Roman de Sophie Demange chez L’Iconoclaste, 311 pages de pur thriller.
Résumé : À Rouen, dans ce quartier bourgeois, impossible de manquer la devanture rose des Bouchères. Depuis la rue, on peut entendre l’aiguisage des couteaux, les masses qui cognent la viande et les rires des trois femmes qui tiennent la boutique. Derrière le billot, elles arborent fièrement leurs ongles pailletés et leurs avant-bras musclés. Mais elles seules savent ce qui les lie : une enfance estropiée, une adolescence rageuse et un secret.
Lorsque plusieurs notables du quartier s’évaporent sans laisser de traces, les habitants s’affolent et la police enquête. En quelques semaines, les bouchères deviennent la cible des ragots et des menaces…
Un roman féministe explosif et jubilatoire où chaque page se dévore jusqu’au rebondissement final !
Mon avis : V’là un bouquin dont j’aurais bien repris un kilo, ma bonne dame !
Le style est sans fioriture, on ne cherche pas le beau langage mais bien une décontraction dans la lecture qui tranche avec les événements racontés. Les faits sont horribles mais souvent on glisse dessus, pas la peine d’en remettre des couches sur les violences faites aux femmes en les étendant sur des dizaines de pages (procédé qui pour moi frôle le voyeurisme) mais bien de faire la place à la réponse féminine. Lassée des histoires où les femmes doivent trouver des hommes pour les défendre, les sauver, ici il n’en est rien ! Et ça fait du bien ! Non pas que le meurtre soit une forme de justice, mais bien pour montrer que la violence infligée peut se retourner contre les oppresseurs.
J’ai aimé ses personnages, ils sont bien caricaturaux mais également pas encore trop vus. Les rôles de femmes fortes sont encore à la marge ou écrits par des hommes selon leurs fantasmes masculins, donc fortes mais ayant quand même besoin du regard masculin pour le justifier, le constater. Les femmes de ce roman n’ont besoin de personne.
J’ai particulièrement aimé deux aspects dans cet ouvrage. La question de Nour, personnage masculin tirant sur le féminin, très très bien écrit et qui met en lumière la « nouvelle masculinité », ni effrayante, ni malsaine, ni dangereuse. Le personnage de Michèle/Marie explore l’intersectionnalité sans jamais la nommer et je trouve ça nécessaire ! Oui, les femmes racisées doivent faire face à la misogynie combinée au racisme, donc double peine pour elles.
En bref, un très bon moment de lecture (qui ferait un bon film, qu’on se le dise) et qui se dévore en une soirée !
Si vous appréciez ce genre de lecture, je vous recommande très chaudement la lecture du polar Les Ravagées de Louise Mey ou encore La fiancée de personne d’Ava Weissmann.
L’autrice : SOPHIE DEMANGE est née en 1983 et habite à Rouen. Elle n’est pas bouchère, mais découpe les chapitres et les personnages comme personne. Après ses études, elle a beaucoup voyagé, notamment en Inde et au Mexique où elle a travaillé comme enseignante, actrice de théâtre, serveuse ou encore consultante pour une ONG. De retour en France, elle s’est engagée dans des associations humanitaires, auprès de travailleuses du sexe, de migrants. Elle travaille désormais dans le médico-social. Les Bouchères est son premier roman.
Sophie Demange par Relikto