Les Frères Tyran depuis ce temps… « La Mobilisation »
Les Frères Tyran ont été une des très grosse surprise musicales en avril 2019. En effet lors de fouilles « Internétiques » ou « Webologogiques », au choix, on a croisé les riffs de ces deux joyeux empêcheurs de tourner en rond dans la musique.
Des mots se cognent brillamment à leurs musiques et oui les voilà qui reviennent face à nous en unissant leurs forces pour un nouvel opus « La Mobilisation« … A la première écoute, première claque.
Là on partait pour un univers aux ambiances entre Murnau et Ferré l’anarchiste des années passées (et pourtant bien d’aujourd’hui)…
Un entre deux guerres immergé dans la violence et le mystique.
Un poil à gratter musicale, excitant et rafraîchissant dirait-on, oui mais à base d’absinthe. Ce denier ingrédient est là pour le vertige, histoire de prendre de la hauteur. L’ivresse est un ressenti qui vous saisit dès le premier titre. Qui aurait cru que les Années 20 aurait été aussi similaire avec nos années actuelles. Latitude positivement lascives et rock, dans nos temps nombrilistes, qui noient aussi l’humain si on ne garde pas un œil ouvert.
Il s’agit bien d’un acte de foi en la liberté, qui émane des titres de Frères Tyran. Le ton direz-vous…
Eh bien il est à la hauteur du défis qui face à nous. Le but, éviter les entre-soi pour surmonter les connivences supposées ou réelles. Etre mobilisé n’est-il pas juste le fait de rester vigilent à ce qui peut nous détruire.
Les artistes se doivent de trouver leur propre voie pour rester authentiques. Alors là, avec cet album, nos compères les Frères Tyran y sont. Il ne nous manque plus que le partage avec la scène comme médiatrice d’émotions vraies.
Leur rock psyché n’y est pas étranger. Les boucles montées comme des rosettes de lacets, vous embarque les neurones. Les paradoxes sont multiples et s’emmêlent ; ils sont notre quotidien. Nous pouvons crouler sous les produits de toutes sortes et pourtant nous avons de plus en plus les deux pieds dans le marché noir.
Serait-ce que nous nous sommes allié à la facilité de consommer jusqu’au gavage ?
Tout cela est le carburant des Frères Tyran, les travers de l’humain et ses humeurs qui influent sur les événements.
Aujourd’hui c’est avec les mots et la franche musicalité des Frères Tyran que nous avons rendez-vous pour un interview qu’ils nous ont accordé, autour de cette fameuse mobilisation.
Avec le titre, Les années 20, ça balance comme un disco fou venu du fond des âges. Quel a été son processus de composition ?`
Tu as raison, le rythme bouge les hanches plutôt que la tête. Pour ce premier titre, on a bien accordé nos guitares et on est parti d’une rythmique pétillante. Un truc qui met en mouvement. On ne le savait pas encore mais c’était le premier morceau d’un projet qui allait voir le jour quelques mois plus tard, lorsqu’on a mis en chantier ce nouvel album. Les années 20 est le morceau fondateur qui nous a permis de nous noyer dans quantité d’archives sonores, visuelles, politiques et culturelles, matière et terrain de jeux qui nous a donné envie de faire des parallèles entre les deux décennies du 20e et du 21e siècle.
Tout ça s’est aggloméré dans nos têtes. L’album était sur les rails. Il n’y avait plus qu’à créer les gares. Pour le clip, vu qu’on entrait dans le premier confinement et que beaucoup d’entre-nous étaient coincés à la maison, le moment était tout trouvé pour marcher avec les Tyran. La collecte de films sur FB a super bien fonctionné. Les gens nous ont envoyé leur film et ça a donné la matière vivante du clip. La mobilisation était en route. On a récidivé pour Marché noir.
Dans le titre Marché noir justement, on plonge dans des paradoxes, des opposés et tout ça s’unit dans un même environnement quotidien. Comment écrivez-vous ces histoires mêlées ? Est-ce un cadavre exquis ou un très long temps d’écriture ?
