Karen Sheriff est le nom d’une chorale rock pas comme les autres. Créé en 2017 pour les 10 ans de La Carène (Brest) par Laetitia Sheriff et François Joncour, le projet vient de faire l’objet d’une nouvelle session de travail sous l’égide de la chanteuse Barbara Lehnhoff, chanteuse et bassiste du groupe Peter Kernel. Barbara présentait par la même occasion le même soir, son nouveau projet électro/noise sous le nom de Camilla Sparksss.
Devant une centaine de personnes, les Karen Sheriff présentaient le résultat de leur collaboration le samedi 13 avril, en ouverture de la soirée du festival « Les Femmes S’en Mêlent ».
Pour mieux comprendre le sens profond de cette démarche, quoi de mieux qu’un entretien avec Elisabeth Tortorici-Kermarrec, en charge de l’action culturelle à La Carène et Nath Le Godec, présidente des Karen Sheriff.
Pouvez-vous nous parler de la Masterclass avec Camilla Sparksss ?
ETK : Nous sommes vraiment dans l’éducation populaire, c’est stimulant et encourageant ! Le fait de faire appel à une artiste comme Camilla Sparksss était déjà une promesse d’énergie et de créativité. Barbara a un côté très physique sur scène, et elle le leur a retransmis avec une telle simplicité que ça en était désarmant.
A l’action culturelle de La Carène, nous sommes vraiment dans cette pédagogie / éducation populaire; chacun vient comme il le souhaite, avec ses bagages et ses capacités. Toute la chorale s’est lancée dans l’aventure avec une artiste qui n’avait jamais dirigé de choeur jusqu’alors.
NLG : Effectivement, Barbara a su nous sortir de notre zone de confort avec une telle simplicité et une telle énergie que cela a été vraiment bouleversant pour nous tous ! Mais quel kiff au final !!!
Les membres de la chorale semblent venir d’horizons différents ?
ETK : Oui en effet. On peut même imaginer que dans la vraie vie, ils ne se seraient jamais côtoyés. C’est une belle mixité, et ça dure.
NLG : Il y a une vraie mixité sociale, de tout âge, nous représentons un bon panel ! Et c’est toujours avec un grand plaisir que nous nous retrouvons avec nos idées, nos envies, nos choix de chansons à bosser. Nous mettons également un point d’honneur à organiser régulièrement des temps informels au bar ! Beaucoup d’idées en découlent en général !
Quelles sont leurs motivations premières ?
ETK : Pour nous à La Carène, c’était une fête pour nos 10 ans de salle. Une célébration de la rencontre entre les artistes et le public, ce que l’on fait au quotidien dans notre métier, mais avec une production joyeuse, immédiate quasiment (une semaine de stage) et un concert dans un lieu atypique où les choristes se sont vraiment dépassés.
NLG : Le premier coup d’essai avec Laetitia Sheriff en 2017 a été une révélation pour nous tous ! Nous étions en recherche d’une chorale ouverte à tous, avec un choix de titres différents de ce que nous pouvions entendre habituellement. Lorsque Laetitia nous a proposés les Ramones, les Weezer et Taxi Girl… Bingo !! Elle nous a littéralement charmés !
Quelle a été l’approche pédagogique de Barbara ?
ETK : C’était une première pour elle, mais elle a utilisé la voix et les corps de 25 personnes comme des instruments qui résonnent, claquent, sonnent, ensemble, séparément. C’était très touchant de suivre les répètes, parce qu’elle y a mis tout son cœur dans ce chœur. Et encore une fois, la forme physique qui se dégage d’elle, une vraie intensité que les Karen Sheriff ont pris comme une boule d’énergie pour se dépasser.
NLG : Barbara a su entendre nos craintes, parce qu’évidemment, nous n’étions pas habitués à utiliser notre corps de la sorte. Mais elle n’a pas lâché et a su nous rassurer, nous faire avancer, tout en gardant sa ligne de conduite…. Elle a été très pédagogue !!
Qui a fait le choix des titres interprétés et quels en ont été les critères ?
ETK : Barbara et François Joncour ont bossé une après-midi en studio sur un répertoire à proposer. François (Poing, I Come From Po, Tunnels) accompagne les Karen Sheriff depuis les 10 ans de La Carène avec Laëtitia Sheriff. Il a confirmé à Barbara qu’elle pouvait aller loin avec eux en terme d’expérimentation vocale et corporelle.
NLG : Effectivement, nous avons pris connaissance des morceaux le jour J. Ça a un côté très excitant !! Nous avions une confiance aveugle en François qui nous connaît très bien maintenant pour driver Barbara sur nos capacités.
Quel est le sentiment que laisse la session avec Barbara ?
ETK : On l’inviterait bien encore une semaine !
NLG : Encore ! Encore ! Et encore !! On veut continuer à danser, chanter, expérimenter et… boire du vin naturel en mangeant des huîtres avec elle (rires) !!! Nous espérons sincèrement que nous pourrons nous retrouver sur une date !
Une complicité forte semble avoir émergé ?
ETK : A la fin du set, nous étions tous très émus.
NLG : Effectivement, à la toute dernière note, nous étions tous émus et désolés que ça se termine déjà…. Nous étions tous en état végétatif et de déprime dimanche !! J’en profite au nom de toute la chorale pour remercier François qui nous accompagne depuis la 1ère seconde, Elizabeth et toute l’équipe de la Carène qui se surpassent pour nous recevoir et nous proposer de supers projets. Et évidemment Barbara la bienveillante et son chevalier !
Survoltée et déjantée, voilà comment je qualifierais la prestation des Karen Sheriff. Mais, connaissant l’univers de Barbara, nous ne nous attendions pas à autre chose. L’appropriation des morceaux, entre expérience corporelle et vocalises expérimentales, en donne une vision nouvelle. Cette sorte de psychophonie* démontre bien l’effet bénéfique des vibrations où chaque son, accompagné d’une gestuelle expressive, réussit à faire résonance en chacun, avec le bien-être à la clef !
Et ça marche !!! La chorale brestoise sous la direction de Camilla Sparksss nous a fait vibrer des orteils aux oreilles.
Stef’Arzak
*Selon la définition de Marie-Louise Aucher, la psychophonie est « une démarche auto-expérimentale d’harmonie physique et psychique qui utilise, à la faveur de la voix parlée et chantée, les correspondances entre l’homme, les sons, les rythmes et le verbe ».