« DOCTOR SLEEP ». LET’S GO TO BED.

Dans le cœur de tous les rockeurs-cinéphiles vivent deux Kings : Stephen et Elvis. L’un, regard perçant caché sous d’épaisses binocles, demeure l’écrivain le plus doué en matière de récits horrifiques et l’Autre fut un Dieu vivant dont le passage sur Terre fut immortalisé via une émission de TV (Comeback 68) et des millions de disques vendus.

Quel rapport entre les deux allez-vous me rétorquer ? Et bien ces deux Rois partagent (ou ont partagé) le même Amour pour la musique amplifiée et les guitares électriques qui hurlent leur désespoir. Les standards de la musique noire américaine et les histoires d’amour tourmentées. Stephen et Elvis. Deux icônes de la pop culture. L’un bien vivant, quoi qu’appréciant et fricotant avec les zombies. L’autre mort, mais brûlant d’un feu inassouvi dans l’âme de ses fans. Mélange détonnant que ce couple qui ne dénote pourtant pas dans mon panthéon personnel. Mieux, ces deux briscards se répondent souvent par la grâce d’une mini-chaîne en sourdine et d’une lecture tardive et compulsive. Je ne vous ferai pas l’affront de vous énumérer le nombre de classiques entendus dans nombre d’adaptations du Maître de l’épouvante ou de paroles cultes annotées en préface de ses ouvrages. Du (Castle) Rock, mec. Furieuse litanie. Chant d’amour et de révolte transperçant les cieux indomptés et nous montrant la Voie ! Elvis et Stephen ! Cujo, la gueule pleine de Carrie. Hound Dog ! Maximum -overdrive !  Plongés dans l’obscurité, nous sommes guidés par leur lumière, qu’elle soit d’ordre divine ou sépulcrale et nous nous rassasions de leur nourriture céleste.

Quelle ne fut donc pas ma grande surprise de découvrir en pré-production une adaptation cinématographique de « Doctor Sleep », suite directe de « Shining » avec l’immense Ewan Mac Gregor dans le rôle -titre ?! Putain ! Cela promettait du souffre et des électrochocs dans les salles obscures !

A l’issue d’une projection bien matinale, ma déception est de taille…

Mike Flanagan (réalisateur de « The Mirror » et « Ouija ») n’est pas Stanley Kubrick et, fort conscient de cette comparaison inévitable, ne marche pas sur les plates-bandes du Mentor. Il le plagie seulement au détour de quelques plans manipulateurs. En ce sens, le premier quart d’heure de « Doctor Sleep » vous ensorcelle, tant le climat distillé rejoint la science mathématique de Big Stan. Puis, mec, c’est la catastrophe. Cette suite peine à prendre son envol, manque cruellement de rythme (un comble pour un réalisateur-monteur !) et se dilue dans une course-poursuite digne de « Firestarter ».

Le combat entre les forces du Bien et du Mal fait peine à voir et le duel final est pompé sur celui, ô combien plus dérangeant, de « Scanners ». Nous voyons défiler devant nos yeux ébahis une suite de clichés sans surprise, un scénario brodé sur un canevas digne d’un dimanche après-midi sur NRJ12.

Enfin, que dire du casting et de cette sorcière chapeautée (et new-age) au jeu proche d’une huître ?

Steven Spielberg avait rendu un hommage appuyé au Génie dans son généreux « Ready Player One ». Mike Flanagan ne fait que profiter d’une « franchise » pour plaquer ses idées de série B.

On attend beaucoup d’une suite d’un chef-d’œuvre. Ici, mec, on attend longtemps. Vainement.

Reste Ewan Mac Gregor, toujours aussi brillant dans son jeu, qui a l’élégance de nous faire passer deux heures trente sans trop broncher. Cet acteur peut tout jouer et, surtout, sauver un long-métrage de par sa présence et son charisme naturel (souvenez-vous d’ »Une vie moins ordinaire » de Danny Boyle !).

Le seul apport rock et sexy à cette production sans saveur, c’est lui.

Manquant cruellement d’ampleur, d’ambition et peu effrayant, « Doctor Sleep » est un film pas du tout culotté.

John Book.