Dimanche pluvieux sur Paris, bourrasques de vent et feuilles qui tombent. Synonymes d’ennui ? Que nenni. Direction Les Mésanges Bistrot au 82 rue de la Mare, en plein coeur de Belleville, Paris 20e, où une vente de vinyles est organisée par L’agence tous disques, auto-proclamée disquaire de rue (aux beaux jours) et de bistrot (en automne-hiver).
Des souvenirs me reviennent à l’esprit…. Fraîchement débarqué de ma Bretagne, il y a 28 ans, mon premier appartement d’étudiant se situait non loin de là, au n°27 de la rue du Soleil, près de Télégraphe, point de nivellement le plus haut de Paris avec Montmartre (autour des 128m).
Un ‘’haut lieu’’ géographique, populaire et cosmopolite (les vagues de migration y furent nombreuses au XXe siècle), où les instances ‘’en haut lieu’’ ne s’aventurent guère. L’actuelle locataire de l’Hôtel de ville de Paris ayant fort à faire en ce moment avec les gesticulations du roi des forains qui brandit ses poids lourds pour sauver sa roue (bientôt) de l’infortune.
Sans vouloir concurrencer le roman historique ‘’Métronome’’ de Lorànt Deutsch, sachez que le nom des rues alentour – la rue des Cascades, des Rigoles, des Savies et de la Mare – évoquent les sources autrefois nombreuses sur le territoire de Belleville. Les abbayes parisiennes qui y possédaient des terres (prieuré de Saint-Lazare, abbaye de Saint-Martin des Champs, Commanderie du Temple, etc.), organisèrent très tôt un réseau compliqué d’aqueducs afin de capter ces eaux à leur usage. A cette époque, l’approvisionnement de Paris était essentiellement assuré par la Seine et par quelques puits privés, souvent peu salubres.
Fin des digressions historiques.
Je pousse la porte du Bistrot des Mésanges, un bistrot de quartier typique. Je m’imagine le temps révolu où les ouvriers de la colline, chapeliers, métallo, maroquiniers, tailleurs… s’accoudaient au zinc en bois à l’entrée. L’endroit respire la convivialité, on y vient pour déjeuner en famille sur une des tables peu nombreuses.
La playlist du patron résonne immédiatement à mes oreilles : les Smiths et ‘’Spent the Day in Bed’’, le dernier single de Morrissey. De bon augure. Je me sens immédiatement en territoire connu, amical et convivial. Oserais-je dire familial ?
Je discute avec un sujet de sa Gracieuse (ah bon ?) Majesté, venu chiner à Paris l’album vinyle ‘’Searching for the Young Soul Rebels’’ de Dexys Midnight Runners. J’y vois comme un pied de nez à la perfide Albion et je me dis que je ne serai pas le seul à repartir avec des pépites des eighties.
Dans la série US ‘’L’agence tous risques’’, tout le monde se souvient de l’expression du narquois et frondeur George Peppard : ‘’J’aime quand un plan se déroule sans accroc !’’. A l’agence tous disques, le disquaire du bistrot, des ‘’bons plans’’, il y en a à foison dans les bacs !
Après une heure (il ne faut jamais m’accompagner chez un disquaire ou un libraire, vous risqueriez d’y passer un temps infini), je ressors avec quelques trouvailles, que je vous livre ici :
Cream, ‘’Disraeli Gears’’ (1967)
Le chef-d’œuvre absolu de blues et de rock psychédélique du trio londonien Eric Clapton, Ginger Baker et Jack Bruce, est ‘’d’une diversité exceptionnelle, où le groupe propose une nouvelle approche du blues, avec une rythmique puissante et très en avant, des interventions de guitare parfaites d’acuité et de concision’’*.
concision’’*.
Edith Nylon, ‘’Edith Nylon’’ (1979)
Le premier opus du groupe punk-rock français, fondé en 1977, distille une musique violente et des textes durs et synthétiques. L’album connaîtra un beau succès et se vendra à 30000 exemplaires.
999, The Biggest Prize in Sport’’ (1980)
Le quatrième album des énergiques, survoltés et sous-estimés londoniens, proches des Buzzcocks.
XTC, ‘’Wax Works – XTC some singles 1977-1982’’ (1982)
Un florilège des singles du combo d’Andy Partridge, ‘’l’un des auteurs-compositeurs les plus originaux que la Grande-Bretagne ait produits depuis les années 60’’*.
The Cure, ‘’Breathe / A Chain of Flowers’’ (maxi 45T, 1987)
The Cure, ‘’Lovesong / Fear of Ghosts’’/ ‘’Late’’ (un maxi 45T en édition originale UK, 1989)
Le single ‘’Lovesong’’, qui figure sur l’album ‘’Disintegration’’, a été écrit par Robert Smith comme cadeau de mariage pour Mary Poole, sa petite amie de longue date qu’il a épousée en août 1988.
Un beau quartier, des Mésanges, de la convivialité, les Smiths, Cure…
Il est déjà midi. La pluie a cessé, les feuilles de platane tapissent les rues, le quartier est paisible, le soleil revenu.
Bientôt, je reverrai les visages souriants de mes deux fils. C’est un beau dimanche de novembre.
La vie est belle.
Alechinsky.
*in ‘’Le nouveau dictionnaire du rock’’, collection Bouquins, éditions Robert Laffont, 2014, sous la direction de Michka Assayas.