Behemoth

Une première pour une salle musicale qui est consacrée historiquement à la musique classique et contemporaine, La Philharmonie de Paris accueille en complément de l’exposition “Diabolus In Musica” le groupe de black métal Polonais “Behemoth” ce mardi 30 avril 2024.

Blasphème total pour certains amateurs et musicologues classiques : “Mais pourquoi un tel groupe dans un lieu aussi sacré ? C’est un blasphème pour nos oreilles, il y a des salles pour ce genre de musique !” Mais oui, mon brave monsieur, c’est exactement le sujet. Oui, le Black Métal en général parle de la religion ( et de toutes les religions) et du droit au blasphème. Le groupe Behemoth en est le représentant le plus conscient. 

Oui, tous les artifices du black métal sont réunis : maquillage,  iconographie médiévale, références au diable, flammes, crucifix à l’envers, Mitre et appels aux blasphèmes. Choquant ? Un peu de recul, voyons, Alice Cooper l’était aussi, il y a 50 ans, non ? C’est du rock, de la musique, de l’art point barre. La philosophie du black métal est empreinte de libre arbitre. Laissons ici de côté les aspects nauséabonds présents dans le mouvement, sans l’occulter, car c’est aussi une réalité.

Concentrons nous sur le quatuor Behemoth durant une soirée.

Il en reste, au final, la liberté d’expression, le droit d’être libre de ne pas croire en une Église qui a trahi le message originel d’une foi ( croyance ? ) qui se veut tolérante et aimante ? Message corrompu par les hommes avides de pouvoir. Pas besoin d’une religion qui dirait que je dois aimer. Les artistes sont là pour l’exprimer, la colère aidant à créer plutôt que de détruire.

Ce soir, rien ne sera laissé au hasard, les ténèbres vont conquérir la salle pour notre plus grand plaisir.

 

 

Crédit photo : Philharmonie de Paris
Behemoth – crédit photo site officiel

Conquer All

Crédit Photographie : Philharmonie de Paris
Dés les premières minutes, le ton du live est donné, il sera visuellement implacable !
Levé de rideau sur une salle acquise à la cause !

Blasphème harmonie

Un public compact et impatient, une intro qui annonce le rituel du partage. “Ceci est mon corps, ceci est une setlist de dingue !

“Ora Pro Nobis Lucifer” ouvre le concert et personne ne sera épargné : violence des riffs, prise de position scénique par le groupe. Pour reprendre les paroles du titre : « For Thine is the kingdom !

La suite des festivités est hallucinante, les titres iconiques de tous les albums seront de la partie. Ce soir, ce concert spécial sera aussi l’occasion pour le groupe d’interpréter en live, le 1er titre qui à été écrit trois décennies après sa création. Le sourire de Nergal annonçant l’offrande est sincère et vivant. Effectivement, le mouvement musical a déjà 30 ans, initié par des groupes comme par exemple Bathory et la scène nordique en général. Votre serviteur étant né avant 1991, je confirme l’importance du mouvement black métal et son apparition dans les médias ( souvenez-vous du magazine Metallian – gratos ! ) et son importance et ses influences de nos jours.

Revenons à nos musiciens.

Orion, le bassiste, tient le show d’une main ferme et sa carrure impose le respect : il est ici pour ruiner tous les espoirs d’un lendemain meilleur pour les bassistes de “jazz”, adeptes de “slap”, double croche en triolet ! Ici, c’est le tartare des cordes. Simple et efficace !

Musicalement, le quatuor de l’enfer, assure le show sans problème, avec une mention spéciale au batteur Inferno, qui durant plus d’une heure et quarante minutes prouve encore une fois, que c’est l’un des meilleurs batteurs du genre. Le positionnement de la caméra au-dessus de lui vous permettra d’apprécier le talent.

Seth, quant à lui, impose son style et délivre une prestation incroyable de maitrise en sans compromis ! Sa partie de guitare rythmique sur le titre Chant for Eschaton 2000 “ de l’album Satanica (1999) est juste une ode au “headbanging”, j’ai encore des frissons à y penser.

Nergal, front-man et compositeur principal du groupe, n’hésite pas à pousser les limites de la prestation, incluant toute une cérémonie faisant appel aux éléments du genre : scénographie des titres, jeux de lumière, vidéos et effets pyrotechniques ( qui se faisaient ressentir même au 4e balcon !). Le décorum du concert est à la hauteur des prétentions du lieu : cela doit être grand, sans compromis pour tous les auditeurs.

Ce fut le cas.

Les temps de pause entre certains titres, permettent de prendre de la distance et d’apprécier la scène et l’ambiance dans la Philharmonie et préfigurent la tempête qui va se déchainer sur le titre suivant, comme par exemple avec ” Christians to the lions”. Un régal. Le live se termine comme depuis plusieurs années avec le titre O Father O Satan O Sun !” issu de l’album “The Satanist”  qui termine de manière impressionnante les 1 h 40 de concert.

Dieu n’existe plus. Il est ici réduit à sa simple supposition : “Je pense, donc je suis”.

Le sourire sur les visages, à la scène et dans la foule confirment que le moment était important autant dans l’histoire du genre, du lieu, que dans les cœurs des amateurs de musique.

SET LIST

  • Once Upon A Pale Horse
  • Ora Pro Nobis Lucifer
  • Demigod
  • Conquer All
  • Ov Fire and the Void
  • From the Pagan Vastlands
  • Cursed Angel of Doom
  • Lasy Pomorza
  • Chwała mordercom Wojciecha
  • Messe Noire
  • No Sympathy for Fools
  • Bartzabel
  • Decade of Therion
  • Versvs Christvs
  • Christians to the Lions
  • At the Left Hand ov God
  • Chant for Eschaton 2000
  • O Father O Satan O Sun!
Seth en live.

Iconographie

Behemoth à travers son leader “Nergal”, ont toujours pris soin de proposer des images d’une très grande qualité. Faisant appel à des artistes contemporains ( Denis Forkas pour “The Satanist” 2014 et Nicola Samori avec ” I Loved You At Your Darkest” 2022) pour illustrer leurs pochettes. Depuis “The Satanist “et leurs signature chez Nucleat Blast (Allemagne), un soin particulier est apporté à chaque production et au packaging des albums. Délaissant peu à peu les images et attributs du black métal originel pour une iconographique beaucoup plus classique, mais qui contient des éléments qui font tout autant référence à la destruction et à la fin des mondes, à la mort et à la liberté. Je ne peux m’empêcher de penser à Goya avec “Saturne dévorant un de ses fils et certains travaux du Romantisme ainsi que du Surréalisme en peinture.  Il y a ici cette même force et une violence crue (dans le traitement graphique) qui magnifie bien les propos du groupe.

Saturne dévorant l’un de ses fils – Goya

Alors, une iconographie plus adulte, plus réfléchie ? Oui, c’est sûr, et les moyens financiers sont là aussi pour assoir cette position. La présence des travaux du groupe dans l’exposition Diabolus In Musica n’est pas le fruit du hasard. Ce n’est donc pas étonnant que sur scène, nous retrouvons les mêmes codes. Le fond et la forme, mon brave Monsieur  !

 

Le Live

Vous n’étiez pas là ? Merci à  Arte TV à eu la bonne idée de diffuser en direct le concert et il est disponible en replay. Alors plongez vous dans l’abîme des titres de Behemoth.

 

Ekimr

 

Cet article est dédié à Marco, pour qui c’était son baptême.

Amen…

…la bière !



Liens :

Site Officielhttps://www.behemoth.pl/

Illustration : Mike Rouault