“The Northman” de Robert Eggers. In the Name of the Father

Trailer mystérieux, casting royal, furie à l’écran et photographie de toute beauté, le trailer de “The Northman” laissait présager du meilleur. Ajoutez à cela un véritable cinéaste derrière la caméra et vous obtiendrez un démarrage foudroyant au box-office français le jour de sa sortie. Superlatifs en pagaille sur l’affiche, critiques en pamoison, toile du web qui s’enflamme et une interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement, je fonce, le fiston sous le bras, dans ma salle de cinéma parisienne préférée.

Hommage ou copie déplacée, l’introduction mime celle de “Conan le Barbare” avec voix-off gutturale et bande originale qui vous prend aux tripes.
Robert Eggers allait-il contrefaire l’œuvre culte de John Milius? J’ai un mal de chien à me concentrer et les commentaires d’un trio d’adolescents bas de plafond sur ma droite n’arrangent rien (ils allaient connaitre le prix de mon courroux en fin de projection, ces petits cons !).
Le long-métrage déroule son fil narratif, exposition, les personnages se mettent en place. Ethan Hawke imprime de sa superbe notre rétine dès les premiers plans mais quelque chose ne fonctionne pas. Est-ce la succession de scènes rattachées les unes aux autres de manière superficielle ? Une vengeance annoncée et un peu plaquée ?
Le lifting de Nicole Kidman qui n’aura pas frémi sur une ellipse de 20 ans ?  Ou la désagréable impression de déjà-vu qui parcourt les premières minutes de ce long-métrage sauvage mais millimétré ?
Dans un univers de bruit et de fureur, un petit garçon assiste au meurtre de son père et jure de le venger. Des décennies de musculation intensive plus tard, il retrouve la trace du meurtrier et lui fait la peau. Mais un Destin Royal est promis à notre Cimmérien…
 
Photocopie ?
Ci-mer ! De rien.
Franchement !
Cela ne vous titille pas l’occiput ?
“Bonjour. Je m’appelle Inigo Montoya. Tu as tué mon père. Prépare-toi à mourir !”
Passons outre et donnons une chance à notre scénariste.
Il faudra attendre une scène onirique à la beauté foudroyante pour que le talent poétique du réalisateur de “The Witch” revienne frapper à nos portes (de la perception). En vain. Les tableaux se succèdent, chapitres sans sel ni larmes, et le temps s’étire comme un chewing-gum prémâché. Il y a quelque chose de pourri en Terre Islandaise et le talent des actrices et acteurs n’y fait rien : on s’ennuie ferme au pays des Vikings.
Bien entendu, des fulgurances de violence nous sortent de notre torpeur par intermittence mais ce scénario écrit sur un coin de table aurait mérité plus de concision et moins d’emphase. Plus de folie et moins de lyrisme.
Fiasco chez Boucherie productions ?
C’est le cas tant ce film d’auteur boursoufflé et gonflé à l’hélium peine à décoller dans ses excès de brutalité. Tout semble désincarné. Un plan-séquence à ma droite, pour gagner en véracité et des plans fixes, à ma gauche, pour mettre en exergue les paysages majestueux d’une quête bien calibrée.
En son centre ?
Des images fortes. Des hommes-ours, des hululements, des corps offerts en pleine forêt, de la magie puisant dans Dame-Nature…et un duel volcanique empruntant à “Star Wars 3” de George Lucas !
Mais, bon sang, rien ne m’étreint.
Je le répète, la distribution de ce carnage-bien-sage vaut de l’or. Alexander Skarsgard/Tarzan trouve chez cet homme du Nord le rôle de sa vie (il est d’ailleurs amusant de voir Ethan Hawke s’adresser à son fils en prononçant ” Amleth”, lui qui l’incarna à la perfection en 2000 dans l’adaptation de Michael Almereyda), la sublime Anya Taylor-Joy (vue dans “Split” et “Glass” de M. Night Shyamalan) campe avec naturel une esclave rebelle, Nicole Kidman fait le job sans sourciller, l’impeccable Willem Dafoe s’amuse à nous amuser en fou du roi, Björk nous ensorcelle aisément et Claes Bang investit corps et âme un oncle perfide digne de Richard III. 
Mais il n’y a pas à tergiverser, cette sauce scandinave navre. Je ne garderai de ce “The Northman” que quelques moments poétiques, bien trop chiches, liés aux croyances nordiques et des élévations spirituelles peu communes dans le paysage cinématographique actuel.
Où se cache le réalisateur de “The Lighthouse”? Certainement dans sa tanière, loin des budgets confortables et des remakes inavoués.
Mais certainement pas sur le plateau de ce sous-“Valhalla Rising” ou d’un “Treizième guerrier” 2022 vide d’essence et carburant au diesel.
Inspiration. Shakespeare. J’expire.
Au final : Beaucoup de bruit pour rien.
 
John Book.
 

 

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