[Interviews] INTRUSIVE THOUGHTS – « Dysphorie »

Black-metal, shoegaze et tempête émotionnelle, INTRUSIVE THOUGHTS, dévoile toute son ampleur sonore sur un premier album « Dysphorie ».
Forgé au cœur de l’effervescence musicale de Rouen, le jeune groupe tisse un univers où se mêlent rage cathartique, mélancolie hypnotique et atmosphères abrasives. Entre l’intensité furieuse du sludge, la noirceur introspective du black metal et la sensibilité éthérée du shoegaze, leur musique est remplie de tension suspendue. Porté par une rythmique implacable et des guitares distordues aux textures bruitistes, leur style est proche d’une expérience immersive, à la fois brutale et envoûtante. Avec « Dysphorie », leur premier album signé sur Before Collapse Records, INTRUSIVE THOUGHTS explore les tourments de notre temps, les angoisses, les quêtes existentielles dans une sorte de longue transe introspective, s’inspirant majoritairement de poésies sombres. 10 titres aux esthétiques noises, aux textes hantés qui résonnent tel un cri intérieur, dans une catharsis vive et nécessaire. Pas très loin de We Hate You Please Die et de A Place To Bury Strangers, INTRUSIVE THOUGHTS, nous transporte dans une tornade fissurée d’éclairs flamboyants. Plonger tête la première dans la déferlante « Dysphorie » et cette sublime fureur libératrice.

 

Pouvez vous revenir brièvement sur l’origine de votre groupe ? 
Le groupe s’est formé en novembre 2021, Clément, Audric et Raphaël étaient camarades à l’université de Rouen et ont rencontré Sakina en mangeant un burger végétarien du Crous. Au départ on avait aucune idée de la musique qu’on voulait faire, juste du rock et “on verra”. 

Votre musique est un mélange de sonorités sombres et de paroles introspectives. Quelles sont vos principales influences musicales et littéraires ? 
C’est Sakina qui écrit les textes, et ses influences sont Tyler Joseph (Twenty One Pilots), Lord Byron et Florence and the Machine. De la poésie anglaise dépressive, horny et pop en somme. 

Pour la musique, c’est large, Dysphorie a été composé entre novembre 2021 et juin 2023. A cette époque on devait écouter pas mal Destroy Boys, Amyl and the sniffers, We hate you please Die, Idles, de la pop également, du jazz aussi… 

Mais la on est en 2025, Dysphorie est sorti il y a bientôt 1 an, et entre temps on a plongé dans le noise rock, le noise tout court d’ailleurs, l’hyperpop, le digital hardcore, la jungle, le jazz moderne… pas mal de musiques electroniques en fait. Aucun de nous 4 a les mêmes goûts musicaux, c’est compliqué de synthétiser à quelques groupes. 

La semaine dernière on était à Godspeed You ! Black Emperor par exemple, cette semaine Lambrini Girls et le mois prochain A Place To Bury Strangers. On bouffe plein de concerts et d’albums de plein de styles différents, à voir ce qu’on digère.

Le titre « Dysphorie » est très fort et évocateur. Pourquoi avoir choisi ce titre pour votre premier album et comment reflète-t-il les thèmes abordés ? 
Ça a été un choix de nom très simple. La dysphorie, c’est l’inconfort émotionnel et mental, ça regroupe la tristesse, l’anxiété, l’insatisfaction… c’est littéralement le contraire de “euphorie”. C’est un terme qui est surtout utilisé dans l’expression “dysphorie de genre” = inconfort lié à la perception du genre de son corps. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a appris l’existence de ce mot. On s’est reconnu la dedans, et vu comme c’est difficile d’obtenir un suivi psy on ne doit pas être les seuls à ressentir ces émotions. 

Votre premier album semble être une exploration de l’anxiété, de la dépression et d’autres états d’esprits complexes. Comment votre propre vécu a-t-il influencé l’écriture de ces chansons ? 
On ne s’est pas posé la question “Comment faire ressentir de l’anxiété à travers notre musique ?”, j’imagine que le fait de le vivre au quotidien fait qu’on l’a retranscrit avec justesse … 

Allant de l’électro industrielle au post-punk, comment avez-vous créé cet équilibre entre les différents styles musicaux ? 
Ça n’a pas été simple, et je ne sais pas si on a vraiment trouvé un bon équilibre étant donné que chacun de nous à des influences diverses, on ne s’est posé aucune limite sur les idées de compos. 

Aucun de nous n’avait composé de musique avant, en fait on a juste expérimenté pendant 2 ans, appris à se connaître, et les 10 titres de Dysphorie c’est le meilleur de ce qui en est ressorti.

Fun fact, lors de nos premiers concerts la remarque qui revenait le plus c’était qu’on avait pas su se mettre d’accord sur un style de musique précis et que du coup c’était bizarre / pas ouf. Le public et surtout les pros voulaient absolument nous foutre dans une case précise pour fonctionner mieux commercialement. (On nous a conseillé d’ailleurs la carte de l’indie Pop suite au morceau “The Pill”). 

Or, depuis qu’on a chopé de l’assurance sur scène, qu’on hurle dans les micros et qu’on se défoule en live, bizarrement “ça passe mieux”.  

On avait juste besoin d’avoir confiance en nous et c’est pas les professionnels coincés qui nous l’ont appris, mais le public et nos amis. 

Maintenant on se connaît mieux et on a une idée plus précise de ce qu’on veut être, les prochaines compos seront donc plus assumées. 

