Avec Septembre Ardent, Nosfell, Donia Berriri, Valentin Mussou et Jean-Brice Godet signent une œuvre singulière à la croisée du récit, du témoignage, de la transe et de la recherche sonore. Inspiré par Dry September de William Faulkner, ce premier album interroge les ravages de la rumeur et la mémoire d’un monde en dérive, à travers une forme hybride mêlant chansons, post-rock, poésies en français et en arabe, dialogues et pièces instrumentales.
Au cœur de leur démarche, la nouvelle Dry September (1931) du romancier américain William Faulkner, un texte bref et implacable où, dans une petite ville du Mississippi, la rumeur d’un viol non avéré déclenche un lynchage. Faulkner y dissèque les mécanismes de la violence collective, de la masculinité blessée et du racisme ordinaire, dans un huis clos brûlant. Cette matière dramatique et politique devient pour Septembre Ardent un miroir symbolique, transposé dans un espace désertique et intemporel : un théâtre intérieur où la question de la vérité, du témoignage et de la mémoire s’entrelacent. Là où Faulkner observe la décomposition morale d’une société, le quatuor réinvente ou plutôt révèle la réminiscence d’un chaos contemporain, une autre approche pour dire la rumeur assassine, la violence de l’injustice et la perte de repaire humaniste.
Le quatuor, réuni autour de l’énergie polymorphe de Nosfell, fait de la fiction un terrain d’expérimentation. Berriri, issue de la pop et des musiques arabes contemporaines, sculpte des harmonies mouvantes où la voix devient une vraie matière vibrante. Mussou, violoncelliste nourri de collaborations avec Woodkid ou Anthony Braxton, insuffle une densité organique. Godet, clarinettiste aux affinités avec le jazz libre et la performance scénique, travaille la texture du souffle et du grain.
Cette fresque sonore dense et narrative, entre onirisme et tension dramatique où les timbres s’y répondent comme des éclats de mémoire, les rythmes s’étirent, se disloquent, se reforment en boucles lancinantes. La voix de Nosfell, toujours aussi captivante, se déploie en langues mêlées, soutenue par celle de Donia Berriri, lumineuse, un dialogue d’ombres subtiles aux nuances multiples.
En studio, les quatre musiciens privilégient une approche de composition collective avec un enregistrement en prise directe, des superpositions minimales, et une exploration sensorielle comme autant de gestes dramaturgiques bouleversants. On y perçoit des réminiscences de Laurie Anderson, de Meredith Monk ou du Trio Joubran, mais aussi une narration proche du théâtre musical et de la poésie sonore.
Septembre Ardent se vit comme une performance, une traversée intime entre la chanson et le poème, entre la chaleur du réel et la fièvre du mythe. Une œuvre ardente, exigeante et sensuelle, qui confirme que certaines musiques se respirent, autant qu’elles s’éprouvent.
Photo de couv. Jean-Pascal Retel



