Dialogue entre un adulte et sa progéniture autour d’un conte improvisé. Cadre exigu. Une tente éclairée faiblement de l’intérieur et dressée au beau milieu d’une forêt. Havre de paix éphémère dans un Monde à l’agonie.
Ainsi débute ce “Light of my Life” où la lumière évoquée est, bien entendu, spirituelle et le décor planté des plus dramatiques. A la suite d’une Peste ne touchant que les Femmes, la société s’est peu à peu effondrée, laissant place à la Suprématie des Mâles en territoire Américain (donc Mondial ?). La gent féminine encore présente est crainte, moribonde ou enfermée dans des bunkers. C’est dans ce climat post apocalyptique qu’un père et sa fille de onze ans (grimée en garçon) tentent de survivre au regard et à la folie des Hommes.
Pour son premier “vrai” film, le précédent se présentant comme un vrai-faux documentaire autour de Joaquin Phoenix, Casey Affleck surfe dangereusement sur “La Route“, chef-d’œuvre de Cormac McCarty et Prix Pulitzer 2007, tout en s’en affranchissant légèrement.
Et c’est le grand point faible de ce film. Le rappel constant d’une œuvre majeure en filigrane d’une autre.
Impossible de s’en dépêtrer.
“La Route” est là, omniprésente et anthropophage.
Voix de garage ?
L’interprète de ” A Ghost Story” le sait et effectue un profond travail de démarquage.
Alors que l’auteur multi-primé dépeignait une civilisation mourante sur fond de no man’s land poussiéreux, notre jeune réalisateur opte pour une vision plus verdoyante et plus “naturaliste”.
Point de décor à la “Mad Max” ou “Doomsday“. Nos deux protagonistes choisissent les chemins de traverse et les paysages bucoliques pour leur survie.
C’est dans ce choix ascétique que “Light of my Life” prend son envol, le frère de Ben Affleck se refusant à l’emploi de clichés attendus.
Nous supposions une toile de fond rimant avec désolation ? Des éléments de décors empruntés à “New-York 1997” ou ” New-York ne répond plus” ?Nous aurons droit à des routes sinueuses sous la neige. Des lotissements perdus. Villes fantômes en pays Red Neck.
Nous fondions nos espoirs cinéphiles sur une statue de la Liberté à l’abandon ? Des trocs d’humains en cage ?
La structure collective et économique de ce “No Future” made in Sundance se résumera à l’emprunt de denrées dans un hangar de fortune (via une pièce d’identité) et à un isolement domestique de rigueur.
Jeu de miroirs.
L’adaptation de “The Road” mixait film d’anticipation (“Le Survivant” avec Charlton Heston), parabole écologique et réalisation au tempo lancinant. “Light of my Life” puise dans les expériences narratives et contemplatives de “Gerry” de Gus Van Sant ou de “Old Joy” de Kelly Reichardt.
Aucun signe extérieur de désolation ou d’anormalité visible.
Ce contre-pied sert on ne peut mieux la distribution de ce Survival indépendant. Elisabeth Moss (vue récemment dans” Invisible Man“, autre brûlot féministe) enveloppe de sa présence les flash-backs d’un bonheur révolu. Anna Pniowsky donne le change avec assurance à son mentor de substitution. Et Casey Affleck (auréolé d’un Golden Globe et d’un Oscar du meilleur acteur pour l’émouvant “Manchester by the Sea” de Kenneth Lonergan) prouve, par le biais d’un jeu rigoureux, que ses statuettes ne furent en rien dérobées. Ses échanges verbaux avec sa partenaire sont le sel de ce “Light of my Life“. Un regard volé, un simple échange factuel ou une respiration et le temps semble se suspendre autour d’eux comme par magie.
Serions-nous alors confrontés à une déambulation “sci-fi” à budget limité ? Ou, pour parler plus trivialement, à un film chiant ? Faux. Casey Affleck charge ses parenthèses d’une tension permanente, ne laissant au public que peu de répit. L’Enfer c’est les Autres. Partout. Tout le temps. Et les trajectoires aléatoires de ce binôme souvent minées par la peur.
Pour preuve et climax, cet épilogue à la violence sèche digne d’un documentaire ou d’un reportage (sans filtre) …en Temps de Guerre.
A l’heure où la reprise d’un confinement plus “dur” est sur toutes les lèvres, cette mortelle randonnée résonne en nous d’étrange manière.
Cachés dans des bois ou enfermés dans des appartements, le constat est le même.
Nous ne trouverons notre Salut que dans la solidarité et la ténacité. Avec, pour seul horizon la joie de retrouvailles familiales et amicales.
Le bonheur de revoir des films sur grands écrans et de verres trinqués à une nouvelle proximité.
Casey Affleck a nommé son fils Indiana.
Moi, je dis : “Tous les espoirs sont permis !“
John Book.