« LE JEUNE AHMED » DE JEAN PIERRE ET LUC DARDENNE. IL ETAIT UNE FOI…

Cavalcade. Un adolescent monte, quatre à quatre, les marches d’un escalier. Dès le premier plan d’ouverture du « Jeune Ahmed », nous sommes chez les frères Dardenne. Comme toujours, la caméra à l’épaule répond à l’urgence de la situation, le physique tutoie le mental, le corps (social) est en lutte et l’organisme tout entier lutte ardemment contre l’establishment. Car il y a du « Rosetta » chez ce jeune Ahmed, adolescent buté, en colère contre un monde qui ne se plie pas à sa foi. Tout y est colère, confrontation, cri, incompréhension et manipulation.

Ahmed veut comprendre. Trouver une place. Etre reconnu. Fragile statut.

Cet adolescent mutique, en manque de (re)père, suit – à la lettre – les préceptes d’un Coran déformé
par son chef religieux, homme fanatique, charismatique et replié sur lui-même. Mais subit la
désapprobation de sa mère, femme déchirée entre l’amour qu’elle porte à son garçon et le virage
extrémiste que prend ce dernier.

C’est dans cette dualité permanente entre une quête de spiritualité tournée vers l’absolu et les
bouillonnements intérieurs d’un jeune homme en pleine mutation (le fameux passage à l’âge adulte)
qu’Ahmed, petit soldat perdu, perdra pied.

Salle de Classe. Réunion.

Alors que la professeur d’arabe de notre jeune protagoniste prêche pour une ouverture sur le monde
via une connaissance de la langue parlée, sans renier les principes fondateurs d’un texte sacré,
Ahmed s’insurgera contre cette « relecture » impure et commettra l’irréparable.

La grande force de cet immense (et court) long-métrage réside dans la démarche des réalisateurs de
ne pas verser dans la stigmatisation d’une religion, d’une pensée et d’un peuple mais au contraire
dans une volonté de faire voler en éclats les préjugés et le manichéisme ambiant. C’est dans cette
variété immense de rapport à la croyance, dans ses pratiques, ses traditions mais aussi ses
contradictions que le film puise sa plus grande force. Et tend vers un universalisme salvateur.

Simple, efficace, brut, Bressonien en diable et construit comme un véritable thriller du quotidien (son
prix de la mise en scène à Cannes est entièrement mérité !), « Le Jeune Ahmed » nous électrifie
durant 1h24 et s’avère être un rempart plus que nécessaire contre la montée du fascisme et les idées
nauséabondes qui voient le jour au sein de certains partis moisis de l’Union Européenne.

Ne loupez pas cette pépite politique et humaniste au final bouleversant.

Et à l’interprétation « rentre-dedans ».

Les Frères Dardenne ? Yes, we Cannes !

John Book.