“Lucky Strike” de Kim Yong-hoon. Money don’t matter 2 night.

En matière de polar, difficile de se renouveler tant les champs des possibles furent exploités jusqu’à plus soif. Formats narratifs classiques, personnages archétypaux, climat aux ambiances déjà vues. Tout a été dit. Les cinéastes actuels ne faisant que répéter ad-libitum la même formule scénaristique.
Comment, en 2021, assortir essai novateur, ton original et hommage appuyé ?  Comment s’extirper du lot face à la déferlante de thrillers programmés chaque année ? En puisant à la fois dans sa propre culture et ses propres références. En dynamitant des codes préétablis tout en imposant son style. Car en Amour comme en Cinéma, tout est toujours affaire de geste, de surprise et d’élégance du trait.
Là se distinguent les cinéastes surdoués. Par leur capacité à transcender un classique du (mauvais) genre en œuvre personnelle et éminemment culturelle.

C’est ici le cas de Yong-Hoon Kim, jeune réalisateur de 39 ans, qui en une seule bouffée enfume méchamment Park Chan Wook et Bong Joon-ho.
Vous pensez que je m’enflamme ?
C’est exact. Je brûle pour ce “Lucky Strike” vibrant et exaltant.
Et pourtant ! Nous connaissons la mélodie (en sous-sol) sur le bout des doigts. Un sac rempli d’argent sale se retrouve, par inadvertance, entre les mains d’une personne innocente et dans le besoin. Muée par l’appât du gain, cette dernière se retrouvera engluée dans un monde de violence et la morale jouera pianissimo les abonnées absentes. Je ne vous apprends rien. ” Un plan simple” de Sam Raimi, “The passenger” de Jaume Collet-Serra, ou “Petits meurtres entre Amis” de Danny Boyle, ils sont nombreux à avoir traité de la cupidité via une mallette égarée.
Le cinéaste coréen en est conscient, absorbe parfaitement la filmographie de ses pairs, injecte à son premier film choral une dose d’humour noir ravageuse et s’ingénie à multiplier les pistes. Le dénominateur commun ? Un bagage luxueux. Reste à faire le lien entre un employé de hammam, son épouse, une tenancière tordue, un meurtrier hâbleur, un flic sournois et une mère sénile.
Et, bon sang, que cela fonctionne !De nombreux réalisateurs s’emberlificoteraient dans une intrigue aux nombreuses ramifications, Yong-Hoon Kim élève notre plaisir au gré des pérégrinations de ses protagonistes.
Voici le principal tour de force que ce premier long-métrage séduisant et maitrisé relève sans broncher.

La distribution participe, aussi, à cette montée de fièvre cinéphile. Jeon Do-yeon (vue dans “Secret Sunshine” et ” The Housemaid“) excelle en femme fatale, Jeong Woo-seong habite avec force un mariole inconséquent et Bae Seong-woo joue les victimes avec un naturel confondant.
Enfin, la réalisation tout en mouvements chatoyants, travellings veloutés et tempos savamment orchestrés finit de nous achever dans un râle d’extase.
L’avenir du thriller serait-il asiatique ?
Lucky Strike” est source de promesses.
La promesse d’un avenir radieux, pour ce réalisateur surdoué, au sein du 7ème Art. La promesse d’une fidélité absolue de ma part quant à ses prochaines émulsions cinématographiques et la promesse d’un retour en salles obscures… imminent ?
En attendant, Beware, American Scriptwriter & Director!
The Empire of the Soleil Levant Strikes Back !

John Book.