Alain Souchon et ses fils Pierre et Ours jouaient jeudi 27 juin dernier au festival Archéo-jazz, près de Rouen en Seine-Maritime. Une belle occasion de découvrir un festival dont la réputation n’est plus à faire.
L’idée était d’aller voir Alain Souchon et ses fils Charles, le cadet, dit Ours, et Pierre, le plus grand, sur scène. Cela s’annonçait cool. J’avais eu l’ancien président au téléphone, Jérôme Bénet. Il avait été très clair : « Vous avez une carte de presse, vous rentrerez sans problème mais pas de photos en devant de scène, c’est réservé au photographe de l’association. » Pas souci pour moi et un peu trop beau pour être vrai, mais prenons le président au mot, non sans avoir envoyé un mail resté sans réponse pour annoncer ma venue.
Bon d’accord, 2025, ce n’était peut-être pas la meilleure année pour venir. La veille, une météo catastrophique avait contraint les organisateurs à annuler le spectacle d’ouverture avec Keziah Jones et Eagle-Eye Cherry.
M’enfin, n’ayant pas eu de réponse à mon mail, j’avais restreint mon programme à l’essentiel : le spectacle d’Alain Souchon et celui de Barbara Pravi : il faut quand même se faire 45 minutes de voiture depuis Rouen et serpenter dans des petites rues pour arriver sur site. Et puis disons le franchement, la rive droite de la Seine, le Touquet tout ça … Cela n’a jamais été mon truc.
Une bonne saucée de flotte
Bonne surprise, on trouve facilement le site, et on suit les indications des nombreux bénévoles, jeunes et moins jeunes, mobilisés sous un rafraîchissant crachin normand. N’étant ni garé au parking PMR, ni au parking VIP, je suis évidemment trempé en arrivant aux accréditations. Et de me retrouver bien penaud lorsque l’on m’a d’un air rigolard, limite méprisant on me refuse d’une manière définitive l’accès au chapiteau. La directrice de communication et le nouveau directeur du festival prenaient visiblement leur pied à me refuser l’entrée en sous-entendant que j’étais un affabulateur.
Ben oui cocotte, dans ces conditions, tu aurais juste répondu à mon mail, je crois que je ne serais même pas venu, les manifestations sympas, c’est pas ça manque en cet été 2025 post-covid. Passons, mais bon, c’est quand même la seconde fois en deux mois qu’on me fait le coup à Rouen de la soirée privée. Ben oui, on imagine bien que faire venir 2 400 personnes sous un chapiteau se fait sans le moindre apport d’argent public. Et puis, c’est pas Versailles ici, c’est juste les ruines, magnifique d’ailleurs, du site historique classé de Blainville-Crevon, un château moyenâgeux restauré depuis 35 ans par une équipe de bénévoles passionnés.
Bref, j’en passe et des meilleures, demi-tour toujours dégoulinant de flotte en ronchonnant (on est en Normandie quoi, normal !), toujours sous la pluie, vers mon véhicule garé, pour ceux qui connaissent, tout en haut du parking.
Et là, un miracle !
Au milieu de la côte, un bénévole remarque ma détresse. Je lui explique rapidement la situation. Ni une ni deux, en 2/2 donc, il appelle le créateur du festival, 75 ans bien tapé, avec son talkie-walkie. Ce dernier lui confirme mes propos et illico presto, demi-tour, encadré cette fois par deux bénévoles très sympas, ce qui me permet d’en apprendre un peu plus sur le site, les motivations et la raison d’être de l’Association Château Blainville 76. Comme quoi la vie c’est simple comme un coup de talkie …
Le chapiteau est complet depuis longtemps, des locaux surtout, mais on me trouve une petite place, trop cool, devant la sono, près d’un poteau. Le concert va commencer. Le temps de sympathiser rapidement avec ma voisine venue avec son mari et revoilà sur scène, toujours dans sa chemise blanche toujours immaculée, Louis Benet. Ben oui, il n’a pas pris la pluie lui. Tout sourire, micro en main, celui qui m’a gentiment éconduit dans un mépris presque gênant il y a 30 minutes, a pris la présidence de l’association en 2022 et fait, c’est bien normal, le show sur scène pour l’ouverture du festival. Passons les discours officiels car bientôt apparaît, en chemise blanche lui aussi mais avec une veste, gardons l’élégance quand même en ce début de spectacle, Alain Souchon, légende vivante de la chanson française.
