“Tempura” d’Akiko Ohku. Love is in the air

Il y a des étés plus lumineux que d’autres. Je n’attendais rien de cette programmation estivale 2022, trop souvent habitué à un déluge de longs-métrages passe-partout et de quelques blockbusters, annonciateurs de DVD pour Noël. Juillet en décida autrement. C’est un véritable régal pour les pupilles/papilles que nous offre la réalisatrice Okiko Ohku. Oubliez les cadres habituels d’une réalisation classique. Oubliez les films interminables sur fond de silence pesant et de parenthèses en chantier. “Tempura” explose les codes de la fable romantique pour mieux nous subjuguer.
La délicieuse Mitsuko, trentenaire célibataire, remplie les cases vides de sa vie en sublimant son quotidien. Souvent en proie au doute concernant la direction que doit prendre son existence, notre Bridget jaune (désolé, il fallait que je la fasse) ne doit son salut qu’à l’existence d’un double fantasmé. Dans l’exiguïté de son appartement, Mitsuko se parle à elle-même, s’engueule, s’enthousiasme d’un rien et repart de plus belle. Marionnette désarticulée s’emberlificotant dans des fils trop tendus, c’est sous l’emprise d’une voix masculine et réprobatrice que notre héroïne avance pas à pas, masquant du mieux qu’elle peut une solitude de tous les instants. L’arrivée d’un jeune homme aussi timide que notre protagoniste-au sein de son cadre professionnel- va bouleverser un emploi du temps rigide et un avenir vraisemblablement tout tracé.
Rena Nounen et Okiko Ohku sont, indiscutablement, les pièces maitresses de cette romance pas comme les autres.
Dans le rôle de cette inconsolable romantique un brin azimutée, tendance Jane Austen pour l’Amour courtois et Steve Austin pour la frénésie, l’interprète de “Hot Road” fait preuve d’une liberté de jeu et d’une fantaisie peu commune. Mitsuko est folle. De cette folie douce qui vous enivre et vous force à embrasser le Monde qui vous entoure, quitte à y laisser quelques plumes. Ici. Maintenant. Mitsuko veut tout et son contraire. Séduire et être séduite sans forcément s’engager. S’envoyer en l’air sans connaitre les affres d’un voyage en avion. Déclarer sa flamme sans s’enflammer pour de bon. C’est dans ses incertitudes que cette adepte de mets exquis (et de tempura!) nous touche au plus haut point. Mitsuko est une jeune femme de son temps. Insaisissable, lumineuse et virevoltante. Un feu-follet.
Pour donner corps à son décor mental acidulé, la réalisatrice déploie des trésors d’ingéniosité. A l’écran, les onomatopées énoncées prennent une consistance déconcertante, les chansons entendues dans un MP3 font l’effet d’un déluge et les images aperçues dans le décor explosent en motifs sonores. Rassurez-vous, la trame narrative est des plus cristallines. Et c’est pour cette raison précise que la cinéaste japonaise s’évertue à la peupler de monologues, de traits d’esprits et d’explosions “pop” dignes d’un cartoon. Car “Tempura” est une pochette surprise où rien n’est défini. Ni l’emballage, ni sa consistance. Fable féministe ? Poème urbain ? Ode à la Vie ? Nul ne saurait le dire. C’est là sa plus grande force. Ajoutez à cela un zest de “Working Girl” de Mike Nichols et une larme de ” The taste of Tea” de Katsuhito Ishii, une photographie chatoyante, une musique enchanteresse et un montage des plus étonnants et vous aurez LA comédie senti-mentale de cet été 2022.
Il y a des films plus lumineux que d’autres.
Fuyez la canicule et enfermez-vous dans une salle de cinéma climatisée.
Ouvrez les yeux. Frémissez.
“Tempura” est le soleil radieux de nos salles obscures.

John Book.