C’est avec une infinie tristesse que nous venons d’apprendre, au sein de Lust4Live, la disparition de Richard Donner. Réalisateur hors-pair avec, à son actif, de nombreux blockbusters de qualité, il laisse derrière lui un « savoir-faire » hollywoodien indéniable et une myriade de fans attristés. Rewind.
Dès 1960, le tout jeune Richard Donald Schwartzberg se lance à corps perdu dans l’industrie de l’image en enchainant films publicitaires et autres documentaires. Martin Ritt (Movie-maker adepte de drames chez les cow-boys et porteur de l’émouvant « Norma Rae ») le remarque et lui met le pied à l’étrier. Ainsi, le jeune rookie devient réalisateur pour de nombreuses séries ( « Au nom de la Loi », « La Quatrième Dimension » , « Perry Mason », « Kojak », « Les rues de San Francisco » ou encore » Des Agents très spéciaux ») et force son destin avec des longs-métrages, hélas, confidentiels. Il lui faudra attendre 1976 et la consécration de « La Malédiction » (honnête film d’horreur marchant allègrement sur les plates-bandes de « L’Exorciste » ) pour voir en cet adepte du film populaire une nouvelle pièce « maitresse » sur l’échiquier Hollywoodien.Très vite, une major lui confie les commandes d’un projet ambitieux qui deviendra l’un des plus grands succès cinématographiques de tous les temps : « Superman. The Movie ». Alors que bon nombre de cinéphiles attendaient des actes d’héroïsme jusqu’à satiété, Mister Donner surprend, enveloppe son alien bicolore d’une douce poésie et privilégie les moments de romantisme pur.
Autres atouts d’importance : Christopher Reeve et Margot Kidder dans les rôles titres. Appliquant la recette connue du binôme bancal que tout oppose, leur duo fonctionne à merveille et rappelle, inévitablement, les grandes figures de l’Age d’or d’Hollywood. »L’Homme d’acier » alterne, donc, scènes de bravoure, effets-spéciaux réjouissants et « storytelling » à l’ancienne sans se soucier d’une quelconque modernité. Bien au contraire, c’est dans le soin permanent apporté au développement des caractères et à un scénario ciselé que l’on décèle tout l’Amour que porte le frémissant quinquagénaire à une époque révolue.Et à DC comics !
Tous les afficionados vous le diront :Racé, amusant, tonitruant et d’une réalisation à faire chialer pour l’éternité un étudiant de la Fémis, la plus belle aventure de Kal-El sur grand écran date de 1978. Point barre.
En 1985, Il poursuit sa quête féérique avec le très beau « LadyHawke, la femme de la Nuit » et sacralise instantanément Michelle Pfeiffer et Rutger Hauer sur l’autel du glamour.Romance digne d’une trilogie de Tolkien mais dont l’intrigue lorgne dangereusement sur « Dark Crystal » de Jim Henson, cette production hybride ne connaitra qu’un succès d’estime. Echec relatif. Richard Donner est bien loin de se douter que son futur long-métrage s’apparentera au plus beau cadeau de Noël qui soit via « The Goonies ».
Et lorsque vous avez 14 ans, à la sortie du film, je peux vous assurer que le choc est titanesque !Rewind again.
Produit par Steven Spielberg et sa boite « Amblin », ce « club des 5 » survolté convoque Indiana Jones et l’Ile au Trésor dans un même éclat de rire et fait la part belle aux dialogues cinglants. Irrévérencieux et impertinents, nos détectives en herbe pulvérisent le box-office français (plus d’un million d’entrées en France et passage TV chez Dorothée) et leurs interprètes accèdent au rang de stars instantanées. Vous avez dit « cultes »? Trente ans plus tard, ces jeunes étoiles brillent toujours d’une lumière particulière au sein de la culture geek et animent des débats passionnés entre cinéphages.
En 1987, c’est le séisme « L’Arme Fatale » qui déboule sur tous les écrans, porté par un duo iconique et un scénario badass de Shane Black (l’un des co-équipiers de Schwarzy dans le premier « Predator », c’est lui… si, si!). Chien fou chez les poulets, Mel Gibson affole tous les tensiomètres en flic suicidaire désabusé et Danny Glover (le méchant dans « La couleur pourpre » et « Witness », c’est lui…si, si!) promène sa force tranquille dans ce polar frénétique. Réussite absolue, « Lethal Weapon » redéfinit instantanément le film d’action pour de nombreuses décennies à venir et nous redonne foi dans l' »actionner » pur et dur.Mieux.L’engouement du public est tel que ce buddy-movie deviendra une franchise incontournable.Un, deux, trois…sommeil ?La saga perdra, malheureusement, de sa superbe dans un dispensable quatrième épisode écrit « au jour le jour » afin de combler le vide annoncé d’une programmation estivale. Budget pharaonique, acteurs payés rubis sur l’ongle et la promesse de retrouvailles entre Martin Riggs ( Martin Ritt?) et Roger Murtaugh.
