Le 21 mars 2025, le duo alsacien OUTED, composé de Noémie Chevaux et Fred Tavernier, a dévoilé son troisième album, « Ver de Terre ». Né pendant la pandémie de Covid-19, ce projet artistique fusionne les univers de ses deux membres : elle, comédienne et plasticienne ; lui, musicien et compositeur. Ensemble, ils ont créé une pop française décalée, mêlant guitares funky, claviers vintage et beats électro, le tout porté par des textes poétiques et engagés. Cet opus multicolore a une belle profondeur écologique où la fragilité du vivant est un axe plus qu’implicite, tout en conservant cette touche de fantaisie audacieuse en guise de marque de fabrique séduisante. Avec des titres comme « Manifestive », « C’est fou ! » ou « Les monstres », l’album invite à sonder ce qui se cache sous la surface, à l’image du ver de terre, modeste mais essentiel à l’équilibre de notre écosystème.
Dans cette interview, OUTED partage les coulisses de la création de cet opus, leurs inspirations et leur vision d’un monde à réinventer.
Comment décririez-vous l’univers sonore de votre 3e album « VER DE TERRE » ?
OUTED c’est de la pop fertile, piquante et allumée du bulbe ! Mais si on veut faire plus simple, on peut dire que notre musique est une pop décalée et engagée… et chantée en français.
Aviez-vous une ligne directrice bien précise dès le départ ?
Oui clairement. Elle pourrait se résumer par « Follow your bliss » qu’on pourrait traduire par « Suis ton cœur, fais les choses qui te font du bien ».
Par contre en ce qui concerne la méthode pour suivre cette ligne, on peut dire qu’elle a doucement évolué au fil des 3 albums.
Depuis le début, l’idée est d’aborder les sujets qui nous chatouillent, nous grattouillent ou nous font vibrer en mettant la musique au service du texte.
Mais on s’est rendu compte au fur et à mesure de nos albums que la « dureté » toute relative de certains de nos textes avait tendance à polariser notre audience de manière très forte.
De ce fait, avec ce troisième album on avait envie de continuer de dire ce que nous avions envie de dire à notre manière mais en allant beaucoup plus sur le terrain d’une pop débridée et contrastée qui nous ressemble, histoire de faciliter le passage de la pilule et peut-être de toucher ainsi plus de monde. C’est aussi la raison pour laquelle on aborde certains thèmes avec humour et second degré parfois.
Ecologie, réseaux sociaux et société à la dérive, plus que symboliquement vos chansons ne cachent pas vos opinions. Est-ce que « VER DE TERRE » est aussi une forme de manifeste musical ?
Complètement. On le dit dans notre chanson « C’est Fou ! Comme tout le monde s’en fout » ! A force d’être dilué dans des océans d’informations futiles, à devoir démêler le vrai du faux à longueur de journée, une grande partie des gens n’a simplement plus l’envie et l’énergie pour, ne serait-ce que s’intéresser aux sujets de fond. Alors de là à y investir du temps… !
Avec cet album nous tentons humblement de faire réagir en rappelant qu’à trop se détacher des choses, on risque de se réveiller un matin avec un goût très amer dans la bouche.
On est des activistes à notre manière et oui, écrire des chansons c’est notre moyen d’expression et d’essayer d’entrer en résistance poétique, de faire réagir le monde et d’activer le « mode communication » avec le public, en toute conscience, avec bienveillance, pour rêver ensemble un autre monde et aller un peu sous la surface des choses. Mais surtout de partager ça avec eux dans une énergie positive, légère et fun. C’est ce qui donne notre côté décalé !
Comment avez-vous travaillé pour la conception et la production de l’album ?
Nous avons travaillé en grande partie dans notre studio à la campagne. Nous avons travaillé une quinzaine de textes pour leur résonance dans la société actuelle et notre sensibilité du moment, puis nous avons composé des premières maquettes. Christophe Pulon, le réalisateur avec lequel nous avons décidé de travailler sur cet album, nous a aidé rapidement à choisir et travailler les titres afin d’être les plus cohérents avec qui nous sommes et l’énergie que nous avons envie de transmettre. On a vraiment travaillé sur ce nouvel album pour sortir de nos retranchements, se lâcher dans certains domaines où nous restions trop prudents, trop gentils.
