“The Batman” de Matt Reeves. J’veux du cuir…

A la Batcave, le romantisme gothique prôné par Tim Burton! Aux oubliettes, les délires érotiques et cartoonisés de Joel Schumacher! Dans la remise d’Alfred, le souffle épique instauré par Christopher Nolan! Le nouveau Batman est arrivé, plus urbain, plus vicieux et beaucoup plus extrême.
On sent nettement le goût du réalisateur Matt Reeves pour une certaine âpreté dans sa façon de dépoussiérer le chevalier noir. Ici, il n’est pas question de verser dans une flamboyante épopée sur fond de gadgets et de vilains masqués et siphonnés. Non. Le réalisateur de “Cloverfield” remue la merde au sein de Gotham et plonge son anti-héros dépressif dans les tréfonds d’une ville exsangue.
Peuple ses clubs et ses tripots de figures mafieuses pathétiques. Loin des Exploits surhumains.
L’ensemble est d’autant plus orgasmique que Mr Reeves ne cède rien au contexte violent qui sous-tend son histoire. Cette enquête, digne de “Seven”, a des faux airs de film d’horreur, aussi bien dans sa partition musicale, sa photographie vermillon que dans sa réalisation sèche.
Les dix premières minutes de ce long-métrage ne font pas dans le paquet-cadeau soigné mais la bonne dérouillée.
Emmener ses gamins voir cette descente sur grand écran, c’est confondre le Père Noël et Jack O’ Lantern…
Amateurs de Bat-machin et de comic’s sixties, prenez donc le virage suivant !
Si une chanson devait résumer ce chemin de croix, ce serait, bien entendu, “Something in the Way” de Nirvana mais surtout “Fascination Street” de Cure, dont Robert Pattinson partage le look du chanteur.
Cheveux désordonnés, rimmel coulant sur un visage blafard, Bruce Wayne rime avec Bruce Pain.
Son alter-ego?
Un fantôme perdu dans un manoir dont seul le majordome possède les clefs… de la raison.
Car il faut être sacrément zinzin pour se frayer un chemin sur la scène d’un crime en costume cuir-latex sans que l’assistance ne rit sous cape.
“Freak”, telle est la vanne sans appel d’un flic atterré. Faire équipe ? Non merci.
La justice trouverait-elle une incarnation nouvelle dans la démence et l’ultra-violence?
A en croire l’état des lieux de ce “The Batman”, la réponse est toute trouvée.
L’Homme chauve-souris est avare de mots, peu enclin à la camaraderie et bannit toute indulgence de son vocabulaire.

Des coups, de la hargne et du sang.


Au final, ce Ying et Yang détraqué brouille les pistes de notre perception ( le milliardaire philanthrope cède la place à un fataliste) , à l’image de ces premiers plans ouvrant sur un prélude givrant et givré.
La distribution, éclatante, est un cas d’école : Robert Pattinson, peu convaincant dans la saga “Twilight” mais magnétique dans “High Life” de Claire Denis trouve en l’incarnation du justicier noctambule l’un des grands rôles de sa carrière. Moins aristocratique que Christian Bale, son “Batman” est à ranger aux côtés de Daredevil et Frank Miller. Intense et dérangé. Zoé Kravitz (quand tu penses que la chanson “Flowers for Zoé” que son père lui adressait date de 1992 !), minou minaudant, lui donne la réplique avec rigueur et économie. Jeffrey Wright ( virtuose dans l’oubliable “The French Dispatch”) attrape le flambeau que Gary Oldman lui tend et donne une version plus “punchy” du commissaire James Gordon, Paul Dano (habitué des rôles psycho et épatant dans “Little Miss Sunshine”, “There will be blood” et le sous-estimé “Cowboys et Envahisseurs”) repousse une fois de plus les limites de l’acting, John Turturro (impeccable dans la mini-série “The Night Of”) et Peter Sarsgaard ( détestable à souhait dans “Une éducation”) roulent au super, Colin Farrell-méconnaissable en Pingouin-singe Robert De Niro avec délectation et Andy Serkis offre à Alfred Pennyworth une facette plus chaleureuse.
L’enquête -dans laquelle tout ce beau monde se croise et s’affronte- est une astucieuse poupée russe où chaque partie renvoie à une autre, où chaque découverte creuse un peu plus l’écart entre la probité et la trahison. A la tête de ce Roller Coaster peuplé de monstres, Batman fait figure d’épouvantail. Mais aussi de marionnette. Silence.
J’en dis trop.
Enfin, la réalisation-nerveuse, élégante et servie par la partition tendue de Michael Giacchino- magnifie son personnage en quête d’hauteur sans oublier le gouffre qui s’offre à ses pieds.
“The Batman” ou une certaine idée du purgatoire ?
C’est un peu cela.
Dommage que la dernière demi-heure s’embourbe dans une conclusion explosive et spectaculaire. Cette sensation de “déjà-vu” malmène l’excellence de l’ensemble et nous laisse un goût amer en bouche.
Trop bon ? Trop long ?
Certes.
Mais une telle Virtuosité se fait rare au pays des blockbuster.
Précipitez-vous !
Mieux qu’Un galop DC, “The Batman” concoure pour le meilleur polar de l’année 2022 et tire sévèrement la bourre à l’intouchable “Joker”.

Vraiment ?
YES, we (Bob) Kane, (Bill) Finger in the nose!

John Book.

PS: (Good-bye)

 

Crédits photos : DC Films / 6th & Idaho Productions /  Warner Bros. Pictures