« Louxor » de Zeina Durra. Walk like an Egyptian

Portrait d’une jeune femme en feu. Hana, médecin anglaise œuvrant dans l’humanitaire, est de retour en Egypte afin de se recentrer. Noyée dans une chemise blanche vaporeuse, son regard et son attitude sur le fil trahissent une immense fragilité. Que cache Hana ? Quelles sont les raisons précises de sa présence au sein des pyramides ? Spectre évoluant de chambres d’hôtel en friches archéologiques, notre anti-héroïne cherche sa place et semble fondre intérieurement en larmes à chaque instant. Personnage des plus romanesques, son passé est sa malédiction et son fardeau.  Une expérience traumatisante sur le terrain ?  L’inutilité ironique de son métier au milieu d’une guerre qui la dépasse ? Impossible de lire dans cette beauté diaphane. Secret professionnel oblige, Hana verrouille sa carapace sous des silences embarrassés. Une phrase trop courte, un pas de côté et l’on décèle, sans mal, les nombreuses fêlures qui craquèlent en son être et la transpercent de part en part.  Take Caire. Par la grâce de retrouvailles avec Sultan, son ancien amant, et de rencontres inopinées en lieux sacrés, Hana entrouvrira le voile de sa vie vers une possible guérison.Louxor pour seul élixir.Abandonnez toute certitude en embarquant pour ce road trip senti-mental. Le dernier long-métrage de Zeina Durra est un film -gigogne où les genres se télescopent. Drame ésotérique ? Poème sensitif ? Ode à un pays marqué par l’Histoire ou simple polaroïd ? La réalisatrice de « The Imperialists are still alive! » a la grande intelligence de convoquer notre ressenti plus que notre intellect. A nous de déchiffrer ce qui se trame sous les plis de son récit initiatique. A nous de percer à jour la béance d’Hana. Quel est le point de connexion entre le dehors et le dedans ? Quel est le but sous-jacent de ce voyage immobile ? Quelles sont les motivations profondes de cette errance langoureuse ?Tout comme son prénom, la vie d’Hana se substitue à un palindrome qu’il faut lire dans les deux sens. En avant et en arrière. Hana se projette dans un avenir opaque mais s’empêtre dans d’encombrantes réminiscences. Son attitude souvent hiératique sonne comme une dépression. Ballotée entre l’avant et l’après, Hana trouve refuge dans ce qui fut une parenthèse enchantée.Retour, donc, à la case départ et porte de sortie pour toute réponse à la folie.Chez notre scénariste britannique, la cité antique de Thèbes se mue, alors, en personnage à part entière et semble indissociable du quotidien de sa protagoniste. Hana vit la ville, marche sa ville, arpente ses couloirs et ses replis ombragés pour mieux faire corps avec. Son marivaudage ne peut prendre essor que dans son propre décor. La spiritualité diffuse qui se dégage de chaque virage, chaque interstice ou chaque découverte la nourrit. Ivre de poésie et de Luxor (luxure ?), Hana joue les touristes dans une cartographie intimiste.Ouvrage lent et néanmoins fascinant, « Louxor » se déguste comme un thé à la menthe : en prenant son temps.Certaines y décèleront une note de Rohmer (sans les dialogues). D’autres du Kieslowski (sans l’emphase).J’y vois surtout la marque d’une réalisatrice amoureuse de son actrice.Car cette aventure intérieure ne serait rien sans la prestation nuancée d’Andrea Riseborough. Mutique et évanescente, cette immense interprète (vue dans « Possessor » de Brandon Cronenberg ou le galvanisant « Mandy » de Panos Cosmatos) offre sa plastique au service d’une œuvre mystérieuse et inspirante. Ses silences sont comme autant d’aveux d’impuissance et sa présence (digne de Tilda Swinton) séduit autant qu’elle fascine. Le reste de la distribution (Janie Aziz et Karim Saleh, entre autres) est, également, d’une justesse rare. Habitée et au service d’une intrigue minimaliste, elle illumine cette chronique féministe sans le moindre faux pas.Enfin, la superbe photographie d’Almira Gainza nimbe cette quête d’une douceur bienveillante proche du rêve.Hâtez-vous! Ne loupez pas cette 8ème petite merveille du Monde (cinématographique).Bien plus qu’une expérience sensorielle, « Louxor » est un cri d’Amour adressé aux milliers d’âmes esseulées qui peuplent nos continents et nos salles obscures. »Diamant précieux. Sous le vent sur le Nil.Entre tes deux yeux ».
John Book.


https://youtu.be/AeSkW1-Tw6k

Luxor Trailer #1 (2020) | Movieclips Indie