Qu’importe l’histoire !La Warner s’emballe mais pour cent balles, t’as plus rien.Tant que les billets verts se multiplient…Signe annonciateur.Les années 90 ne seront plus aussi fastes (et bien moins furieuses) pour l’Ami Donner.
Forward.En 1994, Dick opère un retour aux sources avec l’adaptation d’une série TV qu’il connait bien : « Maverick ». Le fidèle Mel et la sublime Jodie Foster se mettent en selle et la Warner se frotte les mains.Hélas !Cette comédie ne joue que sur sa distribution flamboyante et connait de nombreuses pannes de rythme. Western désincarné, « Maverick » truste le Top Five aisément mais prédit un « Wild Wild West » catastrophique encore à l’état d’ébauche (débauche ?).En 1995, c’est sur le seul désir de travailler avec l’interprète de Rambo qu' »Assassins » voit le jour. Scénario brouillon, humour bas de gamme et un trio qui ne fonctionne pas. Stallone+ Stone+ Banderas. Point tu ne banderas.Vous permettez que je disgresse ? Sylvester, loin d’avoir la mémoire courte, insèrera souvent ses amis (oubliés ou blacklistés comme Wesley Snipes) dans ses projets personnels. Prestance. Elégance.
Voilà, c’est dit.
En 1997, « Complots » connait le même déséquilibre dans son casting et sa narration morcelée.Gibson se la joue Gene Hackman dans « Conversation secrète » et Julia Roberts empoche le chèque.Mais, étonnamment, Donner retrouve les faveurs de ses fans et du public par la grâce d’un démarrage foudroyant.Entre-temps, il s’essayera, avec brio, à la production exécutive de films familiaux et fantastiques et réalisera certains épisodes des « Contes de la Crypte »! Il faudra patienter jusqu’en 2006 pour qu’Hollywood se rappelle de/à lui…
« 16 Blocks », donc, ou la réponse vintage et old-school à la nouvelle génération « Fast & Furious ». Apre, méchant et tendu comme un string, le film dénote dans la carrière de Donner. Sorte de croisement entre « L’épreuve de Force » pour le déroulé narratif et « Die Hard 3 » pour son environnement violent, ce Survival urbain offre un retour gagnant à Bruce Willis dans le rôle d’un flic alcoolique et tourmenté. Ses deux acolytes (Mos Def-dont l’album « The Ecstatic » demeure, pour moi, le plus grand album rap dans ma discothèque mentale- et David Morse, immense en toutes circonstances) jouent la carte de la complicité et l’ensemble fonce comme un bolide dans la toundra. Hélas, la foule ne se masse pas aux portes des complexes et la critique boude cette série B classieuse. C’est dans ce retour en demi-teinte que Mister Donner signera le dernier chapitre d’une filmographie généreuse tout en fantasmant sur un cinquième et dernier opus de « L’Arme Fatale ».
A présent que ce producteur-réalisateur d’envergure n’est plus, c’est toute une manière d’appréhender la matière filmique qui disparait à son tour. Une époque où la mécanique faisait la nique au numérique. Où l’aventure pouvait se présenter au seuil de votre maison. Où les héros se nommaient John Doe, tant ils nous semblaient familiers.Si je devais inclure Mr Donner dans une grande Famille du Cinéma, ce serait celle de Richard Fleischer qui s’essaya à tous les genres avec le même appétit, le même talent. Ils partageaient, tous deux, ce don rare de nous faire croire à l’impossible au sein d’une réalité tangible. Le rêve américain pour toutes et tous et cette capacité de nous galvaniser avec des archétypes universels. Efficacité. Rigueur.
Avec Richard Donner, le blockbuster prenait de la hauteur.
Cette absence est cruelle et ma jeunesse fout le camp.
Ne me vient à l’esprit que cette simple phrase : « Merci, Mr Donner. Pour tant de bonheur. Merci. »
John Book.
Crédit Photos : Richard Donner sur le tournage de Superman (1978) / Alamy