Que ce soit pour l’écriture, la composition et la vidéo, tout bouillonne, tout se dilue, tout s’absorbe. Nous improvisons continuellement sans vraiment savoir où l’on va, tout en sachant plus ou moins où ça se trouve, le principal étant de savoir quand on est arrivé. On part de notre vie de tous les jours, on est à l’écoute, on traque les détails et on fabrique des chansons avec. Pour exemple, la boulangère aux gant noirs et le black au masque blanc existent bel et bien, le rêve du cadre à chat également. Pour La Voix de son maitre, on a été chercher les paroles dans Le fantôme de l’opéra de Rupert Julian – 1925, un film muet ! On aime bien les paradoxes ! Ça peut aussi être prenant, très long, mais comme disait Pierre Perret, il faut parfois un jour pour écrire un mot.
Qui est le Krachman ? Et la Femme mouche ? Imaginaire ou parallèle ? Et pourquoi sont-ils l’un contre l’autre ?
Ce titre est une instrumentale bruitée, doublé d’un clip. On utilise très souvent des bruitages et autres sons type effets spéciaux dans les morceaux, des sons pêchés dans des films, des reportages, des archives sonores ou enregistrés par nos soins dans la vrai vie. Dans cette chanson-là on s’en ait donné à cœur-joie. A travers le scénario – qui était très ouvert ! – on suit Krachman, notre super-héros joué par Thierry Machard, et la Femme-mouche, jouée par Elodie Mamet. Pour ceux qui n’auraient rien compris, l’histoire tient en quelques mots : Krachman est un voyageur temporel qui dévisse les places boursières pendant que la Femme-mouche, notre méchante, tente de l’en empêcher en lui fourrant des drones dans les pattes. La musique est à la sauce série/super-héros. Dans le monde parallèle des Tyran, notre réalité dépasse votre fiction.
Le titre « Le Bonimenteur » est né comment ? et toujours la même question, quel parallèle faites- vous avec ce récit, dans notre histoire moderne ?
Nous en connaissons tous. Le bonimenteur est un personnage perpétuel ! Une sorte de joueur de flûte de Hamelin, ou de pipeau selon l’époque, qui va de ville en ville et de rond-point en rond-point, avec son cheval et sa charrette-prison pour faire miroiter un monde meilleur à celui qui veux bien se faire prendre. Cà passe par le progrès, la politique, la technologie, fourguer sa camelote en conserve. Tout brille sur ses étagères : le bonheur en boîte et même les sucreries, mais gare à celles et ceux qui croiront en son rêve et consommeront sa réserve car c’est eux que le bonimenteur piègera et emportera finalement avec lui.
On a construit ce titre comme une histoire, ce qui est souvent le cas dans les chansons des Tyran. Au milieu du morceau, on fait basculer l’auditeur dans une sorte de bande originale de film ou le bonimenteur aux 1000 visages captive la foule avant de piéger ses proies dans sa cage dorée. Cette chanson aurait pu servir de cadre à une nouvelle de Richard Matheson écrite pour the Twilight Zone, comme dans cet épisode ou un cirque itinérant passe de ville en ville, enlevant les mauvais parents pour les enfermer dans des cages de verre en attendant que d’autres enfants en choisissent de nouveaux, repentis et aimants. Le clip est un dessin animé, original, actuellement les tripes à l’air sur la planche du laboratoire des Tyran. On brûle d’impatience de vous le faire découvrir.
Les Frères Tyran ont vu le jour sous quelle lune ? Rousse ou noire ?
Sont-ils si effrayés des travers de notre époque dont ils sont une constituante ?
