“Un talent en or massif” de Tom Gormican. Man in the mirror.

Il avait dit “non”. “Non” à une pochade autour du culte qui l’entourait. “Non” à une mise en abime qui l’abimerait plus qu’autre chose. Mais l’immense Nicolas Cage se trompait. “Un talent en or massif”, titre ô combien jouissif, jouerait avec les codes (narratifs et du genre) pour mieux les détourner. Cet hommage vibrant mettrait en exergue les qualités indéniables d’un acteur fabuleux englué dans des productions de seconde zone. Certes, le désespéré “Joe” et l’hallucinant “Mandy” firent office de come-back. Mais pour ces deux coups d’éclats, combien de direct DVD sans attraits ?
Ce projet permettrait de rectifier le tir…tout en privilégiant une approche “fun”.
Nick le comprit et, finalement, dit : “Oui”.
Mariage heureux !
Tom Gormican, (réalisateur de “Célibataires…ou presque”!?), saisit l’occasion pour déclarer sa flamme au 7ème Art, via un scénario-alibi co-écrit avec Kevin Etten et l’appui de Nicolas Cage/Saturn Films.
Son train de vie excentrique, ses lubies, sa difficulté d’être père, son amour démesuré pour sa progéniture, ses empoignades avec son ex, son goût pour l’alcool et ses nombreuses dettes.
Tout, nous saurons tout sur l’interprète de “Volte-Face”.
Auto portrait sans fards, c’est surtout l’occasion pour Big Nick de montrer l’envers d’un décor pailleté, où le talent passe au second plan. Image. Glorification. Coquille vide.
Comme le dit si bien notre protagoniste : “Il faut bien que je remplisse le frigo à la fin du mois !”.
Quoi ? L’une des icones des 90’s souffrirait de découverts intempestifs ? Serait dans le rouge ? A découvert ?
C’est la triste révélation de ce “Talent en or massif”. Nick est un panier percé, incapable de gérer son budget, fonctionnant à l’instinct plus qu’à l’économie.
D’où ses choix hasardeux de série B, souvent indignes de son travail.
 
Attention !
Nick brasse tout mais ne triche pas. Son implication dans l’incarnation d’un flic désabusé ou d’un super-héros est totale. Toujours.
“On peut reprocher ma filmo, jamais mon travail. Je suis un bosseur acharné.”
Et c’est toute la dualité d’un métier qui s’exprime dans les yeux désabusés d’un personnage en quête d'”hauteur”: être reconnu en tant que “performer” et se démarquer dans des productions moyennes ? Ou retrouver le chemin des blockbusters en tant que movie-star ? Reconnaissance artistique ou compte en banque ?
Delicate balancing act.
Ainsi, le long-métrage s’ouvre sur un entretien afin d’obtenir un rôle auprès d’un ponte des studios.
Le neveu de Coppola rame pour exprimer ses choix. Balance sa réplique. En vain.
 Trop vieux ?  Trop outrancier ?
Nick surjoue Nick, comme un clin d’œil adressé au public. L’homme est rusé et s’amuse de son image rock n’roll mais… séduit moins.
 Feed back constant.
Réalité et fiction.
Réalité: Nick Cage est sous nos yeux, perdu, enragé.
Fiction: Javi Guttierez, un mystérieux milliardaire, lui propose un million de dollars afin de participer à son anniversaire sur une ile paradisiaque à Majorque.
Nicolas Cage, contraint, accepte.
Le film de genre prend, alors, son essor tout en marquant, en pointillé, les difficultés d’être un Dieu vivant sur la brèche.
Et le film de jouer constamment sur les deux tableaux, comédie policière et mise au point artistique, pour notre plus grand plaisir.
Javi s’avère être un fan hardcore. Il connait tout de son invité, sa filmographie en dents de scie et ses écarts.
Pedro Pascal (le Mandalorian, c’est lui !) joue avec emphase un admirateur transi et se substitue à notre envie d’avoir ce gargantuesque acteur pour ami.
Approche. Virée. Coup de folie au bord d’un précipice.
Nick et Javi se reniflent, s’observent et s’apprivoisent.
“Quel est votre film préféré ?”-“Ho, c’est impossible de répondre à cette question!”
A chaque répartie ou évocation de tournage, notre bonheur de cinéphage s’en trouve décuplé.
Nous avons grandi, dans des salles obscures, à l’ombre de ce géant. Nous avons, toutes et tous, un souvenir précis rattaché à cette carrière extraordinaire.
“Sailor et Lula”, “Kiss of Death”, “Benjamin Gates”, “The Rock”, “The Croods”, “A tombeau ouvert”, “Leaving Las Vegas” ou “Red Rock West”, dernièrement chroniqué par votre serviteur.
Et c’est avec beaucoup d’humilité et d’élégance que Nicolas Cage dévoile ses préférences. “Capitaine Corelli”? Un film très sous-estimé.
John Woo? Un maestro.
Ce coussin à son effigie ? Un peu limite.
C’est dans ces confessions intimes qu'”Un talent en or massif” se déguste voluptueusement. 
Toutefois, cet OVNI META n’atteint pas les cimes attendues.
Car, au risque de me faire du mal, je dois me l’avouer : ” The Unbearable Weight of massive talent” manque singulièrement de panache. 
Saupoudrée chichement de scènes d’actions basiques et dotée d’un scénario en zig-zag, cette histoire prend des virages inattendus mal contrôlés.
Ici, une course-poursuite sans entrain. Là, une altercation peu musclée.
Nous espérions un mélange idéal entre dérision autoréférentielle et fusillades hardcore, (“Last Action Hero” de John Mc Tiernan, fatalement). “Un talent…” se contente du minimum syndical en matière de buddy-movie.
A moins que ce ne soit une volonté- un peu facile- du réalisateur ?  Au détour d’une discussion arrosée entre Jarvi et son idole, un synopsis parfait, alternant authenticité artistique et clichés du genre, voit le jour.
Loin du marketing hollywoodien en vigueur (“Star Wars” et “Avengers” sont cités ironiquement, Nicolas Cage ayant choisi son pseudonyme dans l’univers MARVEL) et exigeant dans ses prétentions.
Et Mr Cage de pointer du doigt l’immense nuance entre produit formaté et artisanat.
Effet ping-pong et “film dans le film dans le film”, “Un talent…” insistera, dès lors, sur ses souhaits.
Moins d’effets, plus d’affect.
La décalcomanie d’une idée, appliquée à la lettre, au risque de nous décevoir et nous perdre.
Heureusement, la distribution 24 carats ( Tiffany Haddish, Neil Patrick Harris et Sharon Horgan sont impeccables), des punch line sans temps morts et des situations cocasses teintées de vérité ( les rapports père/adolescente de 16 ans sont croustillants) réhaussent une réalisation lambda et une narration souvent bancale.
Au sortir de la projection : la balance penche et l’avis est plus que positif. 
Hélas, “Un talent en or massif” ravit les critiques mais peine à trouver son public.
En cette période de sinistrose ambiante, n’hésitez pas.
Foncez voir cette poupée russe peu commune.
At last (action Hero, bis), le 92ème film de Nicolas Cage (re)met au premier plan un artiste cultivé (il cite Stanislavski et “L’étrange cabinet du Dr Caligari) épris d’intégrité. Un acteur libre, affranchi de tout carcan, de toute pose et de tout plan de carrière.
Wild at Heart!
Assurément.
 
John Book.
Crédits Photos : Lionsgate / Metropolitan FilmExport