JÉRÔME SEVRETTE – SLOW PULSE BOY

Somewhere the blast furnace explodes 
Plumes of amber in the night sky 
Each explosion bounces 
From horizon to horizon 
From horizon… to horizon


And also the trees – Slow pulse boy

Découvrir au hasard des publications sur Facebook ici et là certaines photos. Et se dire là, il y a quelque chose. Donc un étonnement. Une claque. Comme la première fois que vous avez vu apparaître un certain Robert Smith sur l’écran vidéo familial à l’heure du Top 50. Un noir saturé, un blanc claquant. Sombre enchantement. Marque de confection d’un artisan discret, peu bavard mais charmant, Jérôme Sevrette.

Son premier rapport à la photo ce sont les pochettes de disques, il a alors 10 ans. Son grand frère étudiant à Rennes allait chez Rennes musiques et ramenait des disques, des 33 tours, dans la maison familiale de la Sarthe. 

« C’est comme ça que j’ai connu la musique et l’image qui allait avec. And also the treesJoy division, Dead Can Dance… J’aimais l’ambiance générale, j’étais impressionné par le soin que des groupes prenaient pour une pochette, avec un beau graphisme. Un monde s’ouvrait à moi. » 

Une ombre abstraite qui se glisse jusqu’à devenir concrète…Alors il ose, collégien, et réalise sa toute première série de photos : près d’un étang, il y a du  brouillard, la lueur du matin commence à apparaître, ambiance cinématographique.

Puis la batterie entre dans sa vie, il fait alors partie d’un groupe Keep punching. Exit alors l’appareil photo qui restera sagement sur une étagère. A 24 ans il arrive à Rennes et son envie de saisir à nouveau l’objectif le reprend. Imprégné du travail du photographe Anton Corbin, ce noir et blanc si particulier (Anton Corbin Hollandais qui délaissa sa terre de fromages pour se frotter aux groupes qu’il écoutait dans sa chambre : Joy Division… et dont il tirera un film Control, composé de magnifiques plans. Il deviendra surtout le photographe officiel de Depeche mode mais aussi de U2).Jérôme Sevrette fût très influencé plus tard par Richard Dumas pour ces magnifiques portraits. 

Au fur et à mesure il aiguise son style, et fait jaillir son inspiration, son expression intérieure, son propre noir et blanc. 

L’achat d’un appareil numérique va révolutionner son rapport à la photo. Essayer, essayer encore quite à s’égarer.

« Au début je produisais des séries et je ne voulais pas de présence humaine. Je recherchais des ambiances, du naturel, créer une mise en scène dans des lieux bizarres, perdus, abandonnés, en ruines, des friches industrielles : des séries que je déclinais avec un début et une fin, ça m’importe de raconter des histoires. »

La photo de concert c’est arrivée sur le tard, comme faire des portraits.

Pour gagner sa vie il était salarié dans un centre d’art. La photo se concevait de manière professionnelle mais dans son coin, il réalise aussi des expos.

A l’époque, il a une page Myspace (l’ancêtre d’Instagram et de Facebook).

Il reçoit alors une demande du manager de Xavier Plumas (chanteur de Tue loup). Il voulait un portrait avec certaines consignes : en couleur, du bleu, et que l’on voit de l’eau : « J’ai écouté…pas senti la flotte, pas de couleur…Moi je voyais du noir et blanc, des clairières, des arbres, un rapport à l’intime, j’en ai fait une série puis j’ai réalisé son portrait, puis des détails de l’intérieur de sa maison… je lui ai envoyé en étant sûr d’essayer un refus. » Surprise ! La série sera validée et son portrait fera la pochette du disque. Comme quoi il est préférable de rester soi-même et de suivre son instinct.

Jérôme Sevrette n’est pas idolâtre. Il n’a jamais demandé le moindre autographe. En même temps il vaut mieux rester serein, calme, surtout lorsque vous vous retrouvez au Festival fête du bruit de Landernau avec un certain Iggy dans le viseur. 

En 2007, plus improbable c’est Simon Jones de And Also the Trees qui lui demande un polaroïd, par Myspace.

Il avait réalisé une série de polaroïds en noir et blanc. Cette photo deviendra la pochette de l’album (listen for) the rag and bone man. Il est invité à les voir ensuite à Paris à La Maroquinerie. Il emmènera  son grand frère en coulisse, pour partager ce moment unique. L’espace temps. Boomerang. Depuis cette première collaboration Simon Jones lui demande régulièrement de les photographier, comme ici au Parc Thabor à Rennes. « Nous cherchions l’image pour notre pochette, (listen for) the rag and bone man. J’ai cherché des photographes sur Myspace, susceptibles de nous convenir. Certains de mes amis avaient Jérôme Sevrette dans leurs contacts. J’ai donc regardé son travail. Il y avait une certaine profondeur, une présence. Je me suis dit que ça collait parfaitement à notre univers et aux textes. Il y avait quelque chose de familier, très personnel, dans son style, comme si c’était quelque chose hors du temps. Je suis très content de cette pochette d’album. Quand je lui ai demandé de réaliser des photos du groupe ensuite, j’ai senti une certaine résistance, je n’avais pas compris qu’a cette période, il n’avait pas encore franchi la frontière de la présence humaine, donc c’était nous offrir un cadeau. »

Jérôme Sevrette à sa manière est quelqu’un de radical. On le ressent profondément dans ses photos. La manière dont il choisit le cadre, la façon de disposer les musiciens à l’intérieur, ce noir si intense. Ici pas de place pour des émotions tièdes ou fades. Ses photos sont comme un embrasement.

« Je fis un feu, l’azur m’ayant abandonné…» Pour vivre ici – Paul Eluard

En 2014, il devient artiste indépendant. 

Mais difficile de continuer dans cette direction quand on n’appartient pas, ou quand on n’est pas associé à un groupe de presse, à un label. Il n’a pas réussi à choper les contacts, certainement une affaire de réseaux… Etre provincial (de Rennes) et ne pas vivre à Paris n’aident pas….

Il y a tout de même ses photos qui paraissent parfois dans Les InrocksMagic ou Libération mais trop irrégulièrement… 

Il passe par une période de doute, à l’impression de n’être rien, de ne pas être reconnu…

Il y aura pourtant cette magnifique expo associée au photographe Franck Loriou pendant les Transmusicales de Rennes. Puis surtout son exposition au Studio des Variétés où Richard Dumas était passé avant lui. 

Mais une fois de plus c’est son instinct qui va le mener au bon endroit.  Il se diversifie, et découvre ce drôle d’objet : le drone qu’il maîtrise désormais à merveille. Renaissance. Il se réapproprie le plaisir. 

Et ce qu’il aperçoit de tout là-haut, devient une forme d’art à part entière. Finalement, il renoue avec ce qu’il faisait au tout début. Son lien très fort avec la nature, quelle qu’elle soit : sauvage, géométrique, cabossée, unique, surprenante, fascinante et vertigineuse. 

Il y a quelques jours, dans la presse (Le Figaro, Paris-Match), paraissait un hommage au chanteur Christophe, accompagné d’une photo de  Jérôme Sevrette. Un clin d’œil tendre de la vie pour lui dire qu’elle ne l’a pas oubliée.
« La tendresse nous venge, douce, douce revanche » chantait un certain Philippe Pascal de Marc Seberg.

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SZAMANKA