Et puis après les maquettes, l’enregistrement final se fait en studio, avec les musiciens avec lesquels nous travaillons depuis longtemps : Franck Bedez à la basse, Sébastien Hoog pour le solo de Manifestive et Cédric Machi à la batterie. Pour ce qui est de la production, nous avons tout fait nous même en utilisant les ressources de notre label, l’association Try & Dye : de la pochette ( à l’aide de l’IA et des photos de Nis&For ) à la gestion de la fabrication du vinyle ( 100% recyclé ), la promo, etc. On est des vrais Barbapapa : on se transforme à volonté en fonction des besoins du projet, mais c’est vrai qu’après trois albums d’OUTED ( et même près d’une dizaine pour Fred ! ), on commence à avoir l’habitude…
Depuis le début de votre duo OUTED votre approche de la musique a-t-elle changé ?
Oui on peut dire cela. Le premier album, LA MATRICE DU CHAOS, était quasi déjà existant quand nous avons créé OUTED ensemble en mars 2020 en plein COVID. Au départ, cela devait être le deuxième album perso de Fred sur lequel Noémie a rajouté ses voix à la création du duo. Dès le second album du groupe, ONDES DE GRAVITÉ, elle a apporté sa touche lumineuse et son univers foisonnant aussi bien dans les textes très sombres de Fred mais aussi en imprégnant la musique de ses envies et de ses attentes. Pour VER DE TERRE, la fusion a démarré dès l’écriture, le choix des titres et la direction artistique. Et même si Noémie n’est pas musicienne, la musique a été travaillée en duo aussi car elle partage ses envies et ses délires avec son langage ( que Fred décode ) et prop-ose justement des chemins de traverse créatifs qu’on a adoré explorer !
Quelles sont vos influences majeures, autant musicales qu’extra-musicales ?
Nos influences sont diverses et variées et en plus nous sommes deux curieux. Nous aimons le fantastique, le surréalisme, le bizarre, le non-conforme. En musique, nous écoutons de tout avec des préférences pour les choses bien écrites et riches. Cela peut aller du classique, des BO, au métal mais toujours avec une préférence pour les artistes qui ont un vrai univers sincère. Idem dans les autres formes d’art, on aime la créativité authentique et débridée. On adore le cinéma dont on est de gros consommateurs ( notamment le cinéma d’animation ), la littérature aussi et bien évidemment l’art vu que Noémie s’exprime aussi en tant qu’artiste plasticienne : elle est fortement inspirée par l’univers scientifique et une curiosité sans limites pour explorer le visible et l’invisible.
Graphiquement et visuellement dans vos clip vous avez une vraie fantaisie plutôt jouissive. Comment créez- vous votre style si reconnaissable ?
Noémie est plasticienne, elle a donc un rapport à l’image et au visuel très fort. Et Fred est depuis toujours passionné par le cinéma, la BD, le jeu vidéo et les arts graphiques en général. Puis on travaille si possible avec des réalisateurs dans le même état d’esprit que nous, qui ont leur univers et qui accrochent au notre, comme Mathieu Maillefer pour les deux derniers clips.
On picore tous des inspirations à droite à gauche, on est nourrit par des créatifs et des créations qui nous ont touchées ( Michel Gondry, Jean-Christophe Averty, Ray Harryhausen, Tim Burton, Alain Chabat, Robin Williams, Saint-Vincent, Björk, les Rita Mitsouko etc etc etc ! La liste pourrait être super longue ! ) On laisse infuser, on se laisse surtout la liberté de créer, de s’amuser ! Puis on cultive, on arrose et quand c’est monté en graine, on mélange tous nos petits grains de folie respectifs, et cela donne effectivement des choses parfois bien perchées mais qui nous ressemblent complètement. Et tant mieux si c’est jouissif !
-Mélodies hyper-vitaminées pleines de fantaisie c’est votre marque de fabrique. Avez-vous une recette secrète ?
