A la faveur d’une dissection cinématographique en terrain domestique, retour sur un monument du Bis datant de 1979 et réalisé de main de maitre par le versatile Walter Hill: « Les Guerriers de la Nuit ». Je gardais un souvenir lointain datant de feu la chaine putassière berlusconienne sous influence bling-bling. Jeux d’argent télévisuels débiles, paillettes et poulettes en pâture mais programmation de longs-métrages insensés pour sauver la mise. Bien qu’en V.F. et en noir et blanc (mon frangin ne possédait qu’un tube cathodique bichrome et ce n’était pas si mal!), « The Warriors » me laissa un souvenir impérissable d’âpreté. Trente-cinq ans plus tard dans mon salon, que reste-t-il de cette « chasse du comte Zaroff » made in seventies ?
Sauvage. Tel est le terme qui me vient à l’esprit pour qualifier ce film de genre et d’exception.Walter Hill nous plonge dans une Amérique crade et peu reluisante où la violence prédomine.
Ici, les gangs sanguins défient la loi et la police -sur les dents- bastonne. A la suite d’un meurtre crapuleux et d’une trêve entachée, la majorité des bandes de la Ville se mettent en chasse. Objectif ? Traquer sans relâche les Warriors, désignés coupables mais innocents aux mains pleines.Cette descente aux Enfers durera toute une nuit, le temps que les esprits échauffés retrouvent leur sang-froid et qu’une animatrice radio à la voix suave annonce un armistice salutaire.Nous le savons, le réalisateur de « 48 Heures » et d' »Extrême préjudice » affectionne les « films de mecs ». Des films où les jurons fleurissent et où un concours de la plus grosse zigounette pèsera toujours plus qu’une amourette bucolique dans le Montana. Toutefois, l’on remarquera que pour son troisième film, et en dépit d’un synopsis épais comme une feuille à cigarette, le Sieur Walter étonne en puisant dans les bases d’un western old school.
Mieux, il inverse la tendance d’un machisme attendu et affuble ses protagonistes patibulaires de sobriquets inattendus : » Swan », « Ajax », « Cleon », « Cochise », « Cowboy », « Rembrandt » et « Vermin ».
Nous espérions les sept mercenaires ? Nous voici en compagnie des sept nains. Nous fantasmions sur des rues barbares et de la testostérone en barre ? Walter en remet une couche et saupoudre son conte de fées trash d’un féminisme ravageur en la personne de Mercy. Blanche Neige venue de nulle part qui émasculera verbalement nos lascars dans une scène mémorable et s’entichera de son leader dans une fuite éperdue. Mais ce n’est pas tout. »Couillu », le producteur de « Double Détente » l’est indubitablement. Point de différences raciales dans la composition des gangs cités en préambule. Un gang marque son appartenance par ses attributs à tribus et son dress-code. Ici un maquillage emprunté à « Kiss », là un membre du « RollerBall »… Black Panthers versus White Power ? Trop manichéen. Le racisme passera son chemin. Mais pas la critique sociale. Au détour d’un scène remarquable dans un métro, la jeunesse dorée upper class déboule et fait face à Mercy et Swan, Roméo et Juliette à la ramasse. Silence. Echange de regards et moue gênée de l’intéressée qui, dans un mouvement vain, essaye de remiser sa coiffure afin d’être plus présentable. Ce mouvement sera stoppé net par son partenaire comme un ultime doigt d’honneur adressé à la bourgeoisie. Nous sommes ce que nous sommes. Authentiques et défaits. Décatis et exsangues. L’Aube est incertaine, notre avenir compromis mais la nuit nous appartient, loin des classes dirigeantes et friquées. Le groupe de nantis quittera le wagon à la station suivante. People have the Power.Pied de nez au capitalisme galopant d’une mégalopole snobant ses enfants perdus ? Provocation absolue lorsque l’affiche du film prône : « Ce sont les armées de la Nuit. Ils sont près de 100.000. Ils sont cinq fois plus nombreux que les flics. Ils pourraient diriger New-York ».
« The Warriors » possède une tension palpable, permanente, prégnante. Sa bande-son est orgasmique. Et sa place dans le 7ème Art et la culture populaire inestimable. Of course, notre Wesley pille parfois dans « Serpico », « Taxi Driver », « Opération Dragon » et la Blaxploitation. Il recycle les bonnes idées comme tant d’autres mais là où certains se contenteraient de remplir le cahier des charges, le scénariste de « Guet-Apens » y apporte véracité et authenticité. Il suffit de voir les clips « Beat It » et « Bad » de Michael Jackson, les bas-fonds de « Bad Lieutenant » d’Abel Ferrara ou la brutalité décomplexée d' »American Nightmare 2: The Anarchy » de James DeMonaco pour y déceler l’héritage d’un film culte et d’un réalisateur, pour le coup, impérial.King? On the Hill!
John Book