Déjà auteur d’une biographie sur Daniel Darc (Daniel Darc : une vie fulgurante, Camion Blanc, 2013) Christophe Deniau conte les quarante années de la vie et carrière de Nick Cave dans Nick Cave, l’ « intranquille » (Castor Astral, 2018). Il lève tous les voiles de sa naissance à 2016 et la sortie de l’album Skeleton Tree, opus hanté par la mort de son fils en 2015.
De ses débuts sur l’île-continent australien à son dernier album Ghosteen (Ghosteen Limited / Bad Seed Ltd 2019) la longévité de la carrière de Nick Cave et de son groupe Nick Cave & The Bad Seeds est impressionnante et passionnante. On y croise ses tragédies mais aussi les périodes plus heureuses comme la brièveté de sa relation amoureuse avec P.J. Harvey, et une vie familiale plus posée avant le drame.
Une enfance très pieuse, où sa voix limitée exaspéra son chef de chœur de chorale. Une scolarité peu brillante, faisant deux avec l’autorité et le travail. Pour fuir un quotidien trop bien ficelé Nick Cave entre en rébellion provocante et révolte fréquente avec de plus en plus d’alcool se sentant à l’écart sans être réellement solitaire. Il écrivait de la poésie matériau à ses paroles futures de chansons puisant son inspiration dans la religion, l’amour, la mort, la violence et la rédemption etc. Il se dirigea vers la peinture et des études d’art séduit par la vie bohème des artistes n’en faisant qu’à sa tête puis délaissa ses études pour se consacrer à la musique. Un premier groupe, The Birthday Party, prend forme à l’adolescence dans l’Australie des années 70 post-coloniale britannique, terre d’immigration et de mise de côté des aborigènes ancestraux. Ombre intime à son cœur, la mort de son père alors qu’il a 19 ans qui donne sens à sa vie artistique et lui fait poursuivre sa carrière de bad boy punk encore juvénile mais original avec style.
Alors que le rock britannique domine en Australie dans les années 1970-1980, la naissance du rock australien, l’oz rock prendra un peu de temps. David Bowie, Kraftwerk, Ultravox, Culture Club monopolisent la nouvelle scène musicale et la guitare-basse-batterie de Nick Cave et son groupe contraste trop avec ces instrumentations électro.
En Australie, la culture était à inventer et tout aspirant à percer dans les arts devait s’expatrier d’abord en Europe ou aux Etats-Unis pour être légitimement (re)connu. Il a beaucoup voyagé et vécu à l’étranger, une source de création pour son blues, punk, new wave et rock teinté de gospel en évolution et thématisant le biblique, le dark, sauvage, morbide et l’amour en musique.
Nick Cave tombe amoureux et se met sérieusement au travail porté par sa première muse compagne. Mais l’interprétation de Nick Cave tel un personnage théâtral de cabaret opéra gothique et leurs intrumentations tapent dans l’œil de labels lors de premiers concerts houleux et le 1er EP essai est transformé en un premier album The Birthday Party en 1980. L’album est remarqué comme le meilleur opus australien depuis Prehistoric Sounds de leur compatriotes The Saints. Première tournée britannique avant d’atteindre le sol américain où le chaos, scandale sauvage qui règnent en scène de leurs concerts est relayé dans le milieu de la scène underground.
Nick Cave, d’ordinaire timide et sensible hors scène, est extraverti sous les projecteurs. Le public se déplace pour la furie et l’excentricité plus que pour la musique et Nick Cave ne veut plus interpréter que ses propres textes. Les mauvaises graines ne sont pas toujours si mauvaises, The Birthday Party se sépare en 1983 pour une union plus durable et stable de Nick Cave à ses Bad Seeds fédéré sous forme de groupe international de rock indé aux Etats-Unis dont le fidèle musicien Mick Harvey.
S’en suivent des années d’errance et d’aisance matérielle lui permettant d’explorer les possibilités de sa créativité liées à la musique mais aussi de laisser aller aux drogues, déboires qui le fait fréquenter les postes de police plus que la scène. Le sevrage se passe très difficilement alors que Nick Cave est oisif au Brésil et qu’il s’imprègne de la notion de saudade portugaise lorsqu’il vivait au Brésil.
A la sortie de la compilation The Best Of , Nick Cave connaît encore des problèmes de dépendances à la l’alcool et aux drogues. Il est rescapé de la vague de décès précoce pré-trentaine (Brian Jones, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Jim Morrison…..) Avec la reconnaissance internationale, il choisit où se produire, il rencontre une de ses icônes musicales Bob Dylan à Glastonbury, mais esseulé il vit seul et se produit seul sur scène sans The Bad Seeds, qui ne tarderont pas à refleurir à nouveau dans les années 1990.
‘’Red Right Hand’’ devient le succès atemporel et international, à la hauteur de l’horreur qu’il suppose, il est intégré à la bande son de X Files en 1995. 1996 Murder Ballads sort avec le mal pour thème. Ce concept album d’histoires sordides contient entre autres le duo chanson-poème avec Kylie Minogue chanteuse compatriote étiquetée pop ‘’Where Wild Roses Grow’’ qui est un jalon dans leurs deux carrières, Kylie gagne une autre image auprès du public.
Les aléas perdurent comme lorsqu’en 2000, l’inspiration lui vient plus difficilement pour No More Shall We Part et son ‘‘Hallelujah’’ en clin d’oreille à Leonard Cohen, une autre de ses icônes, ou en 2002 tournée aux Etats-Unis reportée dû aux attentats de 2001.
Nick Cave & The Bad Seeds reviennent avec leur dernier album Ghosteen (Bad Seeds Ltd, 2019) et leur tournée mondiale, la continuité d’une source intarissable de talent, d’inspiration et de résilience dans la musique.
Van Memento Maury