« Jojo Rabbit » We’ll never stand fascism anymore.

Bon sang que ce parti-pris cinématographique était casse-gueule! Johannes « Jojo Rabbit » Betzler, enfant allemand de 10 ans, est engagé durant les derniers mois de la Seconde Guerre Mondiale dans les jeunesses hitlériennes afin de devenir un « Homme » et un « super-soldat ». Seul hic: pour combler un manque de (re) pères, notre JoJo développe un ami imaginaire capricieux du nom d’ Adolph Hitler (dont l’attitude se rapproche plus du compagnon de jeu écervelé que du despote sanguinaire!). Écartelé entre son désir de devenir « quelqu’un » au sein d’une société dévastée, sa passion pour le 3ème Reich et l’Amour bienveillant d’une Mère activiste et militante, Jojo fera une découverte déterminante qui scellera à tout jamais son avenir.
Je n’avais pas du tout aimé « Thor Ragnarok ». Trop flashy, trop comique. Le réalisateur Taika Waititi semblait s’amuser à déstructurer tout ce qui faisait le sel de cette franchise.  Pas moi. Franchement! Transformer le mythique Asgardien en abruti fini ne collait pas avec l’image débonnaire mais héroïque que j’avais de cet Avenger. Qu’attendre, alors, d’une tragi-comédie historique qui fleurait bon les effets de manches maladroits et les trop bons sentiments? Taiki Waititi allait-il supplanter « La Vie est Belle » de Roberto Begnini dans le film putassier et limite révisionniste?
Et bien non! Aussi incroyable que cela puisse paraitre, le réalisateur néo-zélandais réussit le tour de force d’allier étude psychologique et comédie douce amère sans sombrer dans la facilité ou la débauche lacrymale. Il y a du Wes Anderson (pour la forme et son aspect « théâtre filmé) et du Charlie Chaplin (pour son Humanisme profond ) dans cette ode à l’amitié et à la différence. Il y a surtout une absence de tout manichéisme qui tire ce « Jojo » vers le Haut sans que jamais  nous ne soyons victimes d’un remake « arty » de « Papy fait de la Résistance ».Mais cette proposition insensée en terme de film « tous publics » ne serait rien sans sa distribution de choix.
Taika Waititi assure ses arrières dans cette entreprise périlleuse et s’entoure d’un casting solide. Mieux, il offre à la délicieuse Scarlett Johansson l’un des plus grands rôles de sa carrière. Sam Rockwell (acteur aussi important, à mes yeux, que Christian Bale ou Matthew Mc Conaughey) excelle en Capitaine blessé, blasé et décadent. Et notre réalisateur-acteur-producteur se déchaine dans l’incarnation d’un ersatz de tyran stupide, pathétique et néanmoins inquiétant. Le scénario, bien entendu, est aussi à saluer.  Cette distance permanente entre chronique sociale,  et conte macabre permet au long-métrage de brasser plusieurs genres sans se laisser enfermer dans le « film de guerre » pédagogique ou une relecture bancale du Journal d’Anne Frank. Nous attendions une comédie digne d’un Dino Risi? Tout se finira dans un drame proche de Capra.
Certaines critiques et certains journalistes pointent le manque d’ambition de cette œuvre ( les dégâts collatéraux de la Guerre sont esquissés) ou son aspect « populiste » (fatalement, Taika Waititi enfonce des portes ouvertes en  dénonçant la bêtise crasse des Nazis). D’autres s’offusquent du choix déplacé d’utiliser le Führer comme ressort comique ou un morceau des Beatles pour mieux illustrer la frénésie d’un peuple face à l’ascension d’un dictateur.Pour ma part, j’y ai vu un superbe récit initiatique ( Johannes passera douloureusement de l’enfance à l’adolescence au contact de l’Amour et de la Cruauté) ) doublé d’un pamphlet intelligent contre le racisme et l’antisémitisme ( au final, notre tête blonde, soudain clairvoyant, balancera par la fenêtre ses idées nauséabondes). Un long-métrage qui ne plaira pas à Trump et que bon nombre de collégiens et pré-ados devraient s’empresser de voir afin de mieux comprendre les mécanismes de la manipulation de masse et de la Haine.
Qu’importe, alors, si les moyens utilisés pour brocarder le fascisme rampant s’apparentent, parfois, à une pochade proche du vaudeville!
Pierre Desproges disait:  » On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. »
Dont Acte.

John Book.