’en trouvera profondément transformé. Et recyclera, sous forme de “transfert”, Tout un imaginaire pour seul rempart salutaire à la cruauté des Hommes. Des monstres comme autant de substituts à des tourments insondables et une violence souterraine palpable (cette scène hallucinante dans les charniers)  serviront de matrice originelle à Bilbo… Puis à une bible bien connue en matière d’ heroic-fantasy. Un scénario tout en finesse que Sigmund Freud ne renierait pas.  Un biopic d’exception. Et un film à ne surtout pas manquer!
John Book.