Ce qui n’a pas changé, c’est qu’on déteste quand on a l’impression de jouer 2 fois le même morceau, donc on va continuer à explorer. 

Les paroles sont souvent sombres, cinglantes et poétiques. Comment abordez-vous l’écriture des textes et quel message espérez-vous transmettre à votre public ? 
Une partie des paroles a été écrite avant même la création du groupe, la poésie c’est l’exutoire de Sakina. L’onglet note de son téléphone est une mine d’or de poésie. 

L’ autre partie c’est de l’inspiration directe, en suivant le mood des compositions. C’est d’ailleurs le cas sur des morceaux plus neufs, qui ne sont pas encore sortis.

Le message est simple, Fuck la patriarcat, ne pas toujours croire son psychiatre, gardons notre empathie pour les autres, pleurons et aimons nous. 

AH et aussi fuck u I won’t do what you tell meon a pas parlé de Rage Against the Machine mais groooosse inspi commune. 

Vous avez choisi de sortir cet album de manière indépendante. Quels sont les avantages et les défis de cette approche ? 
On a sorti cet album en coproduction avec le label Before Collapse Records. 

L’avantage, on imagine que c’est de garder notre intégrité artistique. En fait on ne se pose pas la question parce que les chances d’être approchés par une major sont quand même quasi nulles. L’indépendance c’est archi cool mais c’est surtout qu’on a pas le choix. 

Les défis hehe… et bien grande surprise (non), y’a pas de thunes ici. Vu la vitesse à laquelle se développe le facsisme dans le monde, soit on réagit collectivement et vite, soit on profite passivement des dernières miettes. Les structures publiques/ indépendantes / passionnées existent encore pour l’instant, mais pour combien de temps ? Si on ne fait rien les seuls concerts auxquels on pourra aller seront à 200 balles la place dans les Zénith. Tout se privatise et ça nous fait peur. 

La vie d’artiste bohème c’est beau, surtout dans les films et les aftermovies de tournées , et on a une chance incroyable de vivre ce qu’on vit à notre échelle. On oublie pas cependant que tout le domaine de la culture, et surtout du spectacle vivant, est un domaine très précaire, pas seulement pour les artistes mais les équipes de production, administration, techniques etc sont

concernées aussi. Il y a beaucoup de monde et on est sur le fil du rasoir. 

Aussi c’est pas parce qu’on est indés qu’on ne s’est pas fait niquer par des mecs véreux qui ont abusés de notre confiance. On ne se fera plus avoir. 

L’artwork de l’album est très particulier et semble refléter l’atmosphère de la musique. Comment avez-vous travaillé avec l’artiste pour créer cette image ? 
L’artwork a été réalisé par l’artiste Marthe Beguin @marthatouille, Il y a eu beaucoup d’allers-retours, en réalité cette pochette est une v3, au début du travail on ne se comprenait pas du tout, il y a eu beaucoup (trop, encore désolé Marthe…) d’allers-retours vains. 

1 semaine avant la grosse deadline, on a tout remis à zéro, brainstorm simple, idées simple : 

Notre musique parle d’humain, on va donc centrer un humain, rien d’autre. 

On veut parler au plus de monde possible, notre humain n’aura donc pas de couleur de peau, pas de genre, rien qui puisse l’identifier. 

Le plot c’était une idée de Marthe, et on l’a gardée tellement on l’a aimée. 

Elle a vraiment été top de nous supporter pendant tout le processus car en fait on ne savait pas ce qu’on voulait au début, on arrivait pas à se mettre d’accord entre nous et du coup on a pas été les meilleurs pour communiquer nos idées brouillons. Au final on est trop content de la pochette et heureusement qu’elle a été patiente.

Quels sont les morceaux de l’album qui vous tiennent le plus à cœur et pourquoi ? 
Noot Noot c’est LE banger de l’album, c’est le morceau dont on ne se lasse pas, il est parfait, goofy, fun à jouer. En live ça rend le public dingue, à Rouen iels connaissent même les paroles et chantent avec nous ! 

Sour, c’est le premier morceau qu’on a composé ensemble. Il a donc une saveur toute particulière, on lui a laissé l’honneur de clôturer Dysphorie. 

Concerto juste parce qu’ il est super fun. (On a failli l’appeler “Etude pour section rythmique saturée en Fa# mineur 210 bpm”.) C’est un de nos potes Raphael Pelloquin (Quid Novi), qui pendant l’enregistrement de l’album avait ramené toutes ses pédales d’effets, ses guitares, et a joué du noise par dessus les couches de grattes. Le son de l’album c’est en partie son matos. 

Quels sont vos projets futurs après la sortie de « Dysphorie » ? 
Etant donné que cette interview est effectuée environ 10 mois après la sortie de l’album, on peut déjà dire qu’on a pas mal tourné pour le défendre, des dates dans toute la Normandie et ailleurs : Nantes, Angers, Paris, Rennes avec des groupes comme La Jungle, Fishtalk, Metro Verlaine, En Attendant Ana, Les Vulves Assassines, Dynamite Shakers 

En décembre 2024 on a sorti un split avec le groupe NUQUE, nommé “Indigophobie“ (la peur du bleu), sur le label Bloody Drop Records. 

Et début avril sortira un double single sur le label digital ALT DSL 

(label de notre structure accompagnatrice, le 106 à Rouen). 

Et on continue d’écrire de la super musique qu’on a hâte de partager au monde !

 

Photo de couv. Charlotte Romer