“MAXXXINE” de Ti West. When you wish upon a Star.

Ça tape fort sur le bitume. Le long du boulevard des Italiens, non loin de l’Opéra, à Paris, les touristes étanchent leur soif dans des terrasses surpeuplées. Des jeunes filles (top) modèles over-lookées s’extirpent en catimini d’une session -photo, mines contrites et ensemble noir impeccable. Je trace.  Qu’est ce qui me pousse à retourner, un an plus tard, au cinéma ? Le bonheur de fuir les fortes chaleurs dans une salle climatisée ? La joie de retrouver des sensations un temps perdues face à l’écran géant et au son THX du Max Linder ? Ou la curiosité de découvrir le dernier chapitre de la trilogie initiée par Ti West et encensé par la critique ? Il y a un peu de tout cela et, une fois la séance terminée, un peu plus encore.
Quelques mois auparavant, sur la foi d’une vidéo promotionnelle vantant “Pearl”, j’avais emprunté ledit film afin de me faire une opinion. On promettait du “gore” et de ce point de vue, je ne fus pas déçu. Mais aucun frisson ne me parcourut. Cette série “B”, portée par l’interprétation sans faille de Mia Goth (my God!) ne transcendait jamais son (mauvais) genre. Petit paquet bien ficelé pour surprise éventée. Plus tard, ce fut au tour de “X”, sa suite, de trouver une place dans mon lecteur DVD. Etrangement, je n’avais pas fait le rapprochement entre ces deux univers bien distincts mais le dénominateur commun incarné par sa sulfureuse actrice me rappela à l’ordre. Hommage passionné à “Massacre à la tronçonneuse” de Tobe Hooper, à la série Z et aux porn-movie des 70’s, ce (bomber) “X” versait dans le putassier et le voyeurisme avec notre bénédiction de cinéphile. Le diptyque montait, ainsi, en puissance mais peinait à verser dans le cul(te). Trop anecdotique, cet amuse-gueule pour soirée entre potes sentait le renfermé. Le déjà-vu. Ce fut avec étonnement que j’appris qu’un point final à cet « itinéraire d’une enfant pas gâtée » allait être planifié pour cet été. M’ayant “bingé” les deux premiers, pourquoi ne pas conclure cette saga dans une salle obscure ? 
« MAXXXINE », donc.
Six ans après les évènements terribles relatés dans le deuxième opus, Maxine Minx s’est muée en actrice assoiffée de gloire et de strass. Nous sommes en 1985 et notre anti-héroïne compte bien se faire un nom en lettres d’or à Hollywood. En parallèle de cette fulgurante ascension, un mystérieux tueur en série transforme chaque nuit Los Angeles en terrain de chasse et empile les cadavres de jeunes filles dans les rues. Peu à peu, l’étau se resserre sur Maxine qui semble être la raison de ce bain de sang…
Vous l’aurez compris. Pour la forme : le serial-killer. Pour le fond : Hollywood burns. Ti West jongle avec les clichés du film d’horreur pour mieux les détourner et nous offrir un portrait sans fard de l’industrie du rêve.
No firme. No frime.
Là où Tarantino force le trait de sa réalisation (son style ?) et nous prend de haut en citant sa petite histoire du cinéma illustrée à chaque production, Ti West, lui, survole son film en le parsemant de références sans que son scénario n’en pâtisse. Et elles sont nombreuses ! Ici, les jets d’hémoglobine so giallo de Dario Argento ou le plan du siphon aspirant ses résidus dans “Psychose”, l’aspect crasseux des artères urbaines vu dans “Maniac” de William Lustig ou la tête moulée de Freddy Krueger. Là, “Un justicier dans la Ville” avec Charles Bronson (cité dans ce long-métrage !) et sa violence nocturne décomplexée ou le clin d’œil adressé à Traci Lord et sa tentative d’incursion dans le cinéma mainstream via John Waters, etc.…Sans oublier pléthore de symboles dont cette fameuse tête coupée, indiquant que si Maxxxine a bien abandonné son corps (l’industrie du X) au profit de sa tête (le film d’horreur populaire), elle n’en demeure pas loin étourdie par l’appel des étoiles. Enfin, le culte sataniste évoqué régulièrement dans cette sordide affaire renvoie tout aussi bien à Charles Manson qu’à Polanski et son “Rosemary’s Baby” ( la réalisatrice Elizabeth Bender spécifiant bien à sa
protégée qu’elle veut marquer de son empreinte le monde du 7ème Art via un film d’horreur “au-dessus de la mêlée”). Une mise en abime des plus savoureuses, Ti West comptant bien en faire de même-ou presque- avec son dernier opus. 
Et c’est un pari osé mais gagné !
Saluons, ainsi, la réalisation “soyeuse” de ce dernier et ses mouvements de caméra loin de toute pose arty.  Saluons la photographie mi glamour, mi glauque d’Eliot Rockett. Et que serait « Maxxxine » sans sa bande originale orgiaque et ses effets sonores appuyés ? Le Cinéma ? Il est là, à fond les ballons. Et même si certain(e)s trouveront cette “Maxxxine” bien sage, au regard des maitres de l’épouvante, Ti West ne révolutionne en aucun cas le slasher movie.
Non.
Ce n’est pas son propos. 
Son but n’étant autre que de s’amuser avec un matériel préexistant et déclarer sa flamme à ses pairs (pères) de Cinéma. Au risque de balbutier un discours tant de fois entendu, toute l’originalité d’un long-métrage ne réside plus dans son scénario (tout fut conté et décompté) mais dans son style. Ti West en est le chantre, tant “Maxxxine” fait plaisir à voir, tout simplement.
Alors soit, agenouillons-nous devant une distribution à faire pâlir Roger Corman ! A commencer avec Mia Goth, ensorcelante actrice au talent explosif et productrice confiante, dont chaque plan semble s’adapter à son étrange beauté. Elisabeth Debicki (vue dans “Les Veuves ” et “Tenet”) incarne son mentor avec force et froideur, Moses Sumney, chanteur/musicien de son état, joue avec délectation le boyfriend courtois et stéréotypé dans sa fin inéluctable, Giancarlo Esposito incarne un agent badass top “moumoute”, Michelle Monaghan (Mme Ethan Hunt, c’est elle!) et Bobby Cannavale ( vu dans “Lovelace”, autre témoignage sur l’industrie du porno!) forment un duo évident et Kevin Bacon, métamorphosé, étonne dans le choix d’un personnage particulièrement dégueulasse. 
Oui ! Agenouillons-nous.
Généreux, malin, sexy et sanguinolent, “Maxxxine” s’adresse à toutes celles et tous ceux qui ont hanté les salles de ciné en banlieue dans les années 80. A toutes les frappadingues qui fantasmaient sur les sorties annoncées dans “Mad Movies”, “Impact” ou “L’écran fantastique”. A tous les fétichistes qui scrutaient les photographies en amont d’une séance sur le fronton de l’Aviatic ou du Parinor. A tous les amateurs de VHS en V.F., toutes les amatrices d’affiches explicites. Ne passez pas à côté de ce chant d’amour. Que vous soyez adeptes de l’extrême, fanatiques des premières séances, simples spectatrices ou fondu(e)s de cinéma bis, “Maxxxine” c’est… “une robe de cuir comme un fuseau qu’aurait du chien sans l’faire exprès et dedans comme un matin gris une fille qui tangue et qui se tait.
C’est extra.”.
John Book.