Ours et Pierre, tous les deux musiciens de haut vol, accompagnent leur père à la guitare, Pierre est souvent au piano. Entre les morceaux, on se chamaille en public, on fait ressurgir les fantômes du passé et tout une époque défile. Celle du changement de siècle.
Chanteur, acteur, dénonciateur
Premier grand moment avec La Beauté d’Ava Gardner. Cela se voit, cela se sent, cela s’entend, le spectacle va être magnifique et rien ne pourra le perturber. Alain Souchon est heureux d’être là, avec ses enfants. Les instruments résonnent avec voluptés. Dans un silence presque de cathédrale, le son est resplendissant, vraiment, les jeux de lumière à la hauteur de l’événement.
Dans cet écrin de velours, le papa et ses deux enfants font défiler les chansons cultes, souvent d’habiles descriptions du monde contemporain. Les Cadors, La Ballade De Jim, plus que des succès populaires, les marqueurs d’une époque.
Comme cette chanson, L’amour en fuite, forcément empreinte de nostalgie, le temps d’une anecdote autour de Dorothée et de François Truffaut. Alain Souchon, c’est aussi le Pin Pon de L’été meurtrier. Un grand acteur dans l’âme. Cela tombe bien, Âme Fifties, l’un de ses derniers succès, replonge un peu plus dans les années passées.
Les chansons C’est déjà ça et S’asseoir par terre sont plus politiques mais n’ont pas pris une ride. Elles n’ont même jamais semblé aussi actuelles. Un titre d’Ours, un autre de Pierre Souchon, un troisième de Laurent Voulzy, l’acolyte de toujours, sont encore l’occasion de savoureuses anecdotes mais que penser de Sous les jupes des filles. Alain Souchon pourrait-il écrire une chanson comme celle-ci aujourd’hui ? Et d’ailleurs que penser de Le Chanteur de Daniel Balavoine ou même, encore pire, des paroles de Les Villes de Grandes Solitudes de Michel Sardou ?
Quelques chansons permettent de méditer le sujet et voilà justement Poulailler’s song. Le titre défonce tout, c’est clair, avec tous « ces jeunes assis par terre … habillés comme des traîne-misère … on dirait qu’il n’aime pas le travail … ça nous prépare une belle pagaille. » On y est non ? Mais la pagaille, pas de risque que cela se passe ici. Même la vapoteuse est interdite.
Celui induit un confort maximum pour apprécier la déferlante finale de tubes : L’amour à la machine, Foule Sentimentale, Quand j’serai K.O. J’ai dix ans, et enfin Allo Maman Bobo pour une dernière chanson en solo à la guitare.
Une sortie en douceur
Difficile alors d’empêcher 2 400 personnes enthousiastes, même s’ils ne sont plus tous très jeunes, de se mettre debout pour applaudir à tout rompre.
Ce jeudi 27 juin 2025, Alain Souchon a lancé d’une manière aussi insolente que brillante la 46ème édition du festival Archéo Jazz. On nous prévient qu’il vaut mieux profiter de la restauration (pas chère) et du bar, pour éviter les inévitables bouchons de fin de concert. Moins d’une heure plus tard, on avait bien bu et bien mangé. Sur le parking, de jeunes bénévoles enthousiastes continuaient d’assurer la fluidité de la circulation dans le parking sauvage et gratuit de la colline de Blainville. Et bonne nouvelle, ma voiture n’a pas été enlisée !
Quelle belle soirée cela a été ! Et dire que le dimanche Barbara Pravi se produisait à son tour ici en clôture du festival ? Ben rien, on a pas eu envie d’y retourner … Je dois être un peu Bidon moi aussi. Frustration.
Texte et photos : Patrick Auffret






















































