Polaire « Rentabilité Santé »

Adrien Sabadel et BhamsaDuta forment un duo abrasif sous le nom de POLAIRE. Ami(e)s lecteurs vous connaissez sans doute déjà, Paul et Mickey et BhamsaDuta ?
Petit récap : Paul et Mickey “MORTEL” EP en (2019) et BhamsaDuta « Nabis » (avril 2020)
Je m’intéresse à la musique des deux protagonistes et naturellement au nouveau combo qu’ils nous présentent  à présent, au détour de leur premier single « Rentabilité santé ». Le résultat est tout simplement un gros coup de pied dans la fourmilière, provocant, militant et terriblement entrainant. Je pense que Polaire devrait d’ici peu faire beaucoup parler de lui dans les chaumières.
Après un bref échange sur les réseaux, nous convenons ensemble qu’une interview serait plus propice et plus efficace afin de mieux découvrir la partie émergée de « Polaire ».
C’est donc avec la plus grande des convictions et un enthousiasme certain que je me penche, en quelques questions, sur cette nouvelle direction du groupe et vous en livrer les secrets… 

Comment a commencé l’aventure Polaire ?
Polaire est né au premier confinement. Ça fait déjà plusieurs années que Baptiste et moi avions envie de faire quelque chose de différent de ce que nous faisions avec Paul Et Mickey. Nous en parlions, nous avions envie de développer une musique pop trap/électronique mais au début on pensait faire ça à l’intérieur d’un side-project. Finalement c’était difficile de mener de front plusieurs travaux si différents alors il nous a fallu du temps pour nous consacrer pleinement à cette idée Polaire que nous couvions depuis des années. Le début de la composition des chansons de Polaire, de la préparation pour la scène c’est le premier confinement alors c’est là que l’aventure commence !

Par rapport à Paul Et Mickey et BhamsaDuta (vos autres projets) quelle est pour vous la différence principale ? 
Ce que Paul Et Mickey a fait, appartient clairement au domaine de la musique alternative et marqué par le rock. Le propos est dramatique, l’esthétique est sombre. Polaire n’est pas un groupe alternatif. Paul Et Mickey c’est une musique sans format particulier, c’est un style hybride assez spécialisé, difficile d’accès à un public non-initié. Polaire c’est une musique plus ouverte sur le monde. Polaire c’est une musique dont le but est moins la catharsis (la conversion des passions) que la recherche d’un langage commun. Polaire a une identité sociale forte et veut s’inscrire dans un contexte plus large que celui de Paul Et Mickey. Polaire tend plus vers l’universel que Paul Et Mickey

Il y a toutefois des points communs évidemment puisque BhamsaDuta et moi (Adrien Sabadel) sommes présents sur Paul Et Mickey comme sur Polaire. Dans les deux cas on cherche à établir du lien avec autrui, on cherche à créer du commun, de l’espace de rencontre. J’exerce sur Polaire comme sur Paul Et Mickey mon talent d’écriture et mon talent d’interprétation. J’y cherche avec autant d’amour. BhamsaDuta y fait toujours don de ses grandes qualités de compositeur et de musicien. Les nouveautés sont que BhamsaDuta chante aussi sur une partie des titres et que je fais aussi de la musique sur une partie des titres. On essaye de nouvelles choses. 

En ce qui concerne le side-project BhamsaDuta en solo, c’est un peu un terrain de jeu. On y retrouve de la musique à l’image, du sound design, de la musique expérimentale, de la chanson aussi dans une dimension laboratoire, recherche. 

Enfin, il en reste qu’il est plus facile de s’identifier aux chansons de Polaire, de se sentir concerné. L’objet artistique Polaire est plus simple et plus contemporain que Paul Et Mickey qui a une réputation intello, conceptuelle plus difficile d’accès.  

  
Paul Et Mickey existent toujours ?

Aujourd’hui BhamsaDuta et moi (Adrien Sabadel) avons plusieurs projets. BhamsaDuta crée de l’installation plastique et sonore. Je m’apprête à publier un livre « Ne Te Retourne Pas » avec l’artiste Cara Mia. Concernant notre activité musicale, on préfère se concentrer sur notre envie Polaire. On est déjà très actif alors on va éviter de se disperser musicalement sur des identités artistiques différentes. 

Néanmoins, il est vrai que Baptiste et moi existons toujours alors oui : tout est possible. 

Au cours de son histoire, Paul Et Mickey n’a jamais cessé d’évoluer. Peut-être y reviendrons-nous sous une forme nouvelle. Tant que Baptiste et moi sommes ce que nous sommes, tout est possible. 

On ne s’interdit rien dans ce domaine. Le fait est que nous n’avons pas de nouvelles compositions de Paul Et Mickey en chantier, nous ne préparons pas de concerts. Nous préférons ne mener de front qu’un seul de nos projets et peaufiner l’identité de notre nouveau groupe Polaire alors Paul Et Mickey reste en sommeil jusqu’à nouvel ordre. 

