James Mangold est un alchimiste. Non content d’avoir réalisé des blockbusters inscrits en lettres d’or sur le fronton de l’histoire hollywoodienne, ( « Copland », « Walk The Line », le remake de « 3h10 pour Yuma » et « Logan », s’il vous plaît) ce scénariste et producteur de génie nous revient en grande forme, un nouveau biopic sous le bras. « Le Mans 66 », donc, ou l’histoire d’une complicité indéfectible entre Ken Miles et Carroll Shelby au sein de l’écurie Ford et face au mastodonte Ferrari.
Une course contre la montre qui devait remettre la toute puissance américaine sur le devant de la scène et les compteurs à zéro.
Bon nombre de réalisateurs peu inspirés se seraient vautrés dans une déferlante d’amitié virile, de caisses rutilantes et d’une bande-son formatée. Mais c’est mal connaître le savoir faire indubitable du cinéaste new-yorkais.
Doté d’un duo du « tonnerre » ( le ténébreux Christian Bale et le solide Matt Damon se répondent l’un l’autre sans en faire des caisses), d’un casting pétaradant (Jon Bernthal, mi Punisher, mi Mad Man taille un costard à Cary Grant dans le grand Prix de l’élégance, Caitriona Balfe, toute en émotion retenue, nous remue et Tracy Letts en impose en directeur furibard et pleurnichard) et de scènes proprement hallucinantes, « Le Mans 66 » déroule ses 2H20 pied au plancher sans nous laisser le temps de ravaler notre salive ou de reprendre notre respiration. Mieux, ce film sensitif-et bénéficiant, comme toujours, d’une photographie sépia et soignée-nous élève littéralement de notre fauteuil par la grâce d’une réalisation alternant classicisme et prises de risque (cette fameuse scène de bolides sous la pluie!). Ainsi, on se remémore souvent Ryan Gosling et sa carcasse spatiale faite de bric et de broc s’extirpant de l’attraction terrestre dans le très beau « First Man » de Damien Chazelle. Le défi insensé d’une vie. A l’image de cet astronaute, nos deux anti-héros défient aussi les lois de l’apesanteur et nous emmènent très loin et très haut. Une histoire d’Hommes roulant des mécaniques, certes, mais le cœur au bord de l’explosion. On tient les paris? L’admiration que porte Ken Miles à sa muse et son fils vous arrachera , au final, des larmes de bonheur.
Sans aucun doute l’un des films les plus marquants de cette année 2019,« Le Mans 66 » est l’ Hommage respectueux d’une certaine forme de cinéma exigeant et populaire où les cow-boys se nommaient Steve Mac Queen et Gene Hackman. Où la poussière du bitume se substituait à celle des saloons. Où les nouveaux westerns se paraient d’une dorure urbaine et sociale et où les bagnoles avaient de la gueule.
A n’en pas douter, Big James peut se revendiquer comme le digne successeur de John Ford (fatalement!) et de Clint Eastwood dans leur manière d’ appréhender leur narration et l’humanité de leurs personnages… aussi sombre soit-elle.
Man-gold ou l’art de changer les sens (sans plomb) en or.
Un alchimiste, on vous dit !
John Book.