Notre lune est comme un gnon à l’œil, elle passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, ultra-violet et infra-rouge compris ! Mais au fond, nous sommes tous les deux des optimistes et on voit plutôt le rock comme une transmission d’énergie positive, une machine infernale pour rêver notre quotidien. Qui d’entre nous n’a pas connu la déflagration, dans sa bagnole ou ailleurs, d’un titre qui par sa charge, nous bouleverse et change le ton de notre journée, voire de notre vie ?! C’est exactement ce que nous cherchons. Pour y parvenir, on cultive notre jardin et l’on presse bien à fond nos cerveaux-éponges pour en tirer le meilleurs jus, sans auto-censure et sans trier nos sentiments. Passion, rage, amour, peur, joie, révolte sont notre carburant émotionnel et nous nous employons dans notre labo, à mettre au point une recette la plus explosive possible.
Le monde dans lequel nous vivons est bien compliqué, les bonimenteurs nombreux. Nous préférons de loin aborder dans les Frères Tyran cette complexité en réduisant ce monde à une boite de jeu dont nous sommes les maîtres. À la fin du compte — et du conte ! — chacun est libre de comprendre ce qu’il veut. Ce n’est plus notre problème.
Le son est très travaillé, toujours un ressenti légèrement rétro dans les rêves et le grain des guitares, nostalgique 70 ?
Si le son paraît travaillé, c’est qu’en enregistrant, mixant et masterisant nous-même nos titres, nous ne sommes pas contraints de compter notre temps comme dans un studio traditionnel, donc on le prend. Mais t’as raison, on est loin du minimalisme ! Notre musique est foisonnante ; elle est à la fois le fruit de toutes nos influences et de nos propres limites techniques. Nous sommes nés dans les années 60/70. Depuis notre naissance, on s’est nourri de cent cinquante ans de musique en tout genre. Sinon, pour tenter de répondre à ta question, nos guitares ont été fabriquées au début des années 70, pour le son faut peut-être aller chercher par là… Franchement on n’en sait rien.
Nostalgie, nostalgie… Quand t’as des enfants, être nostalgique est un rien pathétique, non ? Dans cet album, le passé est utilisé comme un éclat de miroir brisé, et non comme une référence perdue à réactualiser. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est notre putain de présent. Et puis tu sais, dans les Tyran, enfants, ados, adultes, nous avons tous les âges en même temps ! N’oublie pas qu’étant de vrais frères dans la vraie vie, nous partagions autrefois la même chambre et le même lit superposé, nous « jouons » donc ensemble depuis nos premières années.
Ambiance « Variation sur Marilou » avec Alice et Jojo ?
On ne va pas te mentir, on a pensé à Gainsbourg quand cette chanson, un peu plus calme que les autres, est sortie de notre chapeau, sans prévenir. On vient de réécouter Variation sur Marilou où l’on redécouvre les assssssonance en « s » auxquelles tu dois faire allusion. Cela dit, Alice et Jojo sont bien nos feu grands-parents, et ces amoureux-là se sont bien rencontrés dans les années 20, dans la queue de l’opéra-bouffe ! Heureusement pour nous !
Il y a beaucoup de références littéraires dans les textes de vos chansons. Quels sont vos auteurs si inspirants ?
Ta question est intéressante puisqu’en faisant le tour, on n’a pas trouvé de références explicites dans nos chansons sauf Marie Shelley dans Frankenstein 19 et Gaston Leroux dans la Voix de son maitre. Par contre nous véhiculons dans les Tyran, consciemment ou non, tout ce que ce que nous avons dévoré et digéré. Étant de la même génération qu’une bonne partie des gens qui nous écoutent, et donc la tienne, on partage un grand nombre de codes et de références en tous genres, c’est donc tout à fait normal que l’ensemble des homo sapiens, aliens, zombis ou autres créatures de l’e-monde compris, projettent les leurs sur la musique, les paroles et les images des Tyran.
« Les 3 notes de musiques », pour La Mobilisation, ça vient d’où ? La chevauchée des fées vertes ? Message et rêverie, c’est possible ?
Trois notes pour tout changer.
Tin… tin… tin…
Écouter : https://lesfrerestyran1.bandcamp.com/album/la-mobilisation
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Guillaume & Stef’Arzak
Les Frères Tyran « La Mobilisation » – EP Mai 2021