 « Rentabilité Santé » est un titre qui provoque la réflexion mais aussi qui appelle à l’implication ?
« Rentabilité Santé » pose des questions, provoque la réflexion et fait un constat amer franc et direct.

Nous y dénonçons les choix politiques qui ont été faits ces vingt dernières années en matière de santé et qui sont tous tournés vers la sacro-sainte rentabilité. Notre santé n’est pas une marchandise, la répression violente n’est pas une méthode démocratique de débat. Nous nous révoltons de la situation dans laquelle se trouve le milieu médical français d’autant plus au travers de la crise que nous traversons actuellement. Plutôt que de culpabiliser chacun pour son mode de vie (gestes barrière, masques, confinements, couvre-feu) est-ce que le temps viendra où nos responsables politiques répondront de leurs actes ? Qui répondra des conséquences de la casse de l’hôpital public ? Le président de la république a dit qu’ils avaient recruté des médecins depuis le premier confinement. Ce ne sont que les médecins qui ont terminé leur formation. Il a dit qu’ils n’avaient pas eu le temps d’ouvrir des lits en réanimation mais ils ont continué d’en fermer. On a envie de faire entendre une autre voix que celle que le pouvoir fait tourner en continu. 

Nous ne demandons rien à personne, nous ne recommandons aucune façon particulière de s’impliquer dans ces questions de bien commun qui peuvent, malgré tout, diviser. Nous avons notre sensibilité à cette cause, nous avons notre façon à nous d’être concerné et de l’exprimer. Le mieux que l’on puisse faire c’est de ne pas avoir peur de parler entre nous, de ne pas craindre la contradiction, le débat, la réflexion collective. Le mieux que l’on puisse faire est d’entretenir notre esprit critique et conserver nos libertés de conscience et d’expression. Ces choses ont l’air simple et pourtant les évènements que nous traversons montrent qu’elles ne le sont pas tant. 

Je vous sens très proche du milieu médical. Au-delà même de la réflexion citoyenne ! Pourquoi donc, expliquez-nous ?
Prendre soin des autres c’est pour nous un engagement concret. BhamsaDuta est membre de plusieurs associations de défense de notre système de santé. Il est quotidiennement investi sur un travail pédagogique pour amener à des prises de conscience à ce sujet. Quant à moi (Adrien Sabadel), j’ai pendant quelques années, été éducateur spécialisé en milieu médico-social. J’y ai vu les contradictions entre les idées que les professionnels veulent porter et les moyens que l’on a sur le terrain. Ce sont des vocations qu’on ébranle dans le secteur du don de soi pour les plus fragiles. Toujours pour des raisons strictement économiques. Au nom du père, du fils et du saint-profit. Durant ces quelques années en tant que travailleur social et je le reconnais, fervent idéaliste, j’ai vécu personnellement les injonctions à la rentabilité, les prétendus impératifs économiques. J’y ai vu autour de moi la personne humaine crouler sous le poids de ce qu’on attend de lui à cause de décisions verticales lâches et égoïstes. J’y ai vu les âmes broyées, l’intelligence du cœur bafouée. J’y ai vu l’argent s’installer et couper la parole à la compassion, au respect de la personne, au temps, à la bienveillance. Notamment dans des milieux de personnes particulièrement en détresse psychique et mentale. C’est une rage qui ne vient pas des livres ou de la réflexion, c’est une colère qui vient de la chair. 

Nos vies intimes à BhamsaDuta et moi nous ont aussi amené à côtoyer le milieu médical dans d’autres de ces aspects. J’y ai vu des failles encore liées à des logiques comptables.  J’ai mis beaucoup d’espoir là-dedans et j’ai beaucoup d’amour pour ce que pourrait être la solidarité concrète, je suis déçu et j’ai envie d’en découdre.

Aujourd’hui notre mère est infirmière, notre petite sœur est en études de médecine, on est touché de très près par les décisions politiques prises pour lutter contre le covid-19 et on s’intéresse de près aux moyens qui manquent, aux incohérences de ceux qui prennent les décisions qui mettent les patients et le personnel soignant en danger. 


Dans le texte il y a comme une délivrance de la parole bâillonnée. Mais en même temps le titre est presque festif, entraînant. Comment le traduisez-vous ?

On a pensé que les gens étaient suffisamment tristes et angoissés par tout ce qui se passe pour faire musicalement quelque chose de plus lourd ou dramatique. On a pensé que ce côté entraînant, dynamique, festif pouvait servir le propos et faire du bien aux gens. C’est notre façon de dire que pour contester on est pas obligé de faire la gueule. Faire de la désobéissance civile, avoir de l’esprit critique, ce n’est pas forcément être le grincheux de la bande. Il n’y a qu’à voir Fred et Georges Weasley dans Harry Potter qui font de la résistance avec plus que de la bonne humeur !