On en revient au plaisir. On fait des albums qu’on aurait envie d’écouter tout simplement. On pioche dans des centaines de textes en fonction de ce que nous avons envie de dire ou de partager. On compose toujours sur une base organique réelle avec en ligne de mire l’envie d’avoir des refrains qui percutent et qu’on aura envie de chanter sur scène. On travaille ensuite pour que nos voix se complètent et/ou se répondent. Et on a effectivement pris le parti de faire un album avec des titres globalement plutôt rythmés et pêchus !
Mais on essaye surtout de ne pas se brider en terme de créativité et de folie. Même les musiciens avec lesquels on travaille, on aime leur laisser de l’espace pour créer, enrichir avec leurs idées. On est très attaché à cette liberté de ton, autant dans les textes que dans la musique. Ce qui nous permet d’aller toujours plus loin et de créer notre univers.
On est comme on est : libres, sincères et un peu perchés. Il n’y aucune raison de ne pas mettre cela dans nos chansons. Mais plus que tout, on ne fait surtout pas ce que l’on attend de nous, on fait les choses comme on en a envie, avec toujours la recherche du plaisir comme objectif. Un ami à nous dit toujours qu’en musique il faut les 3 P, Plaisir, Potes, Pognon, et qu’un ratio de 2 sur 3 de ces éléments est amplement suffisant pour avancer… Le Pognon n’est plus trop d’actualité pour les self-made-groupes émergents aujourd’hui mais heureusement on est à 100% dans les deux autres P, et ce ne sont ni les textes, ni la créativité qui manquent.
-Comment vivez-vous votre indépendance dans l’industrie musicale de plus en plus déshumanisée ?
On fait avec ! Fred connaît très bien ce milieu et on a beaucoup travaillé pour construire un environnement de qualité autour de projet avec une super équipe, management, booking, édition, attaché de presse, distribution… On pense qu’on démontre ainsi qu’on peut très bien être à la fois, indépendant et, très bien entouré par ailleurs. Indépendant ne veut pas dire seul au monde face aux éléments ! Nous mettons l’humain au centre de nos relations, donc on part du principe que les gens qui ne veulent pas échanger avec nous, nous programmer ou nous écouter, ne font pas ( encore ? ) partie de notre sphère. Et ce n’est pas grave, il y a aujourd’hui des personnes qui, au contraire, souhaitent nous voir, nous écouter et nous supporter, alors autant leur consacrer toute notre énergie.
Une tournée est-elle dans les tuyaux ?
Oh oui et on a tellement hâte de démarrer tout ça. Elle va se faire en deux parties avec quelques concerts avant la rentrée, des showcases, des petits festivals. Mais la grande partie des concerts arrivera à partir de septembre, avec des belles premières parties ( Barbara Carlotti par exemple ), des dates dans notre région mais aussi ailleurs en France grâce au travail de notre bookeuse.
On est très heureux et impatient de jouer le set qu’on a travaillé avec cette fois Cédric, notre batteur, qui est avec nous sur scène : cela rajoute à l’énergie qu’on partage avec le public pour son plus grand plaisir on l’espère ! Et puis on a aussi peaufiné encore un peu plus le son avec Christophe Pulon et la lumière avec Augustin Pont pour pouvoir offrir une expérience Live la plus au top possible.
On annoncera les dates de tournée au cours des prochains mois mais on se laisse le temps. C’est ça aussi être indépendant : faire les choses peut-être plus lentement mais sûrement !
-Quels sont vos rêves ou projets à venir, après ?
Nos rêves… Que les Hommes prennent enfin au sérieux la fragilité du vivant sur cette planète et que tout soit fait de manière convergente pour le préserver. Et si possible avant qu’ils n’en aient plus le choix ! Sinon de manière moins utopique, au niveau de nos projets : défendre ce super album auquel nous croyons à fond, le partager avec un maximum de personnes, rencontrer, échanger, collaborer avec d’autres artistes, faire un maximum de concerts, participer à des projets qui ont du sens et parallèlement, continuer de toujours créer et travailler sur la suite en se faisant plaisir avant tout.
Photo de couv. NIS&FOR