Metal Church

 

“So Let It Be Written, So Let It Be Done ! ”

Sacrilèges et blasphèmes sonores sévissent dans le milieu musicale du Black Métal depuis 2014. Nous devons ces prodiges à Manuel Gagneux, musicien d’origine suisse.  Manuel est le fruit d’un métissage issu d’une mère afro-américaine et d’un père suisse, question éducation musicale : il oscille entre la pop et le grindcore, teinté de death métal. Quand en 2014 depuis son logement de New York, il propose sur le forum 4chan quelques titres de son projet Birdmask (pop) et il demande aux utilisateurs de lui soumettre deux genres musicaux bien distincts pour créer une chanson en 30 minutes. Aussitôt le Black Métal et le Gospel (Negro Spirituals) sont plébiscités par les utilisateurs du forum. Les extrêmes sont réunis pour un même projet musicale. Le fruit du péché était déjà bien entamé, la machine sera lancé pour le meilleur. Manuel Gagneux, déclara plus tard que Zeal & Ardor est une bonne réponse à la question : “Que ce serait-il passé si les esclaves noirs américains avaient choisi Satan au lieu de Jésus ?”

1er album en 2016 “Devil is fine” avec ce magnifique titre éponyme qui pose la première pierre de l’édifice musicale du groupe. Suivrons en 2018  “Stranger Fruit” et l’année suivante un album live ” Live in London”.

“Zeal & Ardor, quand le gospel tutoie les anges déchus.”

Oh plus haut des abimes

Comme le disait mon professeur de philosophie, il n’y a pas plus croyant que les personnes se disant athées. Le groupe Zeal & Ardor (littéralement zéle & ardeur) est l’exemple même de la contradiction entre le fond et la forme. On pourrait s’attendre à l’écoute d’un album de black métal à une débauche de blast, de chant typiquement issu du courant musicale et des guitares aux riffs ravageurs. Ce n’est pas forcément le cas avec cet album éponyme Zeal & Ardor. Projet hybride simplement ? Ou né du courant musicale “fusion” qui à proliféré dans les années 1990 comme le crossover ? Un dialogue entre le bien et le mal ? Autant de questions auxquelles je n’ai pas forcément de réponse. Mais il s’agit bien ici d’ouverture d’esprit et prise de risque c’est sûr ! C’est comme si The Blind Boys of Alabama fusionnaient avec Behemoth et qu’ils  découvraient ensemble le sens la révélation originel.  

 

Le nouvel album du groupe est disponible depuis quelques semaines. Et déjà des titres comme “Hold Your Heart” ou “Death to the Holy”, le magnifique “Golden Liar” et le surpuissant” Götterdämmerung” (crépuscule des dieux) sont des preuves encore une fois que ce projet musicalement est aboutit. Maestria de composition de black métal et de gospel, teinté de jazz par moment. Une œuvre importante dans la discographie du groupe. Comme il serait bon d’écouter l’ensemble des titres joué dans une église ! Quelle claque cela serait ! Performance déjà réalisée avec la musicienne suédoise Anna von Hausswollf. Qui joue un post black métal, uniquement sur orgue – instrument présent dans les édifices religieux comme les églises et cathédrales. Certains des concerts d’Anna von Hausswollf ont été annulés, notamment en France sous la pression d’intégristes religieux. Quand la bonne parole de tolérance et d’amour du prochain se limite à un cercle très restreint.

Revenons à l’album.

Graphiquement, la pochette est aussi puissante que la musique. Nous avons sur fond blanc deux mains noir. Ce sont des mains de justice, originellement c’est un sceptre terminé par une main dont les trois premiers droits sont ouverts. Son nom fait référence au droit royal de justice et l’origine divine du pouvoir royal. Il est présent souvent sur les sceaux, les rois représentés bénis par une main, celle de Dieu, qui descend du ciel. Pour finir cette petite incursion dans l’histoire de l’art,  la main de justice se portait à gauche et le sceptre ordinaire à droite. On a donné aussi à ce sceptre le nom de ” bâton à signer”, signer voulant dire bénir au moyen âge. Une main pointant vers le ciel, l’autre vers le tréfonds – de nos âmes ? Le fait que le titre se lise aussi à l’envers annonce l’importance du sujet : l’homme béni ou pas est au centre.

Nous retrouvons cette métaphore du bâton et de la croix avec le visuel du précédent EP Wake of a nation, sorti en soutien au mouvement Black Lives Matter. La croix renversé (symbole de référence du mouvement black métal) se révélant ici par deux tonfas l’un à côté de l’autre. Bâtons utilisés de nos jours par les représentants de l’ordre et pas de la justice.

EP – WAKE OF A NATION

Le titre du EP, est une référence au film The Birth of a Nation de 1915 à la gloire du Ku Klux Klan. Manuel Gagneux déclare à ce propos : « Ce disque est dédié à Michael Brown, Eric Garner, George Floyd et toutes les autres victimes sans visage. Il s’adresse aux âmes courageuses qui veulent s’élever et qui sont prêtes à risquer leur vie pour que les autres gardent la leur. ».

Encore une fois une pochette et un album sobre et efficace – décidément c’est de plus en plus le cas dans le milieu du post black métal (cf chronique CELESTE).

Zeal & Ardor en concert – crédit : Capture d’image – Geneva Doom Festival, l’Usine 04.05.2017

Zeal & Ardor est un groupe à suivre et à écouter. Mais surtout à découvrir sur scène dans les conditions du “live”, d’ailleurs une tournée est annoncé dans les prochains mois en Europe. Projet hybride avec un lien up qui l’est aussi. Vous retrouverez donc Manuel Gagneux – chant, guitare, synthétiseurs et programmation, Denis Wagner – chœurs, Marc Obrist – chœurs, Tiziano Volante – guitare, Mia Rafaela Dieu – basse et Marco Von Allmen – batterie. Si vous avez l’occasion de pouvoir vous déplacer en dehors des horaires d’ouverture des églises n’hésitez surtout pas, personnes ne vous blâmera.

Le métissage est la plus grande preuve de tolérance/ d’amour qui soit.

Ekimr

Cet article est dédicacé à mes années de catéchisme raté et Black Sabbath.

 

Site Officiel : https://www.zealandardor.com/

Pour en savoir plus : Je vous conseil le visionnage du  sujet sur ce groupe réalisé par le magazine Tracks pour l’occasion (disponible ici).

Illustration – copyright : Mike Rouault