Si comme nous, vous avez déjà ressenti un profond sentiment de fusion énergétique en écoutant la psyché rock poétique de Ceylon, vous n’êtes pas sans pouvoir imaginer cet esprit vibrant aux multiples couleurs, que l’on peut vivre en leur présence. Et si ce n’est pas encore le cas, il est grand temps de vous y frotter. Et ainsi vous saurez combien c’est envoûtant. Preuve en était encore lors de leur passage devant le public exigeant de L’Ubu, dans le cadre des Trans Musicales. Qui était visiblement conquis. Au lendemain de leur passage, sur cette fameuse scène, nous avons rencontré Louise et Tristan, pour qu’ils nous devoilent quelques-uns de leurs secrets de créations…
Comment définiriez vous l’ADN de CEYLON ?
Louise : L’ADN de CEYLON vient inévitablement, dans un premier temps des 5 individus qui forment le groupe. On aime tous des styles de musiques très différentes, nous sommes tous autant influencés par le rock, le rap, le funk, qui se mélangent… C’est cela qui donne l’ADN de la musique de Ceylon.
Tristan : Et puis il y a aussi l’amour de jouer ensemble. Dans le fait de se réunir, il y a véritablement le développement énergétique de notre musique, c’est un moyen de communication entre nous et avec les autres, au-delà de ce qui se passe sous le premier degré de lecture, le partage forme notre ADN commun…
Il y a quelque chose de très communicatif, de très expressif dans votre prestation scénique. C’est quelque chose que vous avez développé, ou ça fait partie de vous ?
Tristan : Les deux je pense. Cela faisait partie de nous, et on l’a ensuite développé pour que ca le fasse de plus en plus. Donc il y a des choses qui se révèlent à l’intérieur de nous, on en parle, on le détecte de façon instinctive, et après on le travaille. Comme le fait qu’on ait eu envie de chanter, de jouer des instruments…
Louise : Je pense que le terme « expressivité » va très bien avec notre projet, parce qu’on peut donner une expression avec le corps, l’ouïe, en tout cas la musique. Je viens de la danse et du théâtre, avec la musique ces trois pools se rassemblent sur scène, ce qu’on peut moins donner quand on écoute juste l’album, sur scène on le donne, on le vit, on le voit, on l’entend. Et là, l’expressivité prend tout son sens.
Avec une notion très corporelle aussi ?
Louise : Nous, on ne se voit jamais, mais en tout cas, la danse, le langage corporel est très important. La musique passe par l’intérieur, on la ressent partout, ce n’est pas juste un visage : c’est tout le corps qui parle.
Dans la façon dont vous travaillez ensemble il y a la musique, et aussi l’écriture qui tend vers de la poésie, ou une forme de littérature avancée. Comment ça se passe ?
Louise : J’écris beaucoup en français. J’écrivais plus sur l’anglais avant. Maintenant je suis même addict à la richesse de la langue française ! On écrit chacun nos textes, Tristan chante ses textes, moi je chante les miens et on se retrouve en chantant ensemble aussi. Mais on aime autant la musique que le théâtre ou le cinéma, donc il y a une notion du dialogue qui est très ancrée dans ces arts-là.
Tristan : J’écris en anglais, ensuite je chante chez moi en français, mais c’est dans la musicalité. Comme utiliser, jouer de la guitare plutôt qu’un piano, pour moi c’est de cet ordre là. La musique en soit c’est déjà un langage qui est un peu abstrait, bien que par moments elle fasse bouger le corps comme le disait Louise, qui n’est pas si abstrait : d’avoir une réaction physique avec quelque chose c’est instantané, c’est assez paradoxal dans le sens positif, et vertueux. Parfois c’est la musique qui va m’amener à un texte, d’autres fois j’ai un texte qui traîne et je vais mettre une musique dessus. Je n’ai pas vraiment l’impression qu’il y ait besoin d’un ordre créatif. Il y a un endroit où l’on se retrouve, mais on n’y arrive pas toujours par le même chemin. Cela dépend de ce que l’on vit, et de ce que les autres vivent aussi, parce qu’il y a aussi les gens qui reçoivent. Le texte a toujours une place dans la musique, c’est lié.
Les propos que vous défendez, car vos textes ont un sens, il y a une volonté de mettre en avant un état d’esprit, un état d’être. Cela vient de quoi ?
Louise : Cela parle beaucoup d’amour. L’amour est autant joie que tristesse, il me semble. J’aime explorer les différentes facettes du mot Amour. Ça peut être très dur parfois. Il y a vraiment différentes couleurs, différentes manières de dire les choses pour transmettre un message. Comme dans un film, où l’on peut mettre ici et là des indices dans un décor abstrait pour que les gens puissent mieux déceler avec du recul ce que l’ont veut exprimer. De prime abord on ne se rend pas toujours compte de ce que l’on dit, dans nos chansons, même si on aimerait parfois, cela reste subjectif. Avec une sensualité certaine.
Il me semble qu’il y ait aussi une certaine forme de fraternité dans vos textes ?
Tristan : Bon est déjà un groupe ! C’est ça qui nous donne envie de lier les individus et qui nous forme les uns avec les autres.
Louise : Et puis la vie sur terre, au-delà de la vie humaine sont faites de décisions que nous prenons dans la société, il faut toujours vivre avec cela, que cela soit bon ou mauvais, positif ou négatif. Mais qu’on le veuille ou non, on vit avec les uns et les autres; même quand on vit reclus dans la nature on vit avec la vie en fait. Nous sommes tous là et unis.
Vous avez joué pour les TransMusicales. ça vous a fait quoi ?
Louise : On l’attendait depuis longtemps. C’est un festival que j’aime depuis longtemps. C’est très rare autant d’éclectisme et de projets hors-format qui sont mis en avant ensemble… Et là, ça exprime une liberté incroyable, avec la découverte de plein d’autres groupes aussi. C’est un vrai régal de découvrir autant de choses.
Tristan : Pour nous c’était LE festival où il fallait qu’on joue, et on était super honorés qu’on nous appelle pour y jouer. Le vivre c’était dingue. Le public était super. Dans la musique live on ne le dit jamais assez, les gens viennent souvent nous dire merci, mais c’est nous qui les remercions d’être là, surtout lorsque ça match autant, on arrive à sentir leur énergie… C’était très agréable, avec du répondant direct. Il y avait quelque chose d’assez brut…
La salle de l’Ubu est magnifique aussi, je n’avais jamais vu une salle comme ça ! Le son est magnifique et la forme de la salle est originale, très belle. j’ai adoré !
Photos du concert de CEYLON aux Trans-Musicales par Annick Fidji ici
Entretien Stéphane Perraux – Retranscription Anne-Marie Léraud pour Lust4live.