En consultant mon fil d’actualité Facebook ce matin, à l’heure du laitier, je vacille à la lecture du post de Jean-Baptiste Pin, le boss du bar-concert Le Galion à Lorient : « Le Galion est prêt à couler, doucement mais sûrement ».
Je me prends à penser que si nos âmes bretonnes et nos esprits du large acceptent la violence des ressacs, celle qui engendre les actes de bravoure et de courage, elles n’aiment pas les lames de fond insidieuses qui annoncent les fortunes de mer.
Voir notre temple underground breton s’éventrer et prendre l’eau de toutes parts, c’est comme pour le titi parisien voir la forêt de Notre-Dame s’embraser inexorablement.
A une nuance près cependant : autant le badaud parisien ne peut qu’assister impuissant et hébété à l’embrasement du joyau historique, autant il ne tient qu’à chacun de nous d’agir pour sauver Le Galion du naufrage. Il en est encore temps. Cela s’appelle « être architecte de sa vie ».
Ne comptez pas sur nous pour flageller et faire porter une quelconque culpabilité judéo-chrétienne sur tel ou tel. Nope. Laissons ça à d’autres. Loin de nous l’idée d’aller hurler avec les loups, de pousser des cris d’orfraies et de bêler avec la masse le couplet du « C’était mieux avant ». Re-nope.
Mais force est de constater que l’époque a changé. L’avènement des réseaux sociaux nous a peu à peu conditionnés sournoisement, encerclés dans son filet internet et la nasse doucement s’est refermée. Une dose léthale au long cours.
Les façons de consommer évoluent. Il est plus facile de commander un livre sur Amazon que d’aller chez le libraire en bas de la rue. Il est plus facile de garder le cul vissé sur son sofa pour consommer une série Netflix, de voyager virtuellement à travers le monde tout en ayant le sentiment de vivre les mêmes émotions « qu’en réel ». Il est plus facile d’enfourner sa pasta-box dans le micro-ondes plutôt que de préparer avec cœur en famille sa propre recette. Il est plus facile de mettre un DVD de musique dans le lecteur que de vivre les émotions d’un live dans un bar-concert en partageant avec d’autres ce bonheur des sons.
C’est comme ça et chacun a bien le droit de faire comme il l’entend mais… « N’attendez pas que les lieux de diffusion et de convivialité indépendants ne soient plus là pour vous plaindre de ne plus pouvoir y aller » s’insurge Bruno du Mondo Bizarro.
Les plus alignés me rétorqueront qu’à ce chaos programmé succédera l’ordre. Et en effet, nous ne mourrons pas à la disparition des bars-concert. « Je me dis que personne n’a demandé à avoir un bar-concert » comme dit Jean-Baptiste.
Alors nous visionnerons nos concerts de musique bien tranquilles de chez nous, le casque virtuel vissé sur la tête, avec un son numérique parfait, sans aucune distorsion, et le manche de la guitare de Pete Ross en 3D à portée de rétine.
Un drone uber-eat connecté à mon Samsung viendra me livrer une préparation culinaire « ready-mix » dont j’aurai pré-enregistré l’assaisonnement au moment de passer ma commande.
Je consommerai tout ça sans effort et ma vie ne sera pas en danger. Bienvenue dans une sorte d’expérience de Milgram collaborationniste à grande échelle, un génocide consumériste, sans effort et sans douleur.
Je ne sais pas vous mais moi, ce monde-là ne me plaît guère, je ne me sens pas aligné avec lui. J’ai une aversion farouche pour la facilité. Je ne suis pas le partisan de la destruction.
Car rien ne remplacera les émotions intenses et la convivialité de nos temples underground… Le Galion, le « Mondo », le Bistro de la Cité, Le Farmer, Le Molotov…
Mais à l’échelle du temps, je veux rester optimiste. Me dire qu’à chaque époque ses résistants et ses Justes, qu’en chaque chaos et adversité naît la solidarité que l’on n’imaginait pas.
Les actes valant plus que les mots, tel un colibri rock, je vais « faire ma part » dès ce soir, en versant mon obole pour que Le Galion reste à flot :
Car désolé mais je ne ferai pas partie des naufrageurs, ces coquins qui amenaient par ruse les navires à s’échouer sur les côtes.
Allez donc boire des coups (avec modération ou pas, à vous de voir) chez JB, allez l’écouter vous conter les concerts des Six Ft Hick et des Plimsouls.
Il ne tient qu’à chacun de nous d’agir, d’être architecte et de sauver nos joyaux historiques du naufrage.
En plus, la programmation du mois est une tuerie :
D. Swampy