Avant qu’un déluge de reproches ne m’atterrisse sur la caboche, je tiens à signaler que la politique de la chaine “Mickey” me hérisse le poil. Son chantage affectif et l'”aubaine” du cadre sanitaire actuel (“tu veux revoir un classique Disney ? Enchaine-toi à la chaine. Nous ne pouvons diffuser “Mulan” sur grand écran mais le diffuserons uniquement sur notre plateforme. Enchaine-toi à la chaine. Tu désires revoir des longs-métrages rarement-ou jamais- diffusés à la télévision et indisponibles en DVD ? Enchaine-toi à la chaine. Sinon ? Sinon rien. Zéro alternative.“) ont de quoi énerver plus d’un cinéphile.
Ironie du sort, à la faveur d’un tendre cadeau et, à présent, doté de la plateforme susnommée, je suis devenu mon propre ennemi. Impossible de lutter. La petite souris a fait son trou dans mon cortex. A moi “Le Dragon du Lac de Feu“, “Le trésor de Matacumba” et ” La Montagne ensorcelée“! A moi les récentes productions de Walt & Cie, des séries Marvel et du “Bad Batch” (la reprogrammation de “Soul” ou “Mulan” dans nos salles étant toujours ardemment souhaitée par votre serviteur).
Militantisme de pacotille. Shame on me.
Me voici dans l’incapacité de critiquer les positions douteuses de la major company aux grandes oreilles. Bien fait pour ma pomme. Je m’en tiendrai, donc, à la dissection de ses productions. Après le visionnage boulimique de “The Mandalorian“, place à la mini-série “Wanda Vision”- engloutie en quelques soirées.
Mes impressions ? Mitigées.
A l’instar de ses dernières productions poids lourds (“Avengers Infinity War” et “EndGame“), l’efficacité narrative et “catchy” des scénaristes issus de l’écurie MARVEL n’est plus à prouver. L’art de fédérer un public familial autour d’enjeux surpuissants est devenu une constante. Un gage de qualité. Ménager la chèvre et le chou. Les adultes et les bouts d’choux. Des combats titanesques pour nourrir les cours de récré. Des personnages complexes pour émoustiller nos joutes verbales autour d’un café. Hélas ! Pour ce “Wanda Vision” terriblement original dans le développement de ses cinq premiers épisodes mais poussif et explicatif dans son déroulé narratif, la fatigue se fait sentir.
ATTENTION ! SPOIL ALERT !
C’est la marque de Disney : s’adresser au plus grand nombre et lisser dans le sens du poil, quitte à y laisser des plumes de sang.
J’attendais beaucoup plus de folie et de dérapages pour cette série pourtant estampillée “12 ans et +”. Alors que l’introduction pastiche avec beaucoup de facétie les sitcoms “Ma Sorcière bien Aimée“, “Malcolm” et “The Office” tout en évoquant-en filigrane- un malaise profond, la suite se vautre dans une intervention militaire séculaire, l’énième naissance d’une figure iconique et une confrontation finale épuisante.
Pourtant, bon sang que ces premiers épisodes étaient galvanisants !
Au loin, les bastonnades sur fond de guerre civile.
Ici, tout se joue en studio. En terrain factice.
Wanda vit sa vie comme un soap-opéra en noir et blanc. Son déni palpite de couleurs en technicolor, se drape dans une comédie dramatique digne de Douglas Sirk ou Frank Capra. Les rires y sont pré-enregistrés et les soucis quotidiens vite expédiés. Les voisins toujours soucieux d’autrui et la Famille toujours unie.
American way of life.
Mais insensiblement, dans l’arrière-cour, la Mort joue sa sérénade…Attention, les enfants regardent !Alors ?
Alors, pour cette adaptation édulcorée, les huit scénaristes employés par Jac Schaeffer (créateur de la série) s’échinent, donc, à enjoliver plus qu’à égratigner. Adieu, profondeur et psyché ! Alors que la troublante bande-dessinée “House of M” de Brian Michael Bendis et Olivier Coipel abordait, de plein fouet, la schizophrénie dangereuse de notre protagoniste, Marvel Studios fait s’accoupler Freud et Picsou Magazine.
Martine sur le divan: Pour rappel, Wanda Maximoff est timbrée, inconsolable et dévastatrice. La perte de son conjoint la pousse dans ses ultimes retranchements. Le Monde où elle gravite est un non-sens. Aucun horizon ne se dessine sans son compagnon spectral ? Place à une réalité alternative et fantasmée. Et gare aux mutants qui se dresseront face à son cauchemar éveillé.
Damned!
Il y avait de quoi fabriquer une minisérie d’anthologie.
Ouste!
Vite enterré le trauma enfoui. Vite plié le paradis perdu. Disney expédie toute psychologie au profit de connexions avec le prochain Doctor Strange et de scènes d’action gênantes.
Pire, au détour d’une confrontation entre la Sorcière Rouge et Agatha Harkness, nous avons la désagréable impression de retrouver “ Power Rangers : The Movie” de Dean Israelite. Attention ! Je ne critique en rien ce reboot de 2017 injustement boudé par la critique et le public. Il tient, selon moi, toutes ses promesses en matière de divertissement et esquisse la marque d’un réalisateur “ligoté” par Lionsgate (pour preuve, ce plan enivrant et tournoyant dans une voiture, si, si…je vous assure). Je fais juste remarquer la facilité d’un épilogue “copié-collé” et d’une référence peu inspirée.
Nous espérions la Salsa du Démon. C’est la bérézina.
Pourquoi ne pas avoir gardé une part de mystère tout au long de cette romance mortifère ?
Pourquoi la raison plus que le cœur ? La notice explicative en place de l’anarchie ?
C’est d’autant plus rageant au vu du champ des possibles exprimé en préambule. Prise de risque limitée pour carton planétaire.
Les affaires sont les affaires.
Certes.
Nonobstant cette victoire, la redite est sévère.
Reste l’alchimie de deux acteurs glamour à souhait.
Elisabeth Olsen, enfant de la balle surdouée, surprend dans un registre comique et revêt avec allégresse, la figure d’une autre Elisabeth (Miss Montgomery dans “Bewitched“) et Paul Bettany, acteur de composition et d’exception, (re)trouve en son personnage de synthézoïde romantique un terrain propice à toutes les réparties “so british“.
Leur duo sonne comme une belle évidence et demeure crédible à l’écran. Les voir s’amuser avec leurs costumes de pacotille à la faveur d’Halloween est un régal pour les fans.
C’est dans ces moments d’intimité que “Wanda Vision” prend le large et résonne en nous universellement.
Thérapie Unhappy.
L’absence comme une béance et le divertissement comme un pansement trop grand.
Avancer en dépit du manque. D’une rupture.
Se rejouer la scène puis l’oublier.
Coute que coute avancer.
Play.
Blessures.
John Book.