Des mélodies limpides et une écriture maîtrisée, dans un flow folk sensible, Claire days cache sous une timide apparence, une recherche de sens et des résonances justes. Et si avec elle le folk en perd ces frontières, c’est pour mieux en trouver le rythme battant. Dans une forme de mélancolie crépusculaire, sombre et sobre, entre les lignes son indépendance devient électrisante, à l’image de son 1er album “Emotional territory” où l’alternance de frissons luxuriants et parties orchestrales dépouillées nous enveloppe d’un doux voile de soie aux reflets changeant. Entre ombre et lumière, Claire éprouve et dévoile les secrets d’une terre émotionnelle étourdissante.
– Après tes deux premiers EP, c’est avec un album (10 titres) que tu fais le choix de revenir. Est-ce que, désormais, tu te sens plus à l’aise pour t’exprimer musicalement en grand format ?
J’avais envie de faire un album parce que j’aime les albums. On y passe du temps, en tant que créateur mais aussi en tant qu’auditeur. Quand j’écoute un album pour la première fois, j’adore me dire que j’écoute le premier morceau et qu’il y en a 10 ou 12 derrière. Je sais que l’écoute va être longue, qu’elle va m’emmener loin. J’avais beaucoup de chansons et je voulais travailler en profondeur. Cela dit, je ne sais pas si on peut se sentir “à l’aise” quand on fait un album… Il faut tenir sur la durée ! Et accepter de n’être pas sûr d’où aller parfois. Pour moi ça a été beaucoup de petits pas en avant, suivis de grands pas en arrière et ainsi de suite. Finalement, on a réussi à mettre 10 chansons sur un même objet.
– Et comment décrirais- tu ton évolution artistique ?
En cours ! Toujours en cours.
– Est-ce que dans cet exercice tu as dû dépasser tes limites ?
Dans l’exercice de l’album ? Oui. J’ai fait quelque chose que je n’avais jamais fait ! Artistiquement, techniquement… Alors forcément, on doit aller plus loin, ailleurs, différemment. Il faut trouver sa méthode. On découvre même certaines limites qu’on ne soupçonnait pas. J’ai été obligée d’apprendre à me faire confiance, et à faire confiance aux personnes avec lesquelles j’ai travaillé. C’est venu en faisant, par à-coup. Et j’ai aussi appris à gérer un enregistrement morcelé, progressif, délocalisé (tout a été enregistré chez les uns et chez les autres, dans des bedroom/home studios entre Lyon, Beaujeu, Corbeil Essonnes et Berlin, sur une année).
– Comment l’as-tu vécu ?
Comme une expérience déroutante. Emotional territory a été créé et enregistré sur 2020 et 2021, années mouvementées où il a fallu trouver son propre rythme et une nouvelle façon de travailler à distance.
Beaucoup de très belles choses, dont la rencontre et la collaboration avec Fink que j’admirais artistiquement depuis longtemps.
Je vais commencer par la fin : j’ai ressenti une grande fierté, une grande émotion en terminant l’album, fin août 2021. C’est “Watch me turn” que j’ai enregistré en dernier, seule et tranquille dans mon appart à Lyon. Fin (Fink) a ajouté des chœurs que je trouve sublimes, puis Rémy Kaprielan (mon batteur) a posé une batterie en toute dernière minute. J’étais soulagée que l’album soit terminé, derrière moi. Et j’étais fière – un an après, je le suis toujours.
Mais en chemin, j’ai voulu arrêter plusieurs fois ! Je trouve toujours super d’écrire et d’enregistrer de la musique et de chercher des sons et des sensations. Je trouve plus difficile de faire face aux montagnes russes du doute et de l’indécision.
– Emotional territory semble être dans une démarche introspective nostalgique ? L’introspection et la nostalgie font-elles partie d’un état d’esprit naturel ?
OUI. Elles font partie de mon rapport au temps et à moi-même, dans la vie et dans la création.
– Dans cet opus, tu montres une volonté particulière à marquer ton identité folk. Entre affirmation musicale et détermination artistique, qu’est-ce qui te fait sentir plus forte aujourd’hui ?
Je pense que mon identité folk existe malgré moi… ! Que je le veuille ou non. Quand je crée, je crée une musique qui sonne comme ça et quand on l’enregistre, même si bien sûr il y a des choix esthétiques plus ou moins conscients, elle sonne comme ça.
C’est faire qui me rend plus forte aujourd’hui. Faire, refaire, faire.
– Et quelles sont tes sources d’inspirations ?
Les mots dans les livres, les albums d’artistes que j’aime, les films, les phrases qu’on me dit ou que je dis, les phrases que je n’arrive pas à dire, les longues conversations que j’ai ou que j’aimerais avoir.
– Il y des thèmes récurant dans tes chansons tel que le romantisme, la mélancolie, la sensualité aussi. Quel message voudrais-tu que les personnes retiennent en t’écoutant ?
Je veux faire passer de la musique, avant tout ! De l’émotion, la mienne d’abord et celle que je sens chez les autres aussi. Je veux faire passer des mélodies parce que quand on chantonne, on est très vivants. Je tiens à être sincère dans mes mots, mais je crois que je ne brandis pas de message.
Par contre, si je peux faire passer un message ici, hop j’en profite : soutenons les artistes qu’on aime, allons voir des concerts dans des petites salles et ouvrons les yeux les oreilles sur le nouveau, l’étrange, le pas connu, le mal connu. Soyons curieux.
Crédit photo / pochette : Aurélie Raidron
Clip “My sister” réalisé par Cyrielle Formaz
Claire days – Emotional territory – le 28 octobre 2022