Et puis les luttes qui ont porté leurs fruits par le passé avaient souvent en commun d’avoir pour elles des hymnes, des chants unificateurs, rassembleurs. On voulait faire quelque chose qui soit dans l’air du temps, qui puisse être entendu du plus grand nombre et qui soit dynamique. 

Comment la composition des morceaux s’organise dans Polaire. Adri et BhamsaDuta qui fait quoi ?
Tout est possible, on ne s’interdit rien. Parfois BhamsaDuta compose seul l’instrumental, parfois c’est moi (Adrien Sabadel), parfois on compose ensemble. Pour l’écriture et l’interprétation parfois je chante seul, parfois BhamsaDuta chante seul, parfois on chante ensemble. On reste ouvert, on va essayer des choses, on va se préciser au fil des chansons. 

Avec l’annonce du confinement v2 vous êtes dans quel état d’esprit ?
Le premier confinement a été l’occasion de préparer le premier EP de Polaire (sortie prévue avant la fin de l’année 2020). On était dans la détermination et la discipline mais aussi dans l’imagination, la créativité et le besoin d’avancer. On essaye de ne pas ressasser ce qu’on ne peut pas faire et de trouver les opportunités qu’il nous reste. Le contexte peut suggérer de nouvelles expériences à mener aussi. 

On en profite pour innover, on essaye de rester positif même si c’est vrai que je me sens déstabilisé, j’ai du mal à me positionner sur ce qui se passe. Je pense qu’on ne peut pas s’empêcher de se projeter, c’est nécessaire alors on projette et on garde dans un coin de la tête l’idée qu’il faudra peut-être s’adapter, décaler, que les choses ne se passeront peut-être pas comme prévu. D’un certain point de vue c’est comme d’habitude mais ça paraît plus intense et plus voyant maintenant. La théorie du chaos… 

C’est l’occasion de donner aux ami-es qui nous suivent des choses différentes de celles qu’on donne par les concerts. Il faut ouvrir des sentiers là où il paraît ne pas y en avoir. C’est une question vitale, c’est une question d’espoir, il faut rêver encore, il faut proposer des lendemains même si on est sûr de rien. 

Allez-vous pouvoir nous concocter un autre titre prochainement ?
On s’apprête à sortir un premier EP alors oui on peut même dire que plusieurs titres sont en train d’être fignolés pour sortir très prochainement. On espère tenir notre délai d’une sortie d’EP courant Novembre mais on ne se met pas la pression. Le contexte est suffisamment oppressant alors pour que Polaire offre aux gens un bol d’air, il faut que les membres de Polaire respirent !

Seront-ils dans la même veine « protestataire » ?
Il y a d’autres chansons dont l’engagement politique est clair, direct et sans détour. Oui. On se laisse sentir les choses pour exprimer nos subjectivités au fil de ce qu’on ressent et en espérant trouver les mots pour représenter celles et ceux qui se reconnaissent dans nos témoignages. En revanche, il y a des chansons très éloignées de cet engagement aussi. Il y a des chansons introspectives qui parlent des questions qu’on se pose, des doutes qui nous hantent, de la démarche d’interrogation sur nos identités dans laquelle on est. Il y a des chansons qui parlent de nos vies, des chansons plus intimes, des récits embrasés de nos expériences. D’une certaine façon, des chansons d’amour comme Paul Et Mickey pouvaient déjà en traiter avec passion. Des chansons tristes, belles et tristes.

Vous nous connaissez un peu, vous avez une idée des sujets autour desquels on tourne et de nos types de sons et de plumes. 

L’Ep qui s’apprête à sortir est assez hétéroclite. Il y a des chansons qui vont ravir les fans de « Rentabilité Santé », un son clairement trap et revendicatif. Mais il y a aussi des chansons qui se situent dans le secteur de Paul Et Mickey. Dans le sens où on est plus proche du propos de Paul Et Mickey mais dans une esthétique plus accessible, plus simple, plus contemporaine, plus précise aussi et avec du chant. Un Ep plein de surprises qu’on a hâte de vous offrir !

Et après la fin de la crise Covid19 (enfin un jour peut-être) quels seront vos projets ?
Crise ou pas crise Covid19, Covid22, Covid37 il y a un chemin qu’on va tracer jusqu’à nos derniers souffles. On va commencer par sortir ce premier EP de Polaire. Puis on va clipper quelques chansons qu’on a très envie de clipper. On va sûrement bosser avec des artistes qu’on aime beaucoup, certains avec lesquels on a déjà bossé mais de nouveaux aussi. On va préparer des concerts, on va composer des chansons, écrire des chansons, clipper, sortir des Ep’s. On va voir !

En même temps BhamsaDuta va peut-être développer son activité plastique et sonore dans le sillon de son installation « Des Offres Exceptionnelles ». 

Je vais sortir un premier livre « Ne Te Retourne Pas » avec la fameuse et talentueuse graphiste Cara Mia. Elle aux images, moi au texte. Ce ne sont ni les projets ni les envies